13/01/10
Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé
Les faits
Une patiente de 37 ans présente des douleurs dorsales inter-scapulaires ; elle consulte ainsi, durant les 6 premiers mois de l'année 2000, son médecin traitant qui lui prescrit une IRM cervico-dorsale, un scanner et une scintigraphie qui se révèlent normaux.
Elle consulte pour la première fois, en juillet 2000, un neurologue qui corrobore la normalité de l'examen.
Devant l'obstination de la patiente, le mari de cette dernière - qui est médecin - lui prescrit une IRM cérébrale fin août 2000 ; cette IRM est examinée par le neurologue qui conclut qu'elle est normale. On note que "la sémiologie reste très variable, très fonctionnelle, assez erratique, sans manifestation neurologique objective".
Fin décembre 2001, la patiente toujours insistante réalise une deuxième IRM cérébrale ; une tumeur frontale, volumineuse et infiltrante est alors diagnostiquée. L'histologie permet de déterminer qu'il s'agit d'un oligodendriome de grade A.
En mars 2002, la patiente subit une intervention ; les suites opératoires sont simples et sans séquelles neurologiques.
La procédure
La patiente a engagé une procédure contre le neurologue et le radiologue.
L'expertise diligentée a conclu que ces deux praticiens ayant étudié alternativement la première IRM n'ont pas remarqué l'anomalie "très limitée en zone frontale" qui existait pourtant ; les deux praticiens reconnaissent cette négligence. Les experts relèvent cependant qu'aucun signe évocateur d'une tumeur cérébrale n'a été présenté par la patiente avant son intervention. Bien plus, le neurochirurgien, devant la normalité de l'examen neurologique, a écrit : "je ne pense pas qu'il y ait de symptômes que l'on puisse relier à cette lésion... elle est donc de découverte fortuite".
Les experts rappellent que l'augmentation considérable de volume de l'oligodendriome A, "constatée sur les IRM effectuées à 19 mois d'intervalle", atteste que l'oligodendriome A était en train de se transformer rapidement en oligodendriome B. Selon les experts, "en présence d'une lésion ayant un potentiel évolutif si marqué, la neurochirurgie précoce ou différée ne saurait être que palliative ; aucun élément médicalement établi ne permet de penser ou de démontrer que l'évolution aurait été différente, plus favorable, si le diagnostic de tumeur cérébrale avait été envisagé initialement".
Les experts indiquent qu'en pratique, face au cas présent, l'intervention d'exérèse aurait été probablement proposée à la patiente dès août 2000 par un certain nombre de chirurgiens, avec l'espérance d'améliorer le pronostic. Selon les experts, "l'exérèse, aussi précoce que possible, d'un oligogendriome comporte un pronostic relativement favorable dans la mesure où cette exérèse précoce semble retarder ou enrayer la transformation en oligodendriome B de pronostic plus péjoratif".
Le Tribunal de Grande Instance a condamné le radiologue et le neurologue à verser 24 000 € en réparation du préjudice subi par la patiente, mais également du préjudice moral subi par le mari et de leur enfant, vivant tous deux au quotidien l'angoisse de la patiente. Les magistrats ont en effet retenu que le retard de diagnostic fautif des deux médecins a entraîné une "perte de chance pour la patiente d'être surveillée et/ou traitée médicalement, une perte de chance très vraisemblable de survivre plus longtemps et/ou dans de meilleures conditions physiques et psychologiques". Le Tribunal a retenu que la patiente aurait pu bénéficier de la chance de survie la meilleure si une intervention plus précoce avait été possible : "même si la chirurgie n'avait été que palliative, elle aurait rendu le vécu quotidien de la patiente moins douloureux en atténuant sa longue inquiétude vitale en relation avec la crainte continuelle de voir évoluer son état de façon péjorative".
Ce que dit la loi
Selon l'article R. 4127-33 Code de la santé publique consacré à l'élaboration du diagnostic, "le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés".
Le médecin doit donc mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour élaborer le diagnostic. Dans ce cadre, le médecin ne pourra voir sa responsabilité engagée que si le patient rapporte la preuve d'une faute du praticien, de préjudices subis et d'un lien de causalité entre la faute médicale et les dommages (article L. 1142-1 du Code précité).
Il convient de noter que l'erreur et le retard de diagnostic ne sont pas systématiquement considérés comme fautifs par les tribunaux. C'est le cas notamment lorsque, par exemple, le diagnostic était délicat, difficile ou encore lorsque le médecin a utilisé tous les moyens à sa disposition pour y parvenir. Par contre, l'erreur et le retard de diagnostic sont considérés comme fautifs dans les cas où, par exemple, le médecin n'a pas prescrit l'examen complémentaire qui s'imposait, n'a pas orienté son patient vers un confrère, a mal raisonné face aux symptômes présentés, n'a pas demandé d'examen complémentaire alors que le résultat du premier examen était curieux ou incomplet...
Les conseils
Dans le cadre de l'élaboration d'un diagnostic, lorsqu'un examen complémentaire est prescrit, il convient d'expliquer au patient en quoi il va consister et quels sont les éléments recherchés. Après la prescription de cet examen, il convient d'attendre les résultats et de les solliciter auprès du confrère et/ou du patient lorsqu'ils tardent à lui parvenir. Les conclusions du confrère doivent faire l'objet d'une vérification et un deuxième avis peut être demandé si nécessaire. Lorsque le résultat est incomplet ou paraît curieux, il convient par ailleurs de solliciter un complément d'examen. Toutes ces démarches sont nécessaires et doivent être mentionnées dans le dossier médical du patient, avec les différentes hypothèses de diagnostic envisagées et l'orientation diagnostique qui aura découlé des résultats des examens complémentaires prescrits, les confrères spécialistes qui auront été consultés...
10.13 UVD 09 F 1948 IN
Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé
Les faits
Une patiente de 37 ans présente des douleurs dorsales inter-scapulaires ; elle consulte ainsi, durant les 6 premiers mois de l'année 2000, son médecin traitant qui lui prescrit une IRM cervico-dorsale, un scanner et une scintigraphie qui se révèlent normaux.
Elle consulte pour la première fois, en juillet 2000, un neurologue qui corrobore la normalité de l'examen.
Devant l'obstination de la patiente, le mari de cette dernière - qui est médecin - lui prescrit une IRM cérébrale fin août 2000 ; cette IRM est examinée par le neurologue qui conclut qu'elle est normale. On note que "la sémiologie reste très variable, très fonctionnelle, assez erratique, sans manifestation neurologique objective".
Fin décembre 2001, la patiente toujours insistante réalise une deuxième IRM cérébrale ; une tumeur frontale, volumineuse et infiltrante est alors diagnostiquée. L'histologie permet de déterminer qu'il s'agit d'un oligodendriome de grade A.
En mars 2002, la patiente subit une intervention ; les suites opératoires sont simples et sans séquelles neurologiques.
La procédure
La patiente a engagé une procédure contre le neurologue et le radiologue.
L'expertise diligentée a conclu que ces deux praticiens ayant étudié alternativement la première IRM n'ont pas remarqué l'anomalie "très limitée en zone frontale" qui existait pourtant ; les deux praticiens reconnaissent cette négligence. Les experts relèvent cependant qu'aucun signe évocateur d'une tumeur cérébrale n'a été présenté par la patiente avant son intervention. Bien plus, le neurochirurgien, devant la normalité de l'examen neurologique, a écrit : "je ne pense pas qu'il y ait de symptômes que l'on puisse relier à cette lésion... elle est donc de découverte fortuite".
Les experts rappellent que l'augmentation considérable de volume de l'oligodendriome A, "constatée sur les IRM effectuées à 19 mois d'intervalle", atteste que l'oligodendriome A était en train de se transformer rapidement en oligodendriome B. Selon les experts, "en présence d'une lésion ayant un potentiel évolutif si marqué, la neurochirurgie précoce ou différée ne saurait être que palliative ; aucun élément médicalement établi ne permet de penser ou de démontrer que l'évolution aurait été différente, plus favorable, si le diagnostic de tumeur cérébrale avait été envisagé initialement".
Les experts indiquent qu'en pratique, face au cas présent, l'intervention d'exérèse aurait été probablement proposée à la patiente dès août 2000 par un certain nombre de chirurgiens, avec l'espérance d'améliorer le pronostic. Selon les experts, "l'exérèse, aussi précoce que possible, d'un oligogendriome comporte un pronostic relativement favorable dans la mesure où cette exérèse précoce semble retarder ou enrayer la transformation en oligodendriome B de pronostic plus péjoratif".
Le Tribunal de Grande Instance a condamné le radiologue et le neurologue à verser 24 000 € en réparation du préjudice subi par la patiente, mais également du préjudice moral subi par le mari et de leur enfant, vivant tous deux au quotidien l'angoisse de la patiente. Les magistrats ont en effet retenu que le retard de diagnostic fautif des deux médecins a entraîné une "perte de chance pour la patiente d'être surveillée et/ou traitée médicalement, une perte de chance très vraisemblable de survivre plus longtemps et/ou dans de meilleures conditions physiques et psychologiques". Le Tribunal a retenu que la patiente aurait pu bénéficier de la chance de survie la meilleure si une intervention plus précoce avait été possible : "même si la chirurgie n'avait été que palliative, elle aurait rendu le vécu quotidien de la patiente moins douloureux en atténuant sa longue inquiétude vitale en relation avec la crainte continuelle de voir évoluer son état de façon péjorative".
Ce que dit la loi
Selon l'article R. 4127-33 Code de la santé publique consacré à l'élaboration du diagnostic, "le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés".
Le médecin doit donc mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour élaborer le diagnostic. Dans ce cadre, le médecin ne pourra voir sa responsabilité engagée que si le patient rapporte la preuve d'une faute du praticien, de préjudices subis et d'un lien de causalité entre la faute médicale et les dommages (article L. 1142-1 du Code précité).
Il convient de noter que l'erreur et le retard de diagnostic ne sont pas systématiquement considérés comme fautifs par les tribunaux. C'est le cas notamment lorsque, par exemple, le diagnostic était délicat, difficile ou encore lorsque le médecin a utilisé tous les moyens à sa disposition pour y parvenir. Par contre, l'erreur et le retard de diagnostic sont considérés comme fautifs dans les cas où, par exemple, le médecin n'a pas prescrit l'examen complémentaire qui s'imposait, n'a pas orienté son patient vers un confrère, a mal raisonné face aux symptômes présentés, n'a pas demandé d'examen complémentaire alors que le résultat du premier examen était curieux ou incomplet...
Les conseils
Dans le cadre de l'élaboration d'un diagnostic, lorsqu'un examen complémentaire est prescrit, il convient d'expliquer au patient en quoi il va consister et quels sont les éléments recherchés. Après la prescription de cet examen, il convient d'attendre les résultats et de les solliciter auprès du confrère et/ou du patient lorsqu'ils tardent à lui parvenir. Les conclusions du confrère doivent faire l'objet d'une vérification et un deuxième avis peut être demandé si nécessaire. Lorsque le résultat est incomplet ou paraît curieux, il convient par ailleurs de solliciter un complément d'examen. Toutes ces démarches sont nécessaires et doivent être mentionnées dans le dossier médical du patient, avec les différentes hypothèses de diagnostic envisagées et l'orientation diagnostique qui aura découlé des résultats des examens complémentaires prescrits, les confrères spécialistes qui auront été consultés...
10.13 UVD 09 F 1948 IN
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