La migration des leucocytes dans les tissus intestinaux inflammatoires est régulée par des mécanismes moléculaires spécifiques, faisant, entre autre, intervenir l’intégrine ∝4β7.
Il s’agit d’une glycoprotéine de membrane exprimée de façon variable sur les lymphocytes B et T, qui interagit avec la vascularisation intestinale.
Le blocage sélectif du trafic des lymphocytes par le védolizumab, un anticorps monoclonal dirigé contre l’intégrine ∝4β7 pourrait constituer une option efficace pour la prise en charge des colites inflammatoires dont les traitements actuels comportent de nombreuses limites, soit en termes d’efficacité, soit de sécurité.
Cette publication présente les résultats de deux études intégrées, randomisées, contrôlées contre placebo, visant à évaluer l'efficacité et la sécurité du védolizumab chez des patients ayant une maladie de Crohn active.
Dans la phase d’induction, 368 patients ont été randomisés pour recevoir soit du védolizumab (300 mg) soit du placebo à la semaine 0 et 2 (cohorte 1), et 747 patients ont reçu en ouvert du védolizumab à la même posologie aux semaines 0 et 2 (cohorte 2).
La réponse au traitement évaluée par l'activité de la maladie a été mesurée à la semaine six.
Pour la phase de maintenance, 461 patients ayant eu une réponse au védolizumab ont été randomisés pour recevoir soit du placebo soit du védolizumab, toutes les 8 ou toutes les 4 semaines, jusqu'à la 52ème semaine.
Davantage de rémissions cliniques sous traitement actif à 6 et à 52 semaines
À la sixième semaine du traitement de la phase d’induction, 14,5 % des patients dans la cohorte 1 qui recevaient du védolizumab et 6,8 % des patients du groupe placebo étaient en rémission clinique (c'est-à-dire avec un score pour l'indice d'activité de la maladie de Crohn, CDAI, < 150, un score qui varie de zéro à environ 600, d'autant plus élevée que la maladie est plus sévère) (p = 0,02).
Toujours à la sixième semaine une réponse clinique définie par une baisse de plus de 100 points du CDAI (réponse CDAI-100) par rapport à la valeur basale était observée chez respectivement 31,4 % et 25,7 % des patients du groupe védolizumab et placebo (P = 0,23).
Dans la cohorte 2 la proportion de patients en rémission et ayant une réponse CDAI-100 à la sixième semaine était de 17,7 % et 34,4 % respectivement.
Parmi les patients des deux cohortes qui avaient eu une réponse à la phase d’induction, 39 % et 36,4 % de ceux recevant le védolizumab toutes les huit semaines où toutes les quatre semaines étaient en rémission clinique à la semaine 52, comparativement à 21,6 % des patients du groupe placebo (p<0,001 et p = 0,004 pour les deux groupes védolizumab respectivement par rapport au placebo).
La proportion de malades ayant une rémission sans corticoïdes était également supérieure dans les deux groupes védolizumab (15,9 %, 31,7 % et 28,8 % pour les groupes placebo et védolizumab toutes les 8 ou 4 semaines respectivement ; p = 0,02 et p = 0,04 pour les deux groupes védolizumab respectivement par rapport au placebo).
Mais pas plus de rémissions durables et une fréquence plus élevée d’effets secondaires
En revanche la proportion de rémissions cliniques durables, définies comme une rémission clinique constatée au cours de plus de 80 % des visites de l'étude incluant la visite finale, n’était pas différente entre le groupe placebo et les deux groupes védolizumab
Des anticorps dirigés contre le védolizumab sont apparus chez 4 % des patients.
Des épisodes de nasopharyngite sont survenus plus fréquemment, et des céphalées abdominales moins fréquemment, chez les patients recevant du vedolizumab par rapport à ceux recevant du placebo.
Par rapport au placebo le védolizumab était associé avec une fréquence plus élevée d'événements indésirables sérieux (24,4 % versus 15,3 %), d'infections (44,1 % vs 40,2 %) et d'infections graves (55 % vs 3,0 %).
Cinq patients sont décédés pendant l'étude quatre recevant du védolizumab (pour 308 patients) un du placebo (pour 153 patients).
La conclusion de ce travail est que les patients ayant une maladie de Crohn active et recevant du védolizumab ont plus de chance d'être en rémission mais pas d'avoir une réponse CDAI-100 à la sixième semaine de la phase d'induction.
Par ailleurs les patients ayant une réponse après la phase d’induction et qui poursuivent le traitement par védolizumab ont plus de chance d'être en rémission à la semaine 52 que ceux ayant été basculés vers un traitement par placebo.
Les événements indésirables sont plus fréquents avec le vedolizumab qu'avec le placebo.
Bien entendu, une des limites majeure de cette étude, comme pour celle concernant la rectocolite hémorragique (RCH) et publiée dans le même numéro du New England Journal of Medicine, est de ne pas apporter de comparaison par rapport aux anti-TNF∝.
De moins bons résultats que pour la RCH
Un éditorial de Fabio Cominelli qui accompagne ces publications dans le New England Journal of Medicine suggère qu'un des aspects intéressants de ces deux essais cliniques est la différence substantielle de résultats pour la phase d’induction entre la RCH et la maladie de Crohn.
Une des hypothèses pour expliquer les résultats un peu décevants dans la maladie de Crohn serait que cette dernière correspond à une pathologie plus systémique que la RCH, avec une atteinte de la totalité du tube digestif, de la bouche à l'anus, caractérisée par une inflammation transmurale, des fistules et une atteinte multi-organique.
À l'opposé la RCH est une atteinte limitée aux couches superficielles de la muqueuse du gros intestin.
En bloquant la sous unité ∝4 (c'est-à-dire ∝4β7 et ∝4β1), le natalizumab pourrait avoir une action plus franche sur le transfert systémique des leucocytes et donc avoir une efficacité d'induction plus importante pour la maladie de Crohn que le védolizumab.
À l'inverse l'action plus localisée du védolizumab par sa spécificité ∝4β7 pourrait être insuffisante pour induire une réponse chez les patients ayant une maladie de Crohn.
Une autre hypothèse serait que l’inhibition de la migration des leucocytes en cas de maladie de Crohn demanderait plus de temps pour produire réponse cliniquement significative que chez les patients ayant une RCH.
Cet éditorial conclut que le védolizumab pourrait prochainement devenir un des éléments de l'arsenal thérapeutique pour le traitement des colites inflammatoires, en particulier chez les patients n'ayant pas répondu à un traitement par anti-TNF∝.
Il sera bien évidemment nécessaire de démontrer l'efficacité et la sécurité du védolizumab dans cette population de patients.
Pr Marc Bardou
Sandborn W et coll. : Vedolizumab as Induction and Maintenance Therapy for Crohn’s Disease. N Engl J Med., 2013; 369: 711-721. doi: 10.1056/NEJMoa1215739
Cominelli F et coll. Inhibition of leukocyte trafficking in inflammatory bowel disease. N Engl J Med., 2013; 369: 775-6. doi: 10.1056/NEJMe1307415.
Il s’agit d’une glycoprotéine de membrane exprimée de façon variable sur les lymphocytes B et T, qui interagit avec la vascularisation intestinale.
Le blocage sélectif du trafic des lymphocytes par le védolizumab, un anticorps monoclonal dirigé contre l’intégrine ∝4β7 pourrait constituer une option efficace pour la prise en charge des colites inflammatoires dont les traitements actuels comportent de nombreuses limites, soit en termes d’efficacité, soit de sécurité.
Cette publication présente les résultats de deux études intégrées, randomisées, contrôlées contre placebo, visant à évaluer l'efficacité et la sécurité du védolizumab chez des patients ayant une maladie de Crohn active.
Dans la phase d’induction, 368 patients ont été randomisés pour recevoir soit du védolizumab (300 mg) soit du placebo à la semaine 0 et 2 (cohorte 1), et 747 patients ont reçu en ouvert du védolizumab à la même posologie aux semaines 0 et 2 (cohorte 2).
La réponse au traitement évaluée par l'activité de la maladie a été mesurée à la semaine six.
Pour la phase de maintenance, 461 patients ayant eu une réponse au védolizumab ont été randomisés pour recevoir soit du placebo soit du védolizumab, toutes les 8 ou toutes les 4 semaines, jusqu'à la 52ème semaine.
Davantage de rémissions cliniques sous traitement actif à 6 et à 52 semaines
À la sixième semaine du traitement de la phase d’induction, 14,5 % des patients dans la cohorte 1 qui recevaient du védolizumab et 6,8 % des patients du groupe placebo étaient en rémission clinique (c'est-à-dire avec un score pour l'indice d'activité de la maladie de Crohn, CDAI, < 150, un score qui varie de zéro à environ 600, d'autant plus élevée que la maladie est plus sévère) (p = 0,02).
Toujours à la sixième semaine une réponse clinique définie par une baisse de plus de 100 points du CDAI (réponse CDAI-100) par rapport à la valeur basale était observée chez respectivement 31,4 % et 25,7 % des patients du groupe védolizumab et placebo (P = 0,23).
Dans la cohorte 2 la proportion de patients en rémission et ayant une réponse CDAI-100 à la sixième semaine était de 17,7 % et 34,4 % respectivement.
Parmi les patients des deux cohortes qui avaient eu une réponse à la phase d’induction, 39 % et 36,4 % de ceux recevant le védolizumab toutes les huit semaines où toutes les quatre semaines étaient en rémission clinique à la semaine 52, comparativement à 21,6 % des patients du groupe placebo (p<0,001 et p = 0,004 pour les deux groupes védolizumab respectivement par rapport au placebo).
La proportion de malades ayant une rémission sans corticoïdes était également supérieure dans les deux groupes védolizumab (15,9 %, 31,7 % et 28,8 % pour les groupes placebo et védolizumab toutes les 8 ou 4 semaines respectivement ; p = 0,02 et p = 0,04 pour les deux groupes védolizumab respectivement par rapport au placebo).
Mais pas plus de rémissions durables et une fréquence plus élevée d’effets secondaires
En revanche la proportion de rémissions cliniques durables, définies comme une rémission clinique constatée au cours de plus de 80 % des visites de l'étude incluant la visite finale, n’était pas différente entre le groupe placebo et les deux groupes védolizumab
Des anticorps dirigés contre le védolizumab sont apparus chez 4 % des patients.
Des épisodes de nasopharyngite sont survenus plus fréquemment, et des céphalées abdominales moins fréquemment, chez les patients recevant du vedolizumab par rapport à ceux recevant du placebo.
Par rapport au placebo le védolizumab était associé avec une fréquence plus élevée d'événements indésirables sérieux (24,4 % versus 15,3 %), d'infections (44,1 % vs 40,2 %) et d'infections graves (55 % vs 3,0 %).
Cinq patients sont décédés pendant l'étude quatre recevant du védolizumab (pour 308 patients) un du placebo (pour 153 patients).
La conclusion de ce travail est que les patients ayant une maladie de Crohn active et recevant du védolizumab ont plus de chance d'être en rémission mais pas d'avoir une réponse CDAI-100 à la sixième semaine de la phase d'induction.
Par ailleurs les patients ayant une réponse après la phase d’induction et qui poursuivent le traitement par védolizumab ont plus de chance d'être en rémission à la semaine 52 que ceux ayant été basculés vers un traitement par placebo.
Les événements indésirables sont plus fréquents avec le vedolizumab qu'avec le placebo.
Bien entendu, une des limites majeure de cette étude, comme pour celle concernant la rectocolite hémorragique (RCH) et publiée dans le même numéro du New England Journal of Medicine, est de ne pas apporter de comparaison par rapport aux anti-TNF∝.
De moins bons résultats que pour la RCH
Un éditorial de Fabio Cominelli qui accompagne ces publications dans le New England Journal of Medicine suggère qu'un des aspects intéressants de ces deux essais cliniques est la différence substantielle de résultats pour la phase d’induction entre la RCH et la maladie de Crohn.
Une des hypothèses pour expliquer les résultats un peu décevants dans la maladie de Crohn serait que cette dernière correspond à une pathologie plus systémique que la RCH, avec une atteinte de la totalité du tube digestif, de la bouche à l'anus, caractérisée par une inflammation transmurale, des fistules et une atteinte multi-organique.
À l'opposé la RCH est une atteinte limitée aux couches superficielles de la muqueuse du gros intestin.
En bloquant la sous unité ∝4 (c'est-à-dire ∝4β7 et ∝4β1), le natalizumab pourrait avoir une action plus franche sur le transfert systémique des leucocytes et donc avoir une efficacité d'induction plus importante pour la maladie de Crohn que le védolizumab.
À l'inverse l'action plus localisée du védolizumab par sa spécificité ∝4β7 pourrait être insuffisante pour induire une réponse chez les patients ayant une maladie de Crohn.
Une autre hypothèse serait que l’inhibition de la migration des leucocytes en cas de maladie de Crohn demanderait plus de temps pour produire réponse cliniquement significative que chez les patients ayant une RCH.
Cet éditorial conclut que le védolizumab pourrait prochainement devenir un des éléments de l'arsenal thérapeutique pour le traitement des colites inflammatoires, en particulier chez les patients n'ayant pas répondu à un traitement par anti-TNF∝.
Il sera bien évidemment nécessaire de démontrer l'efficacité et la sécurité du védolizumab dans cette population de patients.
Pr Marc Bardou
Sandborn W et coll. : Vedolizumab as Induction and Maintenance Therapy for Crohn’s Disease. N Engl J Med., 2013; 369: 711-721. doi: 10.1056/NEJMoa1215739
Cominelli F et coll. Inhibition of leukocyte trafficking in inflammatory bowel disease. N Engl J Med., 2013; 369: 775-6. doi: 10.1056/NEJMe1307415.
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