L'exercice en clinique - Les relations entre médecin et personnel infirmier
(K Particulier)
Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé
Les faits
Une patiente, ayant été traitée 10 ans auparavant pour une tumeur du col utérin, présente en novembre 1989 une métastase pelvienne traitée par un évidement pelvien ; un protocole de chimiothérapie est mis en place par un oncologue libéral qui prescrit un traitement en 6 séries. La 1ère série débute en décembre, pour se poursuivre pendant 6 cycles.
Les séances de chimiothérapie sont réalisées par une infirmière salariée de l'établissement de santé privé. Cette dernière signale à l'oncologue, au cours du 4ème cycle (fin février 1990), des difficultés d'abord de la voie veineuse. Le médecin propose alors à la patiente de poser un site fixe d'abord veineux dans la veine sous-clavière droite, qui permettrait d'éviter les risques d'extravasation. La patiente, ne souhaitant pas subir une nouvelle intervention dans la mesure où elle en avait subi précédemment de multiples et importantes, refuse cette alternative.
Quelques jours plus tard, début mars 1990, la patiente reçoit une perfusion de chimiothérapie à base d'anthracycline, entraînant un gonflement de la main gauche ; cet incident n'est pas rapporté à l'oncologue ni mentionné dans le dossier de la patiente.
Elle présente par la suite des douleurs à type de brûlures de plus en plus importantes ; le médecin traitant consulté diagnostique alors une veinite sans qu'il lui soit possible de prévoir la réalité et l'étendue de la nécrose secondaire. À partir d'avril 1990, la nécrose s'étend au dos de la main et au poignet gauche ; la patiente subit alors, en juin 1990, une intervention plastique d'exérèse.
La patiente conservait quelques séquelles : des raideurs articulaires au poignet et à l'articulation ainsi que des cicatrices disgracieuses. Elle a par ailleurs beaucoup souffert dans le traitement de cette complication et a par conséquent assigné en référé l'oncologue et l'établissement de santé dans lequel elle a bénéficié des séances de chimiothérapie.
La procédure
La procédure a été reprise par les ayants droit de la patiente (son mari et ses deux filles) dans la mesure où cette dernière est décédée 8 mois après l'assignation.
L'expert nommé dans cette affaire a expliqué que la nécrose était la conséquence de l'extravasation accidentelle du produit utilisé pour la chimiothérapie. Il a indiqué que le médecin prescripteur n'avait pas commis de faute, contrairement au personnel infirmier dont il retient "une insuffisance grave intéressant la vigilance, la conscience et la compétence du personnel infirmier de jour ou de nuit, qui a permis au liquide antimitotique de diffuser autour du tronc veineux pendant plusieurs heures expliquant l'étendue de la nécrose secondaire". Selon lui, dans la mesure où la patiente avait présenté des problèmes lors des séances précédentes, il appartenait au personnel infirmier d'être encore plus vigilant et d'informer l'oncologue de la complication.
Enfin, l'expert a noté que la responsabilité de la patiente dans la réalisation de son préjudice devait également être retenue en raison de son refus de la pose d'un site qui aurait limité le risque d'extravasation. L'expert a ainsi retenu :
une responsabilité répartie entre l'établissement de santé (3/4) et la patiente (1/4) ;
une Incapacité Permanente Partielle (IPP) de 6 % liée aux raideurs articulaires et à une légère réduction de la préhension de la main ;
une Incapacité Temporaire de Travail (ITT) jusqu'au 9 novembre 1990 ;
un pretium doloris de 3 à 4 sur une échelle de 7 ;
un préjudice esthétique de 4 sur une échelle de 7 ;
un préjudice d'agrément en raison des difficultés à se servir d'une machine à tricoter.
Le Tribunal de Grande Instance (TGI) a suivi les conclusions expertales pour retenir la responsabilité du personnel infirmier et mettre hors de cause l'oncologue. Ainsi, l'établissement de santé privé, en sa qualité d'employeur du personnel infirmier fautif, a été condamné à verser 6 860 Â aux ayants droit en réparation de leur préjudice. Sa responsabilité dans le dommage a été limitée à 75 %, la patiente conservant à sa charge 25 % en raison de son refus.
Ce que dit la loi
L'article L. 1111-2 du Code de la santé publique précise que dans le cadre de la prescription d'un traitement, le médecin doit informer son patient de son utilité, de son urgence éventuelle, de ses conséquences, des risques fréquents ou graves normalement prévisibles que ce traitement comporte, ainsi que des autres solutions possibles et des conséquences prévisibles en cas de refus. Une fois informé, le patient peut donner son consentement libre et éclairé au traitement, et l'article L. 1111-4 du même Code nous indique que "le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix".
Les conseils
La communication entre les différents membres de l'équipe médicale est primordiale ; ainsi, lorsque l'infirmier ou l'infirmière constate un incident dans le suivi du traitement par le patient, il lui appartient d'en informer le médecin prescripteur et de le noter dans le dossier du patient. Dans cette affaire, le retard à l'intervention du personnel infirmier a été qualifié d'"insuffisance grave" : non seulement il n'a pas réagi assez rapidement, mais il n'a pas informé le médecin de la complication.
Par ailleurs, lorsqu'une alternative thérapeutique est envisagée, le médecin doit informer le patient des bénéfices attendus, des risques de chaque alternative et lui indiquer le meilleur choix. En cas de refus du patient de l'alternative thérapeutique proposée, il appartient au médecin de réexpliquer les risques encourus par un tel refus et, en cas de maintien du refus par le patient, de lui faire attester par écrit. Nous pouvons constater que dans cette affaire, le refus de la patiente a abouti à un partage de responsabilité entre l'établissement employant le personnel infirmier fautif, et la patiente qui a refusé une alternative qui aurait pu limiter le risque d'extravasation...
06.12 UVD 09 F 1712 IN
(K Particulier)
Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé
Les faits
Une patiente, ayant été traitée 10 ans auparavant pour une tumeur du col utérin, présente en novembre 1989 une métastase pelvienne traitée par un évidement pelvien ; un protocole de chimiothérapie est mis en place par un oncologue libéral qui prescrit un traitement en 6 séries. La 1ère série débute en décembre, pour se poursuivre pendant 6 cycles.
Les séances de chimiothérapie sont réalisées par une infirmière salariée de l'établissement de santé privé. Cette dernière signale à l'oncologue, au cours du 4ème cycle (fin février 1990), des difficultés d'abord de la voie veineuse. Le médecin propose alors à la patiente de poser un site fixe d'abord veineux dans la veine sous-clavière droite, qui permettrait d'éviter les risques d'extravasation. La patiente, ne souhaitant pas subir une nouvelle intervention dans la mesure où elle en avait subi précédemment de multiples et importantes, refuse cette alternative.
Quelques jours plus tard, début mars 1990, la patiente reçoit une perfusion de chimiothérapie à base d'anthracycline, entraînant un gonflement de la main gauche ; cet incident n'est pas rapporté à l'oncologue ni mentionné dans le dossier de la patiente.
Elle présente par la suite des douleurs à type de brûlures de plus en plus importantes ; le médecin traitant consulté diagnostique alors une veinite sans qu'il lui soit possible de prévoir la réalité et l'étendue de la nécrose secondaire. À partir d'avril 1990, la nécrose s'étend au dos de la main et au poignet gauche ; la patiente subit alors, en juin 1990, une intervention plastique d'exérèse.
La patiente conservait quelques séquelles : des raideurs articulaires au poignet et à l'articulation ainsi que des cicatrices disgracieuses. Elle a par ailleurs beaucoup souffert dans le traitement de cette complication et a par conséquent assigné en référé l'oncologue et l'établissement de santé dans lequel elle a bénéficié des séances de chimiothérapie.
La procédure
La procédure a été reprise par les ayants droit de la patiente (son mari et ses deux filles) dans la mesure où cette dernière est décédée 8 mois après l'assignation.
L'expert nommé dans cette affaire a expliqué que la nécrose était la conséquence de l'extravasation accidentelle du produit utilisé pour la chimiothérapie. Il a indiqué que le médecin prescripteur n'avait pas commis de faute, contrairement au personnel infirmier dont il retient "une insuffisance grave intéressant la vigilance, la conscience et la compétence du personnel infirmier de jour ou de nuit, qui a permis au liquide antimitotique de diffuser autour du tronc veineux pendant plusieurs heures expliquant l'étendue de la nécrose secondaire". Selon lui, dans la mesure où la patiente avait présenté des problèmes lors des séances précédentes, il appartenait au personnel infirmier d'être encore plus vigilant et d'informer l'oncologue de la complication.
Enfin, l'expert a noté que la responsabilité de la patiente dans la réalisation de son préjudice devait également être retenue en raison de son refus de la pose d'un site qui aurait limité le risque d'extravasation. L'expert a ainsi retenu :
une responsabilité répartie entre l'établissement de santé (3/4) et la patiente (1/4) ;
une Incapacité Permanente Partielle (IPP) de 6 % liée aux raideurs articulaires et à une légère réduction de la préhension de la main ;
une Incapacité Temporaire de Travail (ITT) jusqu'au 9 novembre 1990 ;
un pretium doloris de 3 à 4 sur une échelle de 7 ;
un préjudice esthétique de 4 sur une échelle de 7 ;
un préjudice d'agrément en raison des difficultés à se servir d'une machine à tricoter.
Le Tribunal de Grande Instance (TGI) a suivi les conclusions expertales pour retenir la responsabilité du personnel infirmier et mettre hors de cause l'oncologue. Ainsi, l'établissement de santé privé, en sa qualité d'employeur du personnel infirmier fautif, a été condamné à verser 6 860 Â aux ayants droit en réparation de leur préjudice. Sa responsabilité dans le dommage a été limitée à 75 %, la patiente conservant à sa charge 25 % en raison de son refus.
Ce que dit la loi
L'article L. 1111-2 du Code de la santé publique précise que dans le cadre de la prescription d'un traitement, le médecin doit informer son patient de son utilité, de son urgence éventuelle, de ses conséquences, des risques fréquents ou graves normalement prévisibles que ce traitement comporte, ainsi que des autres solutions possibles et des conséquences prévisibles en cas de refus. Une fois informé, le patient peut donner son consentement libre et éclairé au traitement, et l'article L. 1111-4 du même Code nous indique que "le médecin doit respecter la volonté de la personne après l'avoir informée des conséquences de ses choix".
Les conseils
La communication entre les différents membres de l'équipe médicale est primordiale ; ainsi, lorsque l'infirmier ou l'infirmière constate un incident dans le suivi du traitement par le patient, il lui appartient d'en informer le médecin prescripteur et de le noter dans le dossier du patient. Dans cette affaire, le retard à l'intervention du personnel infirmier a été qualifié d'"insuffisance grave" : non seulement il n'a pas réagi assez rapidement, mais il n'a pas informé le médecin de la complication.
Par ailleurs, lorsqu'une alternative thérapeutique est envisagée, le médecin doit informer le patient des bénéfices attendus, des risques de chaque alternative et lui indiquer le meilleur choix. En cas de refus du patient de l'alternative thérapeutique proposée, il appartient au médecin de réexpliquer les risques encourus par un tel refus et, en cas de maintien du refus par le patient, de lui faire attester par écrit. Nous pouvons constater que dans cette affaire, le refus de la patiente a abouti à un partage de responsabilité entre l'établissement employant le personnel infirmier fautif, et la patiente qui a refusé une alternative qui aurait pu limiter le risque d'extravasation...
06.12 UVD 09 F 1712 IN
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