Eradication de la rougeole : « mobilisons-nous ! »

C'est ce que réclame Didier Houssin dans l'éditorial du récent BEH consacré à ce sujet, tant il est vrai que cette infection fait actuellement un retour en force en France. Alors que les incidences en 2006 et 2007 étaient inférieures à 0,10 pour 100 000 habitants, les cas déclarés en 2008 en France témoignent d'une résurgence de la rougeole, plus marquée depuis le mois d'octobre, avec une incidence de 0,96 pour 100 000 ; et l'épidémie se poursuit en 2009.
La description d'une épidémie québecoise étendue dans le temps et l'espace illustre bien la difficulté de la plupart des pays à obtenir l'éradication.
Le cas index était un canadien de 37 ans d'origine libanaise, dont le statut vaccinal était inconnu, et chez qui la rougeole avait été diagnostiquée le 1er mai 2007, la souche identifiée de génotype D4 étant proche d'autres souches importées du Liban aux Etats Unis. Les 3 cas de seconde génération étaient, pour 2 d'entre eux seulement, épidémiologiquement reliés, quant aux 3 cas de 3e génération, aucun n'était relié aux autres.
Finalement l'épidémie aura touché 94 sujets sur 25 semaines et aura essaimé sur 7 des 18 régions de la province de Québec : 50 cas (53 %) ont été confirmés biologiquement (par RT-PCR ou par la présence d'IgM), tandis que les 44 autres (47 %) ont été diagnostiqués cliniquement mais avaient un lien épidémiologique avec un cas confirmé biologiquement. L'épidémie a affecté essentiellement des enfants (80 % de moins de 20 ans) ; 8 patients ont été hospitalisés mais aucune complication n'a été documentée. Si 68 (72 %) n'étaient pas vaccinés, 11 (12 %) avaient reçu une dose et 4 (4 %) avaient reçu 2 doses.
Les modèles épidémiologiques considèrent que l'éradication peut être atteinte à partir d'une couverture vaccinale > 93 %, et le Québec aurait un niveau de 95 % chez les enfants de 1 à 9 ans. Mais ceci est valable si la distribution des sujets sensibles est aléatoire sur le territoire. Or les personnes non vaccinées le sont souvent pour des raisons religieuses ou philosophiques, et ces personnes vivent souvent en communauté. Cette épidémie a concerné notamment 2 écoles alternatives où les parents étaient réticents à la vaccination. Ces communautés d'enfants et d'adolescents insuffisamment vaccinés sont propices à la survenue de foyers épidémiques
Ceci suggère que même dans un pays ayant une couverture vaccinale correcte, un changement minimal du taux de vaccination ou du niveau de regroupement des sujets non vaccinés peut conduire à une transmission soutenue et prolongée.


Dallaire F et coll. : Long lasting measles outbreak affecting several unrelated networks of unvaccinated persons. J Infect Dis. 2009 ;200:1602-05. BEH. Numéro thématique -Rougeole : Données sur une épidémie en France et en Europe en 2008. BEH 2009, 39-40, 413-440