[size=34]"Mais votre mari est en arrêt !"[/size]
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[size=18]L'HISTOIRE
Un médecin généraliste suit un couple, l’épouse venant le consulter beaucoup plus souvent que son mari, en général pour des problèmes bénins.
Un beau jour, le mari, 51 ans, cadre dans une banque américaine, vient voir le médecin pour lui parler de ses difficultés professionnelles. Ces dernières consistent en une charge de travail devenue insupportable lui causant un véritable syndrome d’épuisement, auquel s’ajoutent des insomnies de plus en plus marquées. L’examen clinique n’est pas très contributif, comme cela est souvent le cas dans ce genre de situation, à part une tension basse et une pâleur inhabituelle. Comme le patient lui dit qu’il est "au bout du rouleau", le médecin lui propose un arrêt de travail de 15 jours que celui-ci accepte sans difficultés.
Une semaine plus tard, il reçoit l’épouse pour un syndrome grippal, et elle lui fait part de son inquiétude pour son mari "qui travaille trop et qu’elle ne voit plus". Elle demande au médecin si elle peut dire à son mari de venir le consulter, afin qu’il le persuade de prendre quelques jours de congés car elle redoute "qu’il lui fasse un infarctus". C’est à ce moment-là que le médecin lui indique, sans trop réfléchir et pour la rassurer : "Mais votre mari est en arrêt !". La patiente semble très troublée par cette déclaration, mais ne formule aucun commentaire, repartant avec l’ordonnance pour le traitement de sa grippe.
En fait, son mari est absent depuis quelques jours, et lui a dit que c’était pour une formation au siège américain de son entreprise. Ne comprenant pas très bien, elle téléphone à un collègue de son mari, qu’elle connait bien, et qui lui indique que son époux est en arrêt, profitant de cet appel pour lui demander de ses nouvelles…
De retour de son "voyage d’affaires", le mari, bien reposé, est confondu par son épouse et finit par avouer qu’il s’est offert un petit séjour en Floride avec sa secrétaire… La demande en divorce suit de peu cet aveu, tout ayant commencé par cette petite phrase de trop du médecin traitant…
LES CONSEILS PRATIQUES
Le mari, trop englué dans ce divorce compliqué, n’a pas poursuivi son médecin traitant pour violation du secret professionnel, mais il aurait parfaitement pu. Au moins deux actions étaient envisageables : une devant l’Ordre des médecins, et une devant la justice pénale.
Une telle action ordinale peut avoir comme fondement l’article 4 du Code de déontologie médicale (article R. 4127-4 du Code de la Santé Publique - CSP) qui prévoit que "le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris". Deux points sont importants dans cet article, par rapport à la situation donnée :
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Une action pénale peut être fondée sur l’article 226-13 du Code pénal qui dispose que : "La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende". L’élément matériel de l’infraction est constitué par la simple révélation d’une information à caractère secret ; ici, le fait que le patient soit en arrêt de travail fait bien partie du champ du secret par rapport à l’épouse, même si la Sécurité Sociale et l’employeur en sont informés. L’élément intentionnel est quant à lui bien acquis, même si le médecin plaide que "sa langue est allée plus vite que son cerveau", et qu’il n’a bien entendu jamais voulu provoquer l’explosion de ce couple. De son côté, l’épouse est soumise à l’article L. 1110-4 du CSP qui prévoit que "le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende". Mais il semble bien ici qu’elle n’ait pas agi dans le but d’apprendre quelque chose sur la santé de son mari, mais plutôt de déterminer, avec son médecin traitant, comment faire en sorte qu’il le consulte pour préserver sa santé. Certes, elle a "obtenu" cette information, mais de manière totalement imprévue, en raison de l’erreur du médecin traitant. En somme, une procédure ordinale ou pénale mise en œuvre par le patient contre son médecin traitant aurait toutes les chances d’aboutir, tandis qu’une action contre son ex-épouse serait beaucoup plus aléatoire.
Devant les conséquences, notamment économiques, du divorce, le patient pourrait aussi penser à une action civile contre son médecin car tout est parti de sa malencontreuse révélation. Mais le lien de causalité entre la pension alimentaire et la bévue de ce médecin paraît bien éloigné…
Ce cas montre les difficultés rencontrées par les médecins (notamment généralistes) quand ils soignent les deux membres d’un couple. Si les déclarations de l’un peuvent effectivement avoir une importance pour la prise en charge de l’autre, le médecin doit se garder de ne transmettre lui-même aucune information concernant l’autre, soit sur question (qui souvent déclenche la méfiance), soit spontanément, comme ce fut le cas ici. L’exercice est encore plus compliqué quand le couple vient ensemble à la consultation (il faudrait pouvoir systématiquement se ménager un temps seul avec le patient qui vient se faire soigner), et quand il s’agit de couples âgés, où l’un supplée au handicap de l’autre. Cette discipline est d’autant plus indispensable qu’une révélation, même apparemment anodine, peut entraîner des conséquences très graves, comme ce fut le cas pour ce patient. Il est en fait impossible pour le médecin de prévoir l’enchaînement des dommages provoqués par ses révélations inappropriées, d’où l’importance de garder en permanence à l’esprit cet impératif du secret.
0417 UVD 13 F 2945 IN[/size][/size]
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[size=18]L'HISTOIRE
Un médecin généraliste suit un couple, l’épouse venant le consulter beaucoup plus souvent que son mari, en général pour des problèmes bénins.
Un beau jour, le mari, 51 ans, cadre dans une banque américaine, vient voir le médecin pour lui parler de ses difficultés professionnelles. Ces dernières consistent en une charge de travail devenue insupportable lui causant un véritable syndrome d’épuisement, auquel s’ajoutent des insomnies de plus en plus marquées. L’examen clinique n’est pas très contributif, comme cela est souvent le cas dans ce genre de situation, à part une tension basse et une pâleur inhabituelle. Comme le patient lui dit qu’il est "au bout du rouleau", le médecin lui propose un arrêt de travail de 15 jours que celui-ci accepte sans difficultés.
Une semaine plus tard, il reçoit l’épouse pour un syndrome grippal, et elle lui fait part de son inquiétude pour son mari "qui travaille trop et qu’elle ne voit plus". Elle demande au médecin si elle peut dire à son mari de venir le consulter, afin qu’il le persuade de prendre quelques jours de congés car elle redoute "qu’il lui fasse un infarctus". C’est à ce moment-là que le médecin lui indique, sans trop réfléchir et pour la rassurer : "Mais votre mari est en arrêt !". La patiente semble très troublée par cette déclaration, mais ne formule aucun commentaire, repartant avec l’ordonnance pour le traitement de sa grippe.
En fait, son mari est absent depuis quelques jours, et lui a dit que c’était pour une formation au siège américain de son entreprise. Ne comprenant pas très bien, elle téléphone à un collègue de son mari, qu’elle connait bien, et qui lui indique que son époux est en arrêt, profitant de cet appel pour lui demander de ses nouvelles…
De retour de son "voyage d’affaires", le mari, bien reposé, est confondu par son épouse et finit par avouer qu’il s’est offert un petit séjour en Floride avec sa secrétaire… La demande en divorce suit de peu cet aveu, tout ayant commencé par cette petite phrase de trop du médecin traitant…
LES CONSEILS PRATIQUES
Le mari, trop englué dans ce divorce compliqué, n’a pas poursuivi son médecin traitant pour violation du secret professionnel, mais il aurait parfaitement pu. Au moins deux actions étaient envisageables : une devant l’Ordre des médecins, et une devant la justice pénale.
Une telle action ordinale peut avoir comme fondement l’article 4 du Code de déontologie médicale (article R. 4127-4 du Code de la Santé Publique - CSP) qui prévoit que "le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris". Deux points sont importants dans cet article, par rapport à la situation donnée :
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- le secret est institué dans l’intérêt du patient, ce qui implique qu’aucune révélation qui lui porterait tort n’est envisageable ;
- ce secret couvre toutes les informations dont a connaissance le praticien dans le cadre de son exercice, même celles qui peuvent être simplement déduites et celles relatives à la vie très privée…
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Une action pénale peut être fondée sur l’article 226-13 du Code pénal qui dispose que : "La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende". L’élément matériel de l’infraction est constitué par la simple révélation d’une information à caractère secret ; ici, le fait que le patient soit en arrêt de travail fait bien partie du champ du secret par rapport à l’épouse, même si la Sécurité Sociale et l’employeur en sont informés. L’élément intentionnel est quant à lui bien acquis, même si le médecin plaide que "sa langue est allée plus vite que son cerveau", et qu’il n’a bien entendu jamais voulu provoquer l’explosion de ce couple. De son côté, l’épouse est soumise à l’article L. 1110-4 du CSP qui prévoit que "le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende". Mais il semble bien ici qu’elle n’ait pas agi dans le but d’apprendre quelque chose sur la santé de son mari, mais plutôt de déterminer, avec son médecin traitant, comment faire en sorte qu’il le consulte pour préserver sa santé. Certes, elle a "obtenu" cette information, mais de manière totalement imprévue, en raison de l’erreur du médecin traitant. En somme, une procédure ordinale ou pénale mise en œuvre par le patient contre son médecin traitant aurait toutes les chances d’aboutir, tandis qu’une action contre son ex-épouse serait beaucoup plus aléatoire.
Devant les conséquences, notamment économiques, du divorce, le patient pourrait aussi penser à une action civile contre son médecin car tout est parti de sa malencontreuse révélation. Mais le lien de causalité entre la pension alimentaire et la bévue de ce médecin paraît bien éloigné…
Ce cas montre les difficultés rencontrées par les médecins (notamment généralistes) quand ils soignent les deux membres d’un couple. Si les déclarations de l’un peuvent effectivement avoir une importance pour la prise en charge de l’autre, le médecin doit se garder de ne transmettre lui-même aucune information concernant l’autre, soit sur question (qui souvent déclenche la méfiance), soit spontanément, comme ce fut le cas ici. L’exercice est encore plus compliqué quand le couple vient ensemble à la consultation (il faudrait pouvoir systématiquement se ménager un temps seul avec le patient qui vient se faire soigner), et quand il s’agit de couples âgés, où l’un supplée au handicap de l’autre. Cette discipline est d’autant plus indispensable qu’une révélation, même apparemment anodine, peut entraîner des conséquences très graves, comme ce fut le cas pour ce patient. Il est en fait impossible pour le médecin de prévoir l’enchaînement des dommages provoqués par ses révélations inappropriées, d’où l’importance de garder en permanence à l’esprit cet impératif du secret.
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