Par :
Dr Stéphanie MAUDUIT, Endocrinologue, Hôpital Ambroise Paré (Boulogne)
Points importants
Le terme de thyroïdite signifie « état
inflammatoire de la thyroïde », et regroupe différentes entités
pathologiques, de présentations cliniques diverses, et dont le degré
d'urgence est variable.
La thyroïdite aiguë à pyogènes doit toujours être recherchée
devant toute thyroïdite car elle est de pronostic grave. La
symptomatologie est bruyante, associant douleurs cervicales et syndrome
infectieux marqué ; elle nécessite une antibiothérapie urgente.
Les thyroïdites subaiguës et chroniques ne justifient pas de
prise en charge en urgence, sauf en cas d'hyperthyroïdie associée, qui
devra être spécifiquement traitée selon son intensité et la tolérance du
patient.
La thyroïdite de Riedel est rare mais peut entraîner un
tableau de compression locale qui nécessite une intervention
chirurgicale et une corticothérapie.
Thyroïdite aiguë infectieuse
Elle est rare, car la thyroïde du fait de sa
richesse vasculaire, de son contenu en iode et de sa production de
peroxyde d'hydrogène, possède une résistance naturelle vis-à-vis des
bactéries.
Le plus souvent, elle survient dans un contexte de septicémie, de
surinfection d'un cancer ORL ou en cas de fistule du sinus pyriforme ou
d'un vestige du canal thyréoglosse chez l'enfant.
Dans 2/3 des cas, il s'agit d'une infection bactérienne, à germes
pyogènes provenant de la flore ORL, essentiellement cocci gram +
(streptocoques pyogènes, staphylocoque doré, pneumocoque).
Dans 1/3 des cas, il s'agit d'infections mycobactériennes, fongiques ou parasitaires, surtout en cas de terrain immunodéprimé.
Des thyroïdites aiguës (TA) non suppurées sont parfois observées au cours de viroses (Oreillons, CMV, EBV, influenza...).
Cliniquement, on observe une masse cervicale
antérieure douloureuse, généralement unilatérale, de survenue brutale,
associée à un état fébrile, pouvant être attribuée à tort à une angine
ou une laryngite ; des otalgies et une dysphagie peuvent être associées.
La palpation est hyperalgique. Il existe des adénopathies cervicales
sensibles et un syndrome infectieux.
Biologiquement, il existe un syndrome inflammatoire et une hyperleucocytose.
L'échographie met en évidence une zone hypoéchogène, parfois kystique, hétérogène et mal limitée et peut permettre la ponction-aspiration d'un nodule en voie d'abcédation afin de recueillir le germe.
Les complications sont le choc septique et la gangrène thyroïdienne, la médiastinite ou la fistulisation vers les organes creux de voisinage.
Le diagnostic différentiel est la thyroïdite subaiguë avec le risque de prescrire une corticothérapie qui peut précipiter l'évolution vers l'abcédation.
Le traitement repose sur l'antibiothérapie, pénicilline
associée à un inhibiteur des β-lactamases, ou un macrolide associé à un
imidazolé. A la phase abcédée, en cas de suppuration, un drainage chirurgical, voire une thyroïdectomie partielle ou complète, peuvent être nécessaires.
Thyroïdites subaiguës
1. Thyroïdite granulomateuse de De Quervain (TGDQ)
C'est la cause la plus fréquente de douleurs
thyroïdiennes ; le début peut être très brutal et hyperalgique. En
revanche, contrairement à la TA, l'évolution est favorable, cycliquement
vers la guérison. Elle est plus fréquente chez la femme (sex-ratio
entre 2 et 6) et entre 30 et 50 ans, avec un pic d'incidence en été.
Il s'agit d'un processus inflammatoire probablement d'origine virale, qui, cliniquement, est
souvent précédé d'un syndrome grippal, et qui se manifeste par une
tuméfaction douloureuse de la glande associée à des symptômes généraux.
La douleur cervicale antérieure irradie vers la mâchoire et les
oreilles. La palpation peut être hyperalgique et retrouve un goitre
ferme.
Biologiquement, il existe un syndrome inflammatoire
franc, une hyperleucocytose modérée. Sur le plan hormonal, on note
parfois une hyperthyroïdie modérée initiale, suivie d'une phase
d'euthyroïdie puis 3 à 6 semaines plus tard, d'hypothyroïdie dans 90 %
des cas. La normalisation survient en quelques semaines ou mois.
L'échographie montre des plages hypoéchogènes et permet le diagnostic différentiel avec un kyste hémorragique ou un abcès.
La scintigraphie n'est pas indispensable au diagnostic
; elle peut être faite en cas de doute sur une maladie de Basedow, et
montre typiquement une cartographie blanche.
Le traitement est symptomatique et repose sur les
anti-inflammatoires non stéroïdiens ou la corticothérapie (0,5 à 1
mg/kg) en cas d'échec ou d'emblée. L'efficacité est rapide mais le
maintien de fortes doses est souvent nécessaire pendant 4 à 6 semaines
avec une décroissance progressive en fonction de la VS pour éviter une
rechute ou un effet rebond. L'arrêt se fait après 3 à 6 mois et parfois
plus dans les formes sévères. La phase transitoire d'hyperthyroïdie peut
être traitée par β-bloquants si elle est mal tolérée.
2. Thyroïdite lymphocytaire subaiguë
Elle se distingue de la TGDQ par son caractère
indolore. Il s'agit d'une maladie auto-immune proche de la thyroïdite de
Hashimoto (TH), de ce fait les anticorps anti-thyroperoxydase
(anti-TPO) et anti-thyroglobuline (anti-Tg) sont détectés mais à des
taux moindres que dans la TH. Il n'y a pas de syndrome inflammatoire. Il
existe un goitre modéré avec infiltration lymphocytaire, et la
dysthyroïdie est fréquente mais en général transitoire.
Il en existe différents types :
a. Thyroïdite lymphocytaire subaiguë sporadique
Sa prévalence varie de 1 à 23 % selon les séries.
Cliniquement, il existe une phase d'hyperthyroïdie
modérée suivie d'une hypothyroïdie. Le goitre est petit, souple et
indolore. En cas de doute avec une maladie de Basedow, la scintigraphie permet le diagnostic : elle montre une fixation faible ou nulle.
Elle évolue spontanément vers la guérison en 2 à 6 mois dans 40 % des cas, mais un traitement symptomatique
peut parfois être nécessaire en cas de mauvaise tolérance : β-bloquants
en phase d'hyperthyroïdie, hormones thyroïdiennes en cas
d'hypothyroïdie. L'hypothyroïdie définitive (10 %) ou la récidive (10 %)
sont possibles.
b. Thyroïdite du post-partum
Elle survient dans l'année qui suit un accouchement ou une
fausse-couche. Sa prévalence est de 5 à 7 % mais elle est plus fréquente
en cas de positivité des anticorps avant la grossesse (50 %) ou de
diabète de type 1 (15 à 25 %). Le taux de récidive est de 70 % après
chaque grossesse.
Cliniquement, elle se présente comme une thyroïdite
indolore, avec une phase initiale d'hyperthyroïdie en général de courte
durée, qui peut être isolée ou suivie d'une phase d'hypothyroïdie
transitoire ou permanente (dans environ un quart des cas). Cette
dernière peut se manifester par une dépression du post-partum.
Le traitement substitutif par hormones thyroïdiennes en
cas d'hypothyroïdie sera interrompu après 1 an dans l'hypothèse d'une
forme transitoire. La phase d'hyperthyroïdie peut nécessiter un
traitement symptomatique (cf a.)
c. Thyroïdite iatrogène
Elle peut se voir lors d'un traitement par lithium ou par cytokines, en particulier interféron ou interleukine 2.
Le tableau habituel est celui d'une thyroïdite silencieuse, avec
hyperthyroïdie, hypothyroïdie ou les deux successivement. Elle est
d'autant plus fréquente que les anticorps sont positifs. De vraies
maladies de Basedow (anticorps anti-récepteurs de la TSH [TRAK]
positifs) sont parfois observées. La récupération est fréquente à
distance du traitement.
d. Thyroïdite toxique, radique, traumatique
La thyroïdite toxique peut se voir sous traitement par
amiodarone. Celle-ci est fortement chargée en iode, et peut soit
interférer avec l'immunité thyroïdienne, soit avoir un rôle toxique
direct. Sous traitement, le profil biologique se modifie (sans
conséquences sur le plan clinique) avec TSH et FT4 qui s'élèvent
modérément, tandis que FT3 reste normale ; c'est une des rares
situations où il est justifié en pratique clinique de doser FT3. On peut
observer en pathologie, soit une hypothyroïdie surtout si les anticorps
sont positifs, soit une hyperthyroïdie, par effet cytotoxique direct ou
par déclenchement d'une maladie de Basedow.
La thyroïdite radique s'observe après traitement par iode 131 ou irradiation externe.
La thyroïdite traumatique survient après un traumatisme externe, une ponction ou une intervention chirurgicale. Elle est rare.
Thyroïdite chronique lymphocytaire de Hashimoto
Elle est relativement fréquente, puisqu'elle atteint
10 à 15 % des femmes autour de 50 ans. Il s'agit d'une maladie
auto-immune spécifique d'organe.
Cliniquement, on peut observer un goitre ferme,
indolore. Parfois, la thyroïde est atrophique. Avec le temps, le goitre
durcit au fur et à mesure qu'il devient plus fibreux.
Biologiquement, les anticorps anti-TPO sont présents
dans 90 % des cas. Ils exercent un rôle important dans la pathogénie de
la thyroïdite et l'évolution vers l'hypothyroïdie en inhibant la
thyroperoxydase (TPO), enzyme clé dans la synthèse des hormones
thyroïdiennes. Les anticorps anti-Tg sont présents aussi dans 90 % des
cas, mais également chez 10 % de la population saine. Sur le plan
anatomopathologique, il existe une infiltration lymphocytaire diffuse.
L'échographie montre un aspect hypoéchogène typique avec parfois des plages pseudo-nodulaires. La scintigraphie est inutile au diagnostic ; elle montre un aspect en damier caractéristique.
L'évolution naturelle de la TH est l'apparition
progressive (4 à 5 % par an) d'une hypothyroïdie, en général définitive.
Le risque est corrélé au taux des anticorps.
Il existe parfois une orbitopathie, avec exophtalmie et rétraction
palpébrale, beaucoup plus rare que dans la maladie de Basedow. Par
ailleurs, d'autres maladies auto-immunes peuvent parfois être associées,
hormonales ou extra-endocriniennes : diabète de type 1,
hypoparathyroïdie, insuffisance surrénale, vitiligo, polyarthrite
rhumatoïde, maladie de Biermer...
Une complication rare mais grave est l'apparition d'un
lymphome non hodgkinien, plus souvent chez la femme âgée, et dont la
prévalence dans la TH est de 67 à 80 fois supérieure à celle de la
population générale.
Le traitement est un traitement substitutif par
hormones thyroïdiennes à vie ; on recommande la prise matinale à jeun,
et la dose est adaptée tous les 2 à 3 mois selon le taux de TSH. Le
traitement doit être débuté à faibles doses (12,5 ou 25 µg/j) et
augmenté de façon progressive chez les patients ayant une cardiopathie.
En cas d'hypothyroïdie frustre (TSH modérément élevée, FT4 normale),
l'indication est discutée mais la présence d'anticorps incite beaucoup
d'auteurs à traiter, ce d'autant que plusieurs études ont montré des
bénéfices en terme de prévention cardio-vasculaire.
Une fois la dose d'équilibre atteinte, la surveillance de la TSH est biannuelle voire annuelle.
Pendant la grossesse, on recommande d'augmenter dès le premier trimestre
la dose habituelle de 20 à 30 % pour obtenir une TSH normale et une FT4
dans le tiers supérieur de la fourchette normale. TSH et FT4 sont
surveillées régulièrement.
Thyroïdite de Riedel
Encore appelée thyroïdite sclérosante ou fibreuse
invasive, elle est extrêmement rare : 0,06 % des goitres opérés,
incidence de 1,6/100 000 habitants. Elle prédomine chez la femme. Sa
physiopathologie est inconnue (probables processus auto-immuns évoluant
vers la fibrose). Il est probable qu'elle représente la localisation
thyroïdienne d'une maladie fibroscléreuse généralisée.
Cliniquement, on observe un goitre indolore,
rapidement évolutif, dur, pierreux, fixé aux plans profonds et
superficiels, et associé à des signes compressifs (dyspnée, dysphagie,
toux, stridor ou enrouement). Cet aspect doit faire évoquer un cancer
indifférencié, mais l'absence d'adénopathies et la cytologie permettent
de poser le diagnostic.
L'échographie montre un goitre hypoéchogène. Le scanner cervico-thoraco-abdominal permet de préciser la compression et de faire le bilan d'extension de la maladie.
Le traitement est d'abord chirurgical, mais une corticothérapie est fréquemment nécessaire, à fortes doses et prolongée.
Références bibliographiques :
Dr Stéphanie MAUDUIT, Endocrinologue, Hôpital Ambroise Paré (Boulogne)
Points importants
Le terme de thyroïdite signifie « état
inflammatoire de la thyroïde », et regroupe différentes entités
pathologiques, de présentations cliniques diverses, et dont le degré
d'urgence est variable.
La thyroïdite aiguë à pyogènes doit toujours être recherchée
devant toute thyroïdite car elle est de pronostic grave. La
symptomatologie est bruyante, associant douleurs cervicales et syndrome
infectieux marqué ; elle nécessite une antibiothérapie urgente.
Les thyroïdites subaiguës et chroniques ne justifient pas de
prise en charge en urgence, sauf en cas d'hyperthyroïdie associée, qui
devra être spécifiquement traitée selon son intensité et la tolérance du
patient.
La thyroïdite de Riedel est rare mais peut entraîner un
tableau de compression locale qui nécessite une intervention
chirurgicale et une corticothérapie.
Thyroïdite aiguë infectieuse
Elle est rare, car la thyroïde du fait de sa
richesse vasculaire, de son contenu en iode et de sa production de
peroxyde d'hydrogène, possède une résistance naturelle vis-à-vis des
bactéries.
Le plus souvent, elle survient dans un contexte de septicémie, de
surinfection d'un cancer ORL ou en cas de fistule du sinus pyriforme ou
d'un vestige du canal thyréoglosse chez l'enfant.
Dans 2/3 des cas, il s'agit d'une infection bactérienne, à germes
pyogènes provenant de la flore ORL, essentiellement cocci gram +
(streptocoques pyogènes, staphylocoque doré, pneumocoque).
Dans 1/3 des cas, il s'agit d'infections mycobactériennes, fongiques ou parasitaires, surtout en cas de terrain immunodéprimé.
Des thyroïdites aiguës (TA) non suppurées sont parfois observées au cours de viroses (Oreillons, CMV, EBV, influenza...).
Cliniquement, on observe une masse cervicale
antérieure douloureuse, généralement unilatérale, de survenue brutale,
associée à un état fébrile, pouvant être attribuée à tort à une angine
ou une laryngite ; des otalgies et une dysphagie peuvent être associées.
La palpation est hyperalgique. Il existe des adénopathies cervicales
sensibles et un syndrome infectieux.
Biologiquement, il existe un syndrome inflammatoire et une hyperleucocytose.
L'échographie met en évidence une zone hypoéchogène, parfois kystique, hétérogène et mal limitée et peut permettre la ponction-aspiration d'un nodule en voie d'abcédation afin de recueillir le germe.
Les complications sont le choc septique et la gangrène thyroïdienne, la médiastinite ou la fistulisation vers les organes creux de voisinage.
Le diagnostic différentiel est la thyroïdite subaiguë avec le risque de prescrire une corticothérapie qui peut précipiter l'évolution vers l'abcédation.
Le traitement repose sur l'antibiothérapie, pénicilline
associée à un inhibiteur des β-lactamases, ou un macrolide associé à un
imidazolé. A la phase abcédée, en cas de suppuration, un drainage chirurgical, voire une thyroïdectomie partielle ou complète, peuvent être nécessaires.
Thyroïdites subaiguës
1. Thyroïdite granulomateuse de De Quervain (TGDQ)
C'est la cause la plus fréquente de douleurs
thyroïdiennes ; le début peut être très brutal et hyperalgique. En
revanche, contrairement à la TA, l'évolution est favorable, cycliquement
vers la guérison. Elle est plus fréquente chez la femme (sex-ratio
entre 2 et 6) et entre 30 et 50 ans, avec un pic d'incidence en été.
Il s'agit d'un processus inflammatoire probablement d'origine virale, qui, cliniquement, est
souvent précédé d'un syndrome grippal, et qui se manifeste par une
tuméfaction douloureuse de la glande associée à des symptômes généraux.
La douleur cervicale antérieure irradie vers la mâchoire et les
oreilles. La palpation peut être hyperalgique et retrouve un goitre
ferme.
Biologiquement, il existe un syndrome inflammatoire
franc, une hyperleucocytose modérée. Sur le plan hormonal, on note
parfois une hyperthyroïdie modérée initiale, suivie d'une phase
d'euthyroïdie puis 3 à 6 semaines plus tard, d'hypothyroïdie dans 90 %
des cas. La normalisation survient en quelques semaines ou mois.
L'échographie montre des plages hypoéchogènes et permet le diagnostic différentiel avec un kyste hémorragique ou un abcès.
La scintigraphie n'est pas indispensable au diagnostic
; elle peut être faite en cas de doute sur une maladie de Basedow, et
montre typiquement une cartographie blanche.
Le traitement est symptomatique et repose sur les
anti-inflammatoires non stéroïdiens ou la corticothérapie (0,5 à 1
mg/kg) en cas d'échec ou d'emblée. L'efficacité est rapide mais le
maintien de fortes doses est souvent nécessaire pendant 4 à 6 semaines
avec une décroissance progressive en fonction de la VS pour éviter une
rechute ou un effet rebond. L'arrêt se fait après 3 à 6 mois et parfois
plus dans les formes sévères. La phase transitoire d'hyperthyroïdie peut
être traitée par β-bloquants si elle est mal tolérée.
2. Thyroïdite lymphocytaire subaiguë
Elle se distingue de la TGDQ par son caractère
indolore. Il s'agit d'une maladie auto-immune proche de la thyroïdite de
Hashimoto (TH), de ce fait les anticorps anti-thyroperoxydase
(anti-TPO) et anti-thyroglobuline (anti-Tg) sont détectés mais à des
taux moindres que dans la TH. Il n'y a pas de syndrome inflammatoire. Il
existe un goitre modéré avec infiltration lymphocytaire, et la
dysthyroïdie est fréquente mais en général transitoire.
Il en existe différents types :
a. Thyroïdite lymphocytaire subaiguë sporadique
Sa prévalence varie de 1 à 23 % selon les séries.
Cliniquement, il existe une phase d'hyperthyroïdie
modérée suivie d'une hypothyroïdie. Le goitre est petit, souple et
indolore. En cas de doute avec une maladie de Basedow, la scintigraphie permet le diagnostic : elle montre une fixation faible ou nulle.
Elle évolue spontanément vers la guérison en 2 à 6 mois dans 40 % des cas, mais un traitement symptomatique
peut parfois être nécessaire en cas de mauvaise tolérance : β-bloquants
en phase d'hyperthyroïdie, hormones thyroïdiennes en cas
d'hypothyroïdie. L'hypothyroïdie définitive (10 %) ou la récidive (10 %)
sont possibles.
b. Thyroïdite du post-partum
Elle survient dans l'année qui suit un accouchement ou une
fausse-couche. Sa prévalence est de 5 à 7 % mais elle est plus fréquente
en cas de positivité des anticorps avant la grossesse (50 %) ou de
diabète de type 1 (15 à 25 %). Le taux de récidive est de 70 % après
chaque grossesse.
Cliniquement, elle se présente comme une thyroïdite
indolore, avec une phase initiale d'hyperthyroïdie en général de courte
durée, qui peut être isolée ou suivie d'une phase d'hypothyroïdie
transitoire ou permanente (dans environ un quart des cas). Cette
dernière peut se manifester par une dépression du post-partum.
Le traitement substitutif par hormones thyroïdiennes en
cas d'hypothyroïdie sera interrompu après 1 an dans l'hypothèse d'une
forme transitoire. La phase d'hyperthyroïdie peut nécessiter un
traitement symptomatique (cf a.)
c. Thyroïdite iatrogène
Elle peut se voir lors d'un traitement par lithium ou par cytokines, en particulier interféron ou interleukine 2.
Le tableau habituel est celui d'une thyroïdite silencieuse, avec
hyperthyroïdie, hypothyroïdie ou les deux successivement. Elle est
d'autant plus fréquente que les anticorps sont positifs. De vraies
maladies de Basedow (anticorps anti-récepteurs de la TSH [TRAK]
positifs) sont parfois observées. La récupération est fréquente à
distance du traitement.
d. Thyroïdite toxique, radique, traumatique
La thyroïdite toxique peut se voir sous traitement par
amiodarone. Celle-ci est fortement chargée en iode, et peut soit
interférer avec l'immunité thyroïdienne, soit avoir un rôle toxique
direct. Sous traitement, le profil biologique se modifie (sans
conséquences sur le plan clinique) avec TSH et FT4 qui s'élèvent
modérément, tandis que FT3 reste normale ; c'est une des rares
situations où il est justifié en pratique clinique de doser FT3. On peut
observer en pathologie, soit une hypothyroïdie surtout si les anticorps
sont positifs, soit une hyperthyroïdie, par effet cytotoxique direct ou
par déclenchement d'une maladie de Basedow.
La thyroïdite radique s'observe après traitement par iode 131 ou irradiation externe.
La thyroïdite traumatique survient après un traumatisme externe, une ponction ou une intervention chirurgicale. Elle est rare.
Thyroïdite chronique lymphocytaire de Hashimoto
Elle est relativement fréquente, puisqu'elle atteint
10 à 15 % des femmes autour de 50 ans. Il s'agit d'une maladie
auto-immune spécifique d'organe.
Cliniquement, on peut observer un goitre ferme,
indolore. Parfois, la thyroïde est atrophique. Avec le temps, le goitre
durcit au fur et à mesure qu'il devient plus fibreux.
Biologiquement, les anticorps anti-TPO sont présents
dans 90 % des cas. Ils exercent un rôle important dans la pathogénie de
la thyroïdite et l'évolution vers l'hypothyroïdie en inhibant la
thyroperoxydase (TPO), enzyme clé dans la synthèse des hormones
thyroïdiennes. Les anticorps anti-Tg sont présents aussi dans 90 % des
cas, mais également chez 10 % de la population saine. Sur le plan
anatomopathologique, il existe une infiltration lymphocytaire diffuse.
L'échographie montre un aspect hypoéchogène typique avec parfois des plages pseudo-nodulaires. La scintigraphie est inutile au diagnostic ; elle montre un aspect en damier caractéristique.
L'évolution naturelle de la TH est l'apparition
progressive (4 à 5 % par an) d'une hypothyroïdie, en général définitive.
Le risque est corrélé au taux des anticorps.
Il existe parfois une orbitopathie, avec exophtalmie et rétraction
palpébrale, beaucoup plus rare que dans la maladie de Basedow. Par
ailleurs, d'autres maladies auto-immunes peuvent parfois être associées,
hormonales ou extra-endocriniennes : diabète de type 1,
hypoparathyroïdie, insuffisance surrénale, vitiligo, polyarthrite
rhumatoïde, maladie de Biermer...
Une complication rare mais grave est l'apparition d'un
lymphome non hodgkinien, plus souvent chez la femme âgée, et dont la
prévalence dans la TH est de 67 à 80 fois supérieure à celle de la
population générale.
Le traitement est un traitement substitutif par
hormones thyroïdiennes à vie ; on recommande la prise matinale à jeun,
et la dose est adaptée tous les 2 à 3 mois selon le taux de TSH. Le
traitement doit être débuté à faibles doses (12,5 ou 25 µg/j) et
augmenté de façon progressive chez les patients ayant une cardiopathie.
En cas d'hypothyroïdie frustre (TSH modérément élevée, FT4 normale),
l'indication est discutée mais la présence d'anticorps incite beaucoup
d'auteurs à traiter, ce d'autant que plusieurs études ont montré des
bénéfices en terme de prévention cardio-vasculaire.
Une fois la dose d'équilibre atteinte, la surveillance de la TSH est biannuelle voire annuelle.
Pendant la grossesse, on recommande d'augmenter dès le premier trimestre
la dose habituelle de 20 à 30 % pour obtenir une TSH normale et une FT4
dans le tiers supérieur de la fourchette normale. TSH et FT4 sont
surveillées régulièrement.
Thyroïdite de Riedel
Encore appelée thyroïdite sclérosante ou fibreuse
invasive, elle est extrêmement rare : 0,06 % des goitres opérés,
incidence de 1,6/100 000 habitants. Elle prédomine chez la femme. Sa
physiopathologie est inconnue (probables processus auto-immuns évoluant
vers la fibrose). Il est probable qu'elle représente la localisation
thyroïdienne d'une maladie fibroscléreuse généralisée.
Cliniquement, on observe un goitre indolore,
rapidement évolutif, dur, pierreux, fixé aux plans profonds et
superficiels, et associé à des signes compressifs (dyspnée, dysphagie,
toux, stridor ou enrouement). Cet aspect doit faire évoquer un cancer
indifférencié, mais l'absence d'adénopathies et la cytologie permettent
de poser le diagnostic.
L'échographie montre un goitre hypoéchogène. Le scanner cervico-thoraco-abdominal permet de préciser la compression et de faire le bilan d'extension de la maladie.
Le traitement est d'abord chirurgical, mais une corticothérapie est fréquemment nécessaire, à fortes doses et prolongée.
Références bibliographiques :
- Mahoudeau J. Thyroïdites aiguës et subaiguës. Urgences en
endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques, sous la
coordination du Pr JM Kuhn, Editions DaTeBe. - Klein M. Thyroïdites. Traité d'endocrinologie, sous la direction de P Chanson et J Young, Editions Médecine-Sciences Flammarion.
- Duron F et al. Thyroïdites. EMC (Paris), Endocrinologie, 2004;1:3-18.
- Woolf PD. Thyroiditis. Med Clin North Am, 1985;69:1035-48.
- JIM
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Jeu 21 Nov 2024, 10:09 par kazran