Succès et limite de l’asticothérapie
Publié le 29/03/2010
Si vous la croisez, vous risquez de ne pas l’aimer : Lucilia sericata est une grosse mouche verte de 12 à 14 mm de long, commune un peu partout et bien reconnaissable à son aspect luisant et sa coloration métallique à reflets dorés ornée de quelques tâches noires. Elle pond ses œufs dans des carcasses abandonnées –ou non-, sur des cadavres, excréments et autres tissus nécrosés ; il en sort des asticots jaunâtres ou gris pâle gourmands de chaires avariées. Rien de très appétissant… Sauf que grâce à William Baer, il y a 80 ans, on a compris qu’on pouvait utiliser cette appétence pour le plus grand bien de certains malades, en l’occurrence ceux soufrant d’ulcères divers, d’escarres et blessures surinfectées, voire d’ostéites : on place des asticots stériles sur les lésions, directement ou à travers un tissu adapté, et les voilà qui se mettent à ronger les chairs nécrosées et infectées, jusqu’à un débridement et une stérilisation complètes des blessures…
Alors, Lucilia sericata, un ami pas très présentable mais qui vous veut du bien ? Certainement, si l’on en croit le succès persistant de la méthode, largement utilisée depuis des années dans plus de 30 pays sur des milliers de malades (certaines équipes, en Turquie ou en Israël par exemple, paraissant particulièrement adeptes). Il reste cependant, comme semblent l’avoir constaté de nombreux thérapeutes à travers le monde, des cas ou ça ne fonctionne pas : après 20 minutes de contact, on retrouve les asticots morts au fond de la plaie. Pourquoi ? Une équipe danoise vient d’entrevoir la solution : Pseudomonas aeruginosa. Cette bactérie, opportuniste et volontiers responsable d’infections nosocomiales, est souvent associée à des infections chroniques particulièrement difficiles à soigner, les micro-organismes s’organisant en biofilms extrêmement résistants où les bactéries expriment une virulence particulière réglée par le système QS (quorum sensing). Un moyen de défense redoutablement efficace capable de mettre le système immunitaire ou une antibiothérapie en échec alors même que la bactérie reste sensible… Ce que viennent de montrer AS Andersen et coll, c’est que des mutations dans le QS restaurent, au moins en partie et dans des modèles expérimentaux adaptés, la survie des asticots. Le bacille pyocyanique est donc bel et bien coupable, et son système QS en grande partie responsable.
Le débridement par asticothérapie a largement gagné ses lettres de noblesse et son intérêt clinique n’est plus à démontrer. Les asticots développent plusieurs activités complémentaires, dissolvant les tissus nécrotiques et exerçant une activité bactéricide directe en sécrétant des substances douées de propriétés antibiotiques tant sur des bactéries à Gram négatif que positif, staphylocoque résistant à la méticilline compris. Le bacille pyocyanique leur résiste, mais peut-être plus pour très longtemps. L’ennemi est identifié et la cible connue : la bactérie elle même, ou son système QS. Le Dr Andersen, et sans doute d’autres dans le monde, sont déjà en quête du topique complémentaire adéquat. L’asticothérapie a certainement encore de beaux jours devant elle.
Dr Jack Breuil
Andersen AS et coll. : Quorum-sensing-regulated virulence factors in Pseudomonas aeruginosa are toxic to Lucilia sericta maggots. Microbiology 2010; 156: 400-7
Publié le 29/03/2010
Si vous la croisez, vous risquez de ne pas l’aimer : Lucilia sericata est une grosse mouche verte de 12 à 14 mm de long, commune un peu partout et bien reconnaissable à son aspect luisant et sa coloration métallique à reflets dorés ornée de quelques tâches noires. Elle pond ses œufs dans des carcasses abandonnées –ou non-, sur des cadavres, excréments et autres tissus nécrosés ; il en sort des asticots jaunâtres ou gris pâle gourmands de chaires avariées. Rien de très appétissant… Sauf que grâce à William Baer, il y a 80 ans, on a compris qu’on pouvait utiliser cette appétence pour le plus grand bien de certains malades, en l’occurrence ceux soufrant d’ulcères divers, d’escarres et blessures surinfectées, voire d’ostéites : on place des asticots stériles sur les lésions, directement ou à travers un tissu adapté, et les voilà qui se mettent à ronger les chairs nécrosées et infectées, jusqu’à un débridement et une stérilisation complètes des blessures…
Alors, Lucilia sericata, un ami pas très présentable mais qui vous veut du bien ? Certainement, si l’on en croit le succès persistant de la méthode, largement utilisée depuis des années dans plus de 30 pays sur des milliers de malades (certaines équipes, en Turquie ou en Israël par exemple, paraissant particulièrement adeptes). Il reste cependant, comme semblent l’avoir constaté de nombreux thérapeutes à travers le monde, des cas ou ça ne fonctionne pas : après 20 minutes de contact, on retrouve les asticots morts au fond de la plaie. Pourquoi ? Une équipe danoise vient d’entrevoir la solution : Pseudomonas aeruginosa. Cette bactérie, opportuniste et volontiers responsable d’infections nosocomiales, est souvent associée à des infections chroniques particulièrement difficiles à soigner, les micro-organismes s’organisant en biofilms extrêmement résistants où les bactéries expriment une virulence particulière réglée par le système QS (quorum sensing). Un moyen de défense redoutablement efficace capable de mettre le système immunitaire ou une antibiothérapie en échec alors même que la bactérie reste sensible… Ce que viennent de montrer AS Andersen et coll, c’est que des mutations dans le QS restaurent, au moins en partie et dans des modèles expérimentaux adaptés, la survie des asticots. Le bacille pyocyanique est donc bel et bien coupable, et son système QS en grande partie responsable.
Le débridement par asticothérapie a largement gagné ses lettres de noblesse et son intérêt clinique n’est plus à démontrer. Les asticots développent plusieurs activités complémentaires, dissolvant les tissus nécrotiques et exerçant une activité bactéricide directe en sécrétant des substances douées de propriétés antibiotiques tant sur des bactéries à Gram négatif que positif, staphylocoque résistant à la méticilline compris. Le bacille pyocyanique leur résiste, mais peut-être plus pour très longtemps. L’ennemi est identifié et la cible connue : la bactérie elle même, ou son système QS. Le Dr Andersen, et sans doute d’autres dans le monde, sont déjà en quête du topique complémentaire adéquat. L’asticothérapie a certainement encore de beaux jours devant elle.
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