Pourquoi il ne faut pas manger de noix dans le bus

Pourquoi il ne faut pas manger de noix dans le bus

LE 14 JANVIER 2010
C’est l’une des plus belles séries d’empoisonnements volontaires massifs qui aient jamais été rapportés dans la littérature médicale : celle de 130 personnes âgées de 16 à 80 ans admis dans un service de médecine générale pour dépression du système nerveux central après utilisation des transports publics. Quatre-vingt-dix-huit pour cent d’entre elles se souvenaient avoir acheté ou accepté de la nourriture ou une boisson avant de perdre conscience. Les analyses toxicologiques devaient rapidement fournir le diagnostic : présence de benzodiazépine chez les ¾ des victimes. Impressionnant, certes, mais pas si inhabituel que cela pour le pays puisque l’histoire se passait au Bangladesh, semble-t-il habitué à ce genre de problèmes…
ES Senol et coll., dans le dernier numéro de 2009 du journal de l’International Society of Travel Medicine, présentent un autre cas survenu dans une partie du monde sans doute plus touristique que le Bangladesh puisqu’il s’agissait de la Turquie. La méthode utilisée par le voleur, un individu de sexe mâle âgé de 50 ans et déjà été condamné à de lourdes peines, n’avait, selon les auteurs de l’article, jamais été rapportée ailleurs : il découpait des noisettes et y creusait une petite caverne dans laquelle il enfouissait sa drogue, le clonazepam, avant de recoller les morceaux et de mélanger à des raisins secs pour masquer le goût déplaisant du médicament. Il ne lui restait plus qu’à emprunter les transports en commun pour y choisir une victime, s’asseoir a ses côtés et se montrer suffisamment accort et jovial pour lui faire gober quelques noix, le dévaliser dans la foulée et s’éloigner l’air de rien. Deux victimes plus tard, une alerte était déclenchée dans la région, sur la côte Ouest du pays. A la troisième tentative, l’escroc fut pris sur le fait et mis hors d’état de nuire : il avait sur lui 18 noisettes fourrées à 166,7 mg de clonazepam chacune, largement de quoi endormir rapidement la vigilance d’un consommateur moyen !
Les histoires d’empoisonnements aux benzodiazépines, médicaments connus pour leurs propriétés hypnotiques, sédatives, anxiolytiques et amnésiques ne manquent pas, même en France où les faits reconnus ont plus souvent rapport à des agressions sexuelles. Les voyageurs, en tout cas, devraient adopter des attitudes prudentes vis-à-vis d’autochtones trop joviaux, même si justement ils recherchent avant tout des contacts avec les locaux. C’est la conclusion d’E Senol, pour qui les transports en commun représentent par excellence le lieu à risque : touriste, n’accepte jamais la noix qu’on te tend si aimablement dans le bus.



Dr Jack Breuil


Senol E. et coll. Watch out for nuts in your travel : an unusual case of drug facilitated robbery. J Travel Med 2009; 16: 431-2.