[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]Quel que soit le domaine, la probabilité de commettre une erreur est de 100 % ; il suffit tout simplement d’attendre suffisamment longtemps pour qu’elle se produise… D’ailleurs, l’erreur est si indissociable de notre condition que l’on va jusqu’à dire qu’elle est
humaine. Dès lors, puisqu’une erreur doit se produire et qu’elle peut survenir à tout moment, la mise en place de mécanismes qui limitent sa probabilité et sa fréquence de survenue, qui permettent de détecter une erreur en cours afin de l’arrêter, qui limitent ses conséquences et donc son effet délétère est aussi importante que les procédures et les règles qui doivent rappeler à chacun le moment vulnérable, où il faut veiller à ne pas en commettre. La connaissance de la genèse d’une erreur, pour l’éviter, est aussi essentielle que l’est en médecine celle de la physiopathologie avant d’envisager le traitement d’une maladie. On doit d’ailleurs s’étonner que les médecins n’aient pas, au vu de la démarche diagnostique dont ils ont la maîtrise, été les premiers à s’attacher à sécuriser à l’extrême leurs procédures. On peut ensuite s’en inquiéter, du fait du très haut niveau de responsabilité dont ils sont dépositaires de façon individuelle et collective, et des conséquences immédiates d’une erreur qui souvent peut entraîner des conséquences graves et même la mort d’un individu.
Il faut d’abord préciser que c’est rarement l’acte déclencheur que l’on reproche au médecin car il est rarement remis en question, mais que c’est plutôt l’une de ses conséquences qui est délétère. C’est cette conséquence, parfois lointaine, qu’il a induite qui produit secondairement le préjudice et fait l’objet de la mise en cause. Une étude française récente recensait 5,9 erreurs pour produire une faute aux conséquences suffisantes pour être mesurables
[[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]]. Il existe donc une chaîne de causes, puis de conséquences, dont les auteurs peuvent être multiples alors que l’on a souvent la tentation de faire remonter la responsabilité jusqu’à un producteur unique, nommément identifié, à qui on veut faire prendre en charge la réparation. Cette conséquence délétère sur laquelle on fonde le reproche a deux caractéristiques. Elle survient de façon non certaine à la suite de sa cause et de façon plus ou moins différée ce qui gêne considérablement les adaptations correctives face à des pièges, dormants mais toujours opérationnels. Elle est par ailleurs non délibérée ce qui permet de parler d’erreurs ou de fautes et non de délits et de crimes. Il faudra donc qu’il y ait violation grave d’une procédure ou d’une règle pour que l’acte commis et sa conséquence, directement imputable, fassent l’objet d’un contentieux. Dans ce modèle la faute est individuelle et le coupable est menacé de l’opprobre collectif. Lorsque la chaîne des causalités s’arrête à des auteurs présumés coupables, c’est un mécanisme de faute individuelle qui est retenu ; c’est jusqu’à aujourd’hui l’approche qui a été privilégiée par les professionnels, les plaignants et les cours de justice.
Le premier résultat de cette approche est que la faute culpabilise au point que l’on veuille la cacher, et même l’ignorer pour conjurer le risque d’être classé dans la catégorie des êtres « mauvais » qui commettent des fautes à la différence des êtres « vertueux » à qui elles restent étrangères. Les conséquences qui en découlent sont nombreuses et toutes délétères. Tout d’abord les procédures de prévention et surtout de signalement sont souvent volontairement évitées ou simplement omises. Celui qui a commis une erreur a la tentation de la dissimuler sans venir en aide à celui qui est victime de l’accident, et celui qui repère une procédure susceptible de produire une erreur invente une procédure individuelle d’évitement comme on contourne un trou sans le reboucher, alors que quelqu’un d’autre continue à courir le risque de tomber dedans sans pour autant le combler. L’erreur est donc systémique, pour une part importante et non plus individuelle ; tout au moins sa part systémique doit être évaluée dans chaque cas tandis que l’individu trouve des circonstances atténuantes.
En second lieu le plaignant qui veut obtenir gain de cause doit attaquer son praticien, et celui-ci doit se défendre s’il veut être sanctionné le moins possible. Si l’attaque n’était pas
ad nominem, le praticien pourrait, en tant que témoin privilégié, participer de façon impartiale et avec une sincère compassion mesurer le préjudice subit et aider à évaluer une juste compensation. Ainsi, un praticien qui commet une erreur, qui en souffre pour les conséquences qu’elle a engendrées et dont il se sent coupable, ne peut s’excuser sans se compromettre, ni assister la victime sans se sanctionner davantage. Il pense même parfois devoir agresser pour éviter d’être sanctionné. On ne peut imaginer aujourd’hui qu’un praticien consciencieux puisse s’accuser par dénonciation et, ensuite, participer à sa propre condamnation en exposant en détail tout ce qui s’est passé pour le bien du patient à qui il donnait des soins.
Le principe de justice est mis à mal, car comme les erreurs sont souvent masquées elles ne donnent pas lieu à ce qui serait juste, à savoir une compensation systématique. En effet, chaque erreur ne mène pas à un contentieux et, paradoxalement les erreurs les plus graves ne sont pas celles le plus souvent en cause ; un décès peut produire moins de contentieux qu’un handicap. Si au regard du droit la réparation est une juste compensation, on peut déplorer qu’elle ne soit accordée qu’à un très petit nombre, puisqu’il faut que le patient ait décelé qu’il y a eu erreur, puis qu’il décide d’être plaignant, et enfin qu’il ait gain de cause. On a ainsi montré que moins de 1 % des erreurs médicales donnent lieu à réparation
[[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]]. Pourtant cette mise en cause des praticiens est de plus en plus fréquente et est responsable de l’explosion des primes d’assurances, sans que l’augmentation des sommes engagées dans la réparation ne le justifie complètement. De l’autre côté : 1) le volume des compensations est dérisoire au regard de la réalité ; 2) des sommes doivent être accordées en réparation pour des fautes qui ne manqueront pas de se produire, et enfin ; 3) la responsabilité individuelle est souvent partagée. Plusieurs évaluations qui ont été faites dans des pays de niveau sanitaire comparable à la France montrent que plusieurs dizaines de milliers de personnes meurent chaque année des conséquences directes d’une cause iatrogène
[[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]]. Dès lors le cumul des dommages corporels et des décès de causes iatrogènes ajoutés à ceux consécutifs à une erreur fait envisager un nombre considérable de cas, dont les conséquences financières ne pourront être couvertes totalement par les seules primes d’assurances des professionnels.
Il existe une sorte de maladie de la pratique médicale, sans qu’on ne l’individualise au premier abord et dont les conséquences sont immenses : la faute. On pourrait comparer les conséquences qu’elle induit à celles des subprimes sur le système bancaire actuel : les conséquences en cascade des erreurs médicales mèneraient à la faillite le système de couverture par l’assurance conduisant à une majoration constante des primes d’assurance. Dans cette situation la création d’un fond de solidarité trouverait sa justification
[[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]]. On créerait un système solidaire pour offrir une compensation toutes les fois où elle serait justifiée sans que la notion de contentieux juridique n’intervienne. L’assurance individuelle ne couvrirait plus que de façon marginale les quelques cas graves où la responsabilité du praticien serait engagée.
Dans l’industrie, y compris dans les secteurs sensibles comme l’aéronautique, la culture est à l’analyse prospective et rétrospective des risques et des accidents dans le but de renforcer la sécurité. Les procédures sont systématiquement revues après chaque événement indésirable pour tester leur validité. Le dogme veut que la sécurité doive être assurée, et que cela prime sur le besoin de sanction ou le souci d’une juste réparation du préjudice engendré. L’incitation est à la détection des causes d’erreur sans recherche automatique d’un coupable qui dans cette analyse est un bouc émissaire, sans grand d’intérêt pour la démarche qualité. Dans ce modèle la faute est résolument systémique avant d’être individuelle et, si l’individu commet une erreur, c’est avec le point de vue que le système l’y incite ou l’y conduit. Cette perspective implique que le système doit évoluer pour être épuré de ses pièges. Celui qui commet une faute ne fait en définitive que révéler ce qui était latent, depuis plus ou moins longtemps, et il rend service au système lui-même, lorsqu’il identifie dans le cours de son exercice professionnel ce qui représentait jusque-là une menace insoupçonnée. Selon la loi de Murphy, ce qui peut arriver survient toujours, aussi invraisemblable ou improbable que cela paraisse, il suffit d’attendre suffisamment longtemps pour que cela se produise. Le remède doit être meilleur que le mal et la contre-mesure doit être une simplification du système initial ou exclure la possibilité d’une rechute de même nature sans quoi on produit de nouvelles erreurs systémiques dormantes.
M.-J. Reason
[[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]], professeur de psychologie anglais, a proposé un modèle de l’erreur systémique avec participation humaine dit « cheese model ». Il présente l’image d’un empilement de cartes perforées en mouvement qui, par moments, fait se correspondre des trous en enfilade. Si un événement survient lorsque ces trous de « sécurité » sont alignés, peut passer sans être arrêté et conduit à un accident. Pour sécuriser le système il faut diminuer le nombre des trous de sécurité, en cherchant à les boucher, et en empêchant qu’ils ne viennent à se mettre en enfilade. Pour cela il faut créer des procédures de contrôle en aval d’un événement à risque afin de bloquer la progression de l’événement en devenir d’accident ou pour en minimiser les effets. On comprend aisément que la sanction n’a pas de valeur ajoutée ici puisqu’elle se borne à éliminer celui qui a participé à générer un événement devenu délétère après être passé par l’enfilade des trous, sans bénéfice pour le système qui n’est pas amélioré pour autant. Il reste pour les participants le traumatisme d’une crainte plus grande du spectre de la faute, et un risque de dissimulation plus grand qu’auparavant. En revanche, rien n’est fait pour sécuriser a posteriori le système et le piège reste tendu
[[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]]. Il faudrait au contraire limiter le nombre des trous de sécurité par la formation professionnelle initiale et continue, par l’évaluation et l’auto-évaluation, par la création de protocoles de mémorisation et de rationalisation et par une incitation permanente à simplifier tout ce qui peut l’être pour alléger la charge de travail parasite de la tâche principale et ainsi concentrer la ressource cognitive sur l’acte à accomplir. Il faut ensuite inciter au rétrocontrôle des procédures en cours, à la communication pour participer à la prise de décision, à une limitation volontaire du nombre des items offerts au choix libre, à une production captive et déterminée de certaines tâches (comme le permet l’outil informatique de prescription par exemple) et surtout à une réelle incitation à participer à améliorer la sécurité du système
[[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]], pour atteindre un but aux ambitions modestes :
primum non nocere.
Cet enjeu est essentiel en terme de crédibilité, de sérénité, de convivialité d’utilisation, de considération des personnels, de confiance partagée, de maîtrise des coûts et finalement de sécurité pour les utilisateurs et les professionnels de la santé. L’accréditation a été l’occasion pour beaucoup de faire l’expérience de cette nouvelle façon de penser. L’évaluation des pratiques est l’une des méthodes indirectes choisie pour accroître la sécurité des patients. La société civile devrait certainement s’engager à son tour dans cette voie de responsabilité, davantage orientée sur le modèle systémique afin que les professionnels de santé puissent réaliser avec transparence un travail de signalement des erreurs médicales et de mise à niveau de la fiabilité du système de soins, qui profiterait à la sécurité des patients.
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