Les faits
En 2000, une patiente de 48 ans consulte son rhumatologue pour un nouvel épisode de cervicalgies qui dure malgré un traitement médical d'un mois ; une irradiation au membre supérieur jusqu'à l'avant-bras, sans paresthésies, survient en même temps. Notons que cette patiente est suivie depuis vingt ans pour des épisodes douloureux lombaires ou cervicaux ; elle a subi des manipulations 5 fois de 1990 à 1995 pour des blocages lombaires ; elle est également suivie depuis 1990 pour des cervicalgies qui se manifestent 2 à 3 fois par an. Pour ces dernières, elle a été traitée par des antalgiques, des anti-inflammatoires et des manipulations qui la soulagent en général.
Pour ce nouvel épisode de cervicalgies, la patiente passe des radiographies qui sont normales. À l'examen, sa colonne vertébrale est relativement souple, la manoeuvre du pincer-rouler du trapèze est douloureuse, tout comme la palpation de l'espace C6-C7 et de l'épineuse de C7 ; l'examen neurologique est normal. Le rhumatologue procède alors à une manipulation au décours immédiat de laquelle la patiente ressent, pour la première fois, des sensations nouvelles et désagréables (céphalées, nausées) ; elle est obligée de se coucher.
La douleur du membre supérieur disparaît le lendemain ; la migraine persiste cependant et entraîne la prescription, 2 fois en 10 jours, d'un traitement symptomatique par le médecin généraliste.
La patiente reconsulte son rhumatologue quelques jours plus tard ; ce dernier conclut que les troubles de la patiente sont dus à l'élévation de sa tension (16/10) ; il lui prescrit un diurétique.
Six jours plus tard, une dissection du tiers proximal de la vertébrale droite est confirmée après avis rassurant d'un neurologue, d'un cardiologue et la pratique d'un Doppler des artères carotides et vertébrales apparemment normal. La patiente est alors mise sous anticoagulants.
L'état de la patiente évoluera favorablement ; il sera cependant compliqué par un état dépressif ayant d'autres causes. L'arrêt de travail sera prolongé d'un an.
La procédure
La patiente reproche au rhumatologue de ne pas avoir diagnostiqué la dissection vertébrale qui est survenue, et de ne pas l'avoir informée de ce risque exceptionnel de la manipulation.
L'expert médical judiciaire indique que "la dissection vertébrale est une complication exceptionnelle de la manipulation, pouvant survenir sur une artère saine ou dysplasique". L'expert retient que, contrairement au médecin traitant, le rhumatologue n'a pas été diligent lorsqu'il a interprété les symptômes que la patiente présentait, ni dans la pratique des examens adéquats. L'expert retient enfin que même si le rhumatologue et sa patiente se connaissaient de longue date, il appartenait néanmoins au praticien de signaler le risque de la dissection, même si ce dernier est exceptionnel.
Le Tribunal de Grande Instance a condamné le rhumatologue à verser 5 688 Â à la patiente, considérant "qu'étant donnés les bons résultats antérieurs des manipulations, le préjudice devait s'apprécier en termes de perte de chance liée au défaut d'information, estimée à 30 %".
Ce que dit la loi
L'article L. 1111-2 du Code de la santé publique indique que le médecin doit informer son patient des différentes investigations, traitements ou actions de prévention qu'il propose, de leur utilité, de leur urgence éventuelle, de leurs conséquences, des risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que des autres solutions possibles et sur des conséquences prévisibles en cas de refus. Ce devoir d'information est repris ainsi dans le Code de déontologie médicale : "Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose" (article R. 4127-35 du Code de la santé publique).
Les conseils
Le médecin doit informer son patient des risques fréquents ou graves normalement prévisibles présentés par le soin ou le traitement qu'il préconise, en mentionnant dans le dossier médical du patient les risques évoqués et expliqués, les questions éventuellement posées par le patient et les réponses apportées par le médecin. La jurisprudence rappelle en effet fréquemment que "le médecin n'est pas dispensé de son obligation d'information par le seul fait que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement". Bien plus, le fait pour le patient d'avoir préalablement subi le même acte ou le même traitement n'exonère pas le praticien de son obligation d'information, information qui devra être adaptée au moment de l'acte ou de la mise en oeuvre du traitement (mise à jour des nouveaux risques...). Une longue relation médecin-patient emprunte de confiance n'exonère pas non plus le médecin de cette obligation.
Notons enfin que dans le cadre de l'élaboration du diagnostic, le fait, pour le médecin, de mal interpréter les symptômes observés, l'erreur de raisonnement face aux différents éléments à la disposition du médecin ou encore l'omission de faire pratiquer les examens complémentaires approfondis adéquats, sont autant de comportements considérés comme fautifs par les magistrats. D'où l'importance de consacrer du temps à l'établissement du diagnostic, de faire réaliser des examens complémentaires si besoin, d'orienter vers un confrère si nécessaire, de s'informer des résultats de l'examen demandé, de ne pas de satisfaire de résultats étranges...
06.14 UVD 09 F 1687 IN
En 2000, une patiente de 48 ans consulte son rhumatologue pour un nouvel épisode de cervicalgies qui dure malgré un traitement médical d'un mois ; une irradiation au membre supérieur jusqu'à l'avant-bras, sans paresthésies, survient en même temps. Notons que cette patiente est suivie depuis vingt ans pour des épisodes douloureux lombaires ou cervicaux ; elle a subi des manipulations 5 fois de 1990 à 1995 pour des blocages lombaires ; elle est également suivie depuis 1990 pour des cervicalgies qui se manifestent 2 à 3 fois par an. Pour ces dernières, elle a été traitée par des antalgiques, des anti-inflammatoires et des manipulations qui la soulagent en général.
Pour ce nouvel épisode de cervicalgies, la patiente passe des radiographies qui sont normales. À l'examen, sa colonne vertébrale est relativement souple, la manoeuvre du pincer-rouler du trapèze est douloureuse, tout comme la palpation de l'espace C6-C7 et de l'épineuse de C7 ; l'examen neurologique est normal. Le rhumatologue procède alors à une manipulation au décours immédiat de laquelle la patiente ressent, pour la première fois, des sensations nouvelles et désagréables (céphalées, nausées) ; elle est obligée de se coucher.
La douleur du membre supérieur disparaît le lendemain ; la migraine persiste cependant et entraîne la prescription, 2 fois en 10 jours, d'un traitement symptomatique par le médecin généraliste.
La patiente reconsulte son rhumatologue quelques jours plus tard ; ce dernier conclut que les troubles de la patiente sont dus à l'élévation de sa tension (16/10) ; il lui prescrit un diurétique.
Six jours plus tard, une dissection du tiers proximal de la vertébrale droite est confirmée après avis rassurant d'un neurologue, d'un cardiologue et la pratique d'un Doppler des artères carotides et vertébrales apparemment normal. La patiente est alors mise sous anticoagulants.
L'état de la patiente évoluera favorablement ; il sera cependant compliqué par un état dépressif ayant d'autres causes. L'arrêt de travail sera prolongé d'un an.
La procédure
La patiente reproche au rhumatologue de ne pas avoir diagnostiqué la dissection vertébrale qui est survenue, et de ne pas l'avoir informée de ce risque exceptionnel de la manipulation.
L'expert médical judiciaire indique que "la dissection vertébrale est une complication exceptionnelle de la manipulation, pouvant survenir sur une artère saine ou dysplasique". L'expert retient que, contrairement au médecin traitant, le rhumatologue n'a pas été diligent lorsqu'il a interprété les symptômes que la patiente présentait, ni dans la pratique des examens adéquats. L'expert retient enfin que même si le rhumatologue et sa patiente se connaissaient de longue date, il appartenait néanmoins au praticien de signaler le risque de la dissection, même si ce dernier est exceptionnel.
Le Tribunal de Grande Instance a condamné le rhumatologue à verser 5 688 Â à la patiente, considérant "qu'étant donnés les bons résultats antérieurs des manipulations, le préjudice devait s'apprécier en termes de perte de chance liée au défaut d'information, estimée à 30 %".
Ce que dit la loi
L'article L. 1111-2 du Code de la santé publique indique que le médecin doit informer son patient des différentes investigations, traitements ou actions de prévention qu'il propose, de leur utilité, de leur urgence éventuelle, de leurs conséquences, des risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que des autres solutions possibles et sur des conséquences prévisibles en cas de refus. Ce devoir d'information est repris ainsi dans le Code de déontologie médicale : "Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose" (article R. 4127-35 du Code de la santé publique).
Les conseils
Le médecin doit informer son patient des risques fréquents ou graves normalement prévisibles présentés par le soin ou le traitement qu'il préconise, en mentionnant dans le dossier médical du patient les risques évoqués et expliqués, les questions éventuellement posées par le patient et les réponses apportées par le médecin. La jurisprudence rappelle en effet fréquemment que "le médecin n'est pas dispensé de son obligation d'information par le seul fait que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement". Bien plus, le fait pour le patient d'avoir préalablement subi le même acte ou le même traitement n'exonère pas le praticien de son obligation d'information, information qui devra être adaptée au moment de l'acte ou de la mise en oeuvre du traitement (mise à jour des nouveaux risques...). Une longue relation médecin-patient emprunte de confiance n'exonère pas non plus le médecin de cette obligation.
Notons enfin que dans le cadre de l'élaboration du diagnostic, le fait, pour le médecin, de mal interpréter les symptômes observés, l'erreur de raisonnement face aux différents éléments à la disposition du médecin ou encore l'omission de faire pratiquer les examens complémentaires approfondis adéquats, sont autant de comportements considérés comme fautifs par les magistrats. D'où l'importance de consacrer du temps à l'établissement du diagnostic, de faire réaliser des examens complémentaires si besoin, d'orienter vers un confrère si nécessaire, de s'informer des résultats de l'examen demandé, de ne pas de satisfaire de résultats étranges...
06.14 UVD 09 F 1687 IN
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