07/03/12
(K Particulier)
Germain DECROIX, Juriste spécialisé en Droit Médical
Sur l'insistance de son épouse, un patient informaticien de 55 ans n'ayant pas de médecin traitant, consulte un médecin généraliste pour un problème de fatigue au travail alors qu'il "n'est jamais malade".
Lors de l'examen clinique du patient, qui n'est pas très contributif, le praticien remarque, sur l'épaule droite, un nævus de 3 cm "qu'il faudrait enlever" ; il rédige un courrier à l'attention d'un dermatologue, sans lui donner les coordonnées de son correspondant habituel.
Deux semaines plus tard, le patient vient, cette fois-ci avec son épouse, pour faire le point après réception du résultat des examens complémentaires prescrits. Aucune étiologie n'est retrouvée à cette asthénie persistante et le patient finit par accepter un arrêt de travail de 15 jours pendant lequel il va, toujours poussé par son épouse, consulter le dermatologue de celle-ci.
Ce praticien va procéder, lors de cette unique consultation, à l'ablation de cette petite lésion en affirmant que "tout est réglé". Il n'envoie pas les tissus prélevés à l'anapath, ceux-ci étant alors jetés.
Ce n'est que neuf mois plus tard que ce patient va reconsulter le médecin généraliste, sa grande fatigue, qui avait disparu, étant revenue, plus marquée. L'examen clinique a révélé une récidive étendue du nævus.
Une consultation dermatologique hospitalière obtenue rapidement révèle qu'il s'agit d'une lésion cancéreuse avec, malheureusement, des métastases pulmonaires.
Le médecin généraliste revoit le couple et, se parlant à lui-même, dit tout haut : "je ne comprends pas que le dermatologue n'ait pas demandé d'anapath". Interrogé par son patient, le généraliste essaie d'atténuer ses propos, qui ne constituent qu'une simple question, mais le doute est mis dans l'esprit du patient et de son épouse. Ils interrogent l'oncologue qui confirme que, certes, il aurait été préférable de faire analyser les prélèvements et qu'il aurait été plus facile de le soigner avec un diagnostic plus précoce, mais que ce retard n'a peut-être rien changé... Ce patient décède six mois plus tard de son cancer qui s'est généralisé.
Du point de vue du médecin généraliste, il a simplement pensé "tout haut", ce qui s'est révélé par la suite particulièrement maladroit. Cette question était tout à fait justifiée, mais pourquoi l'évoquer devant le patient alors qu'il fallait qu'il interroge, après la consultation, le dermatologue ?
Du point de vue de la veuve, le médecin généraliste, qui les a assistés avec dévouement jusqu'à la fin, avait certainement raison de poser cette question alors qu'elle n'avait pas imaginé la possibilité d'une erreur médicale.
Se trouvant dans une situation financière difficile (elle n'a jamais travaillé), et sur les conseils d'un ami de son mari, elle finit par aller consulter un avocat qui lui propose d'assigner en référé expertise le dermatologue. L'expert retient une faute commise par le dermatologue malgré l'absence de recommandation précise sur le sujet, tout en précisant que le dommage provoqué n'est qu'une perte de chance minime car ce cancer était en soi très agressif, et qu'il n'est pas du tout certain que, découvert à la suite de la première exérèse, il aurait pu être guéri avec les traitements alors disponibles. C'est une très faible perte de chance qui a été retenue et une indemnisation en conséquence décidée. Même si aucun appel n'a été formé contre cette décision de première instance, cette procédure n'a finalement absolument pas satisfait la veuve, maintenant méfiante à l'égard des magistrats.
Les conseils pratiques
Sur le plan règlementaire, l'article R. 4127-56 du Code de la santé publique (article 56 du Code de déontologie médicale) prévoit que : "Les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité. Un médecin qui a un différend avec un confrère doit rechercher une conciliation, au besoin par l'intermédiaire du Conseil Départemental de l'Ordre. Les médecins se doivent assistance dans l'adversité".
S'il n'est pas question de mentir, de masquer la vérité, il est demandé au moins à tout médecin de ne pas initier la réclamation du patient et de ne pas l'entretenir. Cette conception nuancée de la confraternité est équilibrée, mais peut bien entendu choquer les patients, se trouvant ainsi confrontés au "corps médical".
Ce qu'il faut retenir : penser tout bas et, quand il y a des explications à demander à un confrère, le faire hors la présence du patient. Une quantité non négligeable de procédures contre des médecins a pour origine une petite phrase malheureuse d'un confrère...
0116 UVD 12 F 2689 IN
Ce service vous est offert par Univadis et MSD France. Le contenu de ce service est fourni par K.PArticulier et ne reflète pas nécessairement l'opinion de Univadis ou de MSD France. La présente rubrique médico-juridique est une information destinée aux praticiens. Les informations qui y sont contenues ont un caractère général et ne sauraient répondre aux questions relevant de situations particulières ni engager la responsabilité de MSD France. Ces dernières sont examinées au mieux dans le cadre de la consultation d'un expert habilité membre d'une profession juridique réglementée. Les textes publiés dans cette rubrique sont l'expression de l'opinion personnelle de leurs auteurs.
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Germain DECROIX, Juriste spécialisé en Droit Médical
Sur l'insistance de son épouse, un patient informaticien de 55 ans n'ayant pas de médecin traitant, consulte un médecin généraliste pour un problème de fatigue au travail alors qu'il "n'est jamais malade".
Lors de l'examen clinique du patient, qui n'est pas très contributif, le praticien remarque, sur l'épaule droite, un nævus de 3 cm "qu'il faudrait enlever" ; il rédige un courrier à l'attention d'un dermatologue, sans lui donner les coordonnées de son correspondant habituel.
Deux semaines plus tard, le patient vient, cette fois-ci avec son épouse, pour faire le point après réception du résultat des examens complémentaires prescrits. Aucune étiologie n'est retrouvée à cette asthénie persistante et le patient finit par accepter un arrêt de travail de 15 jours pendant lequel il va, toujours poussé par son épouse, consulter le dermatologue de celle-ci.
Ce praticien va procéder, lors de cette unique consultation, à l'ablation de cette petite lésion en affirmant que "tout est réglé". Il n'envoie pas les tissus prélevés à l'anapath, ceux-ci étant alors jetés.
Ce n'est que neuf mois plus tard que ce patient va reconsulter le médecin généraliste, sa grande fatigue, qui avait disparu, étant revenue, plus marquée. L'examen clinique a révélé une récidive étendue du nævus.
Une consultation dermatologique hospitalière obtenue rapidement révèle qu'il s'agit d'une lésion cancéreuse avec, malheureusement, des métastases pulmonaires.
Le médecin généraliste revoit le couple et, se parlant à lui-même, dit tout haut : "je ne comprends pas que le dermatologue n'ait pas demandé d'anapath". Interrogé par son patient, le généraliste essaie d'atténuer ses propos, qui ne constituent qu'une simple question, mais le doute est mis dans l'esprit du patient et de son épouse. Ils interrogent l'oncologue qui confirme que, certes, il aurait été préférable de faire analyser les prélèvements et qu'il aurait été plus facile de le soigner avec un diagnostic plus précoce, mais que ce retard n'a peut-être rien changé... Ce patient décède six mois plus tard de son cancer qui s'est généralisé.
Du point de vue du médecin généraliste, il a simplement pensé "tout haut", ce qui s'est révélé par la suite particulièrement maladroit. Cette question était tout à fait justifiée, mais pourquoi l'évoquer devant le patient alors qu'il fallait qu'il interroge, après la consultation, le dermatologue ?
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Se trouvant dans une situation financière difficile (elle n'a jamais travaillé), et sur les conseils d'un ami de son mari, elle finit par aller consulter un avocat qui lui propose d'assigner en référé expertise le dermatologue. L'expert retient une faute commise par le dermatologue malgré l'absence de recommandation précise sur le sujet, tout en précisant que le dommage provoqué n'est qu'une perte de chance minime car ce cancer était en soi très agressif, et qu'il n'est pas du tout certain que, découvert à la suite de la première exérèse, il aurait pu être guéri avec les traitements alors disponibles. C'est une très faible perte de chance qui a été retenue et une indemnisation en conséquence décidée. Même si aucun appel n'a été formé contre cette décision de première instance, cette procédure n'a finalement absolument pas satisfait la veuve, maintenant méfiante à l'égard des magistrats.
Les conseils pratiques
Sur le plan règlementaire, l'article R. 4127-56 du Code de la santé publique (article 56 du Code de déontologie médicale) prévoit que : "Les médecins doivent entretenir entre eux des rapports de bonne confraternité. Un médecin qui a un différend avec un confrère doit rechercher une conciliation, au besoin par l'intermédiaire du Conseil Départemental de l'Ordre. Les médecins se doivent assistance dans l'adversité".
S'il n'est pas question de mentir, de masquer la vérité, il est demandé au moins à tout médecin de ne pas initier la réclamation du patient et de ne pas l'entretenir. Cette conception nuancée de la confraternité est équilibrée, mais peut bien entendu choquer les patients, se trouvant ainsi confrontés au "corps médical".
Ce qu'il faut retenir : penser tout bas et, quand il y a des explications à demander à un confrère, le faire hors la présence du patient. Une quantité non négligeable de procédures contre des médecins a pour origine une petite phrase malheureuse d'un confrère...
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