18 novembre 2013
Dallas, Etats-Unis - C'est un peu la chronique d'une polémique annoncée : les nouvelles recommandations américaines sur le cholestérol s'attirent une volée de bois vert dans une tribune du New York Times au motif qu'elles ouvrent la prévention primaire à des catégories de sujets chez lesquels elle ne serait pas justifiée, en particulier les femmes qui ne présentent pas d'athérosclérose [1]. Au congrès de l'American Heart Association, les experts qui ont rédigé ces recommandations, les ont expliquées et défendues [2].
C'est un peu la chronique d'une polémique annoncée : les nouvelles recommandations américaines sur le cholestérol s'attirent une volée de bois vert dans une tribune du New York Times au motif qu'elles ouvrent la prévention primaire à des catégories de sujets chez lesquels elle ne serait pas justifiée, en particulier les femmes qui ne présentent pas d'athérosclérose [1]. Au congrès de l'American Heart Association, les experts qui ont rédigé ces recommandations, les ont expliquées et défendues [2].
La tribune du NYT est signée par le Dr John Abramson (Harvard Medical School, Boston) et le Dr Rita Redberg (Université de Californie, San Francisco). Le Dr Abramson est auteur d'un livre au titre provocateur : « Overdosed America : the broken promise of american medicine ». Et naturellement, la tribune qui s'intitule « Don't give more patients statins » va dans le même sens.
On pense bien sûr à ce mouvement d'humeur vis-à-vis d'une réelle ou supposée surprescription médicamenteuse, qui s'est récemment manifesté en France, et qui s'est lui aussi focalisé sur les statines.
L'absence de preuve formelle est-elle un motif de non prescription ?
Les dernières recommandations américaines sur le cholestérol, donc, innovent en ce sens qu'elles ne retiennent plus des seuils, mais plutôt des contextes de prescription, en définissant quatre groupes de sujets auxquels une statine est supposée procurer un bénéfice.
Les sujets de plus de 21 ans, porteur d'une maladie athéroscléreuse diagnostiquée.
Les sujets présentant un LDL cholestérol supérieur à 190 mg/dL.
Les diabétiques de type 1 ou 2, de 40 à 75 ans.
Tous les sujets âgés de 40 à 75 ans présentant un risque d'évènement d'au moins 7,5% à 10 ans.
C'est évidemment cette dernière catégorie qui est jugée abusive par les Drs Abramson et Redberg, lesquels mettent en avant la question des femmes. Si la justification des statines en prévention primaire est très débattue, c'est en effet chez les femmes que les arguments sont les plus fragiles.
« Même s'il est recommandé aux femmes de 45 à 75 ans, présentant un risque cardiovasculaire accru et un LDL relativement élevé, de prendre une statine, le document de 284 pages stipule aussi que " les essais cliniques d'abaissement du LDL font globalement défaut pour cette catégorie de risque " », pointent les Drs Abramson et Redberg.
Les deux signataires rappellent que les précédentes recommandations américaines sur le cholestérol, émises en 2001 par le National Heart, Lung, and Blood Institute, avaient abouti à multiplier par 3 le nombre d'américains sous hypocholestérolémiant (de 13 à 36 millions). Ils indiquent que selon leurs calculs, le nombre de sujets chez lesquels une statine est recommandée, augmente cette fois de 70%.
Ceci alors même que « les experts notent que l'abaissement médicamenteux du cholestérol pourrait ne pas avoir le même effet qu'un cholestérol maintenu naturellement bas par des méthodes non médicamenteuses, comme la diète, l'exercice et la chance d'avoir de bons gènes ».
Les Drs Abramson et Redberg estiment donc que « les nouvelles recommandations ne sont pas adéquatement fondées sur des données objectives, et que les statines ne devraient pas être recommandées pour cette catégorie nombreuse d'américains en bonne santé ».
Après avoir relevé les conflits d'intérêt des experts, et noté que l'AHA et l'ACC, « bien qu'étant des associations à but non lucratif, sont massivement soutenues par les sociétés pharmaceutiques », les auteurs concluent que « les patients devraient être septiques sur ces recommandations »,.
Les données disponibles chez les femmes
Sur la question des statines chez les femmes, on peut résumer la situation en disant que, comme on pouvait s'y attendre, on trouve : 1/ très peu de données ; 2/ des méta-analyses contradictoires ; 3/ les résultats discutés de l'étude JUPITER.
En l'espèce, ces résultats montrent qu'en prévention primaire, chez des femmes présentant un LDL bas mais une CRP élevée (> 2 mg/mL), la rosuvastatine réduit de 46% de l'incidence d'un composite associant IDM, AVC, revascularisation, hospitalisation pour angor instable, et décès CV.
On note que la réduction du composite était largement lié à la réduction de 76% des revascularisations. On note également que l'analyse était préspécifiée, mais que JUPITER n'était pas dimensionnée pour une analyse par sexe. Enfin, les recommandations ne font pas mention de la CRP comme critère d'indication chez les femmes.
A contrario, là où les recommandations fixent comme seuil un risque d'évènement de 7,5% à 10 ans, une méta-analyse publiée dans le British Medical Journal, et cosignée par le Dr Abramson, soutient qu'il n'y a aucun intérêt, en termes de décès à traiter par statine en prévention primaire en dessous d'un risque d'évènement de 20% à 10 ans.
La charge est donc sévère, et en plein congrès, L'AHA pouvait difficilement rester sans réagir. La réponse est venue du Dr Noel C. Bairey-Merz (Mount Sinai Medical center, Los-Angeles), qui, lors d'une session consacrée aux controverses en matière de réduction des risques, a martelé qu'il se trouve « même des gens qui affirment que les hommes ne devraient pas prendre de statine [en prévention primaire], ce avec quoi je ne peux être d'accord ».
Le Dr Bairey-Merz aligne essentiellement trois arguments.
Premièrement, elle rappelle que le bénéfice des statines en prévention secondaire est solidement établi, avec une réduction de l'ordre de 30% des évènements CV dans les deux sexes.
Deuxièmement, elle rappelle « qu'absence de donnée n'équivaut pas à données négatives ». « Comment pouvons-nous affirmer que les statines ne sauvent pas des vies dans la semaine qui précède un infarctus du myocarde, alors qu'elles en sauvent dans la semaine qui suit l'évènement, et chez les femmes comme chez les hommes ? »
Enfin, elle souligne que dans JUPITER, « pratiquement tous les sous-groupes tombent dans l'intervalle de significativité statistique. Faut-il alors, en raison de cette faible précision et parce que l'essai n'était pas conçu pour répondre à cette question, exclure du traitement les femmes qui constituent aujourd'hui les premières victimes des maladies cardiovasculaires ? »
Un débat qui restera en suspens ?
Le déficit de prise en charge des femmes en cardiologie suscitant, malgré tout, un zeste de culpabilité, l'argument de leur non-exclusion sera certainement efficace. Reste qu'il ne tranche pas le débat sur le fond : seul pourrait le faire un essai de prévention par les statines spécifiquement chez les femmes.
Le souhait du Dr Bairey-Merz est évidemment qu'un tel essai soit mené. En pratique, on peut toutefois douter que les autorités de santé, et plus encore, les fabricants, s'attellent à la tâche et à la dépense. Selon toute vraisemblance, il restera donc une marge d'interprétation des recommandations, là les résultats manquent.
Philosophe, le Dr Allan Sniderman (Université McGill, Montréal, Canada), qui commentait la présentation du Dr Bairey-Merz, a estimé qu'il « valait mieux accepter la limitation des données, et réfléchir ensemble à la manière de procéder ».
Le Dr Merz a signalé des activités de consultant pour Abbott Vascular, Bayer, Bristol-Myers Squibb, Gilead, Novartis, Pfizer, et Amgen dans les cinq dernières années.
MEDSCAPE 2013
Dallas, Etats-Unis - C'est un peu la chronique d'une polémique annoncée : les nouvelles recommandations américaines sur le cholestérol s'attirent une volée de bois vert dans une tribune du New York Times au motif qu'elles ouvrent la prévention primaire à des catégories de sujets chez lesquels elle ne serait pas justifiée, en particulier les femmes qui ne présentent pas d'athérosclérose [1]. Au congrès de l'American Heart Association, les experts qui ont rédigé ces recommandations, les ont expliquées et défendues [2].
C'est un peu la chronique d'une polémique annoncée : les nouvelles recommandations américaines sur le cholestérol s'attirent une volée de bois vert dans une tribune du New York Times au motif qu'elles ouvrent la prévention primaire à des catégories de sujets chez lesquels elle ne serait pas justifiée, en particulier les femmes qui ne présentent pas d'athérosclérose [1]. Au congrès de l'American Heart Association, les experts qui ont rédigé ces recommandations, les ont expliquées et défendues [2].
La tribune du NYT est signée par le Dr John Abramson (Harvard Medical School, Boston) et le Dr Rita Redberg (Université de Californie, San Francisco). Le Dr Abramson est auteur d'un livre au titre provocateur : « Overdosed America : the broken promise of american medicine ». Et naturellement, la tribune qui s'intitule « Don't give more patients statins » va dans le même sens.
On pense bien sûr à ce mouvement d'humeur vis-à-vis d'une réelle ou supposée surprescription médicamenteuse, qui s'est récemment manifesté en France, et qui s'est lui aussi focalisé sur les statines.
L'absence de preuve formelle est-elle un motif de non prescription ?
Les dernières recommandations américaines sur le cholestérol, donc, innovent en ce sens qu'elles ne retiennent plus des seuils, mais plutôt des contextes de prescription, en définissant quatre groupes de sujets auxquels une statine est supposée procurer un bénéfice.
Les sujets de plus de 21 ans, porteur d'une maladie athéroscléreuse diagnostiquée.
Les sujets présentant un LDL cholestérol supérieur à 190 mg/dL.
Les diabétiques de type 1 ou 2, de 40 à 75 ans.
Tous les sujets âgés de 40 à 75 ans présentant un risque d'évènement d'au moins 7,5% à 10 ans.
C'est évidemment cette dernière catégorie qui est jugée abusive par les Drs Abramson et Redberg, lesquels mettent en avant la question des femmes. Si la justification des statines en prévention primaire est très débattue, c'est en effet chez les femmes que les arguments sont les plus fragiles.
« Même s'il est recommandé aux femmes de 45 à 75 ans, présentant un risque cardiovasculaire accru et un LDL relativement élevé, de prendre une statine, le document de 284 pages stipule aussi que " les essais cliniques d'abaissement du LDL font globalement défaut pour cette catégorie de risque " », pointent les Drs Abramson et Redberg.
Les deux signataires rappellent que les précédentes recommandations américaines sur le cholestérol, émises en 2001 par le National Heart, Lung, and Blood Institute, avaient abouti à multiplier par 3 le nombre d'américains sous hypocholestérolémiant (de 13 à 36 millions). Ils indiquent que selon leurs calculs, le nombre de sujets chez lesquels une statine est recommandée, augmente cette fois de 70%.
Ceci alors même que « les experts notent que l'abaissement médicamenteux du cholestérol pourrait ne pas avoir le même effet qu'un cholestérol maintenu naturellement bas par des méthodes non médicamenteuses, comme la diète, l'exercice et la chance d'avoir de bons gènes ».
Les Drs Abramson et Redberg estiment donc que « les nouvelles recommandations ne sont pas adéquatement fondées sur des données objectives, et que les statines ne devraient pas être recommandées pour cette catégorie nombreuse d'américains en bonne santé ».
Après avoir relevé les conflits d'intérêt des experts, et noté que l'AHA et l'ACC, « bien qu'étant des associations à but non lucratif, sont massivement soutenues par les sociétés pharmaceutiques », les auteurs concluent que « les patients devraient être septiques sur ces recommandations »,.
Les données disponibles chez les femmes
Sur la question des statines chez les femmes, on peut résumer la situation en disant que, comme on pouvait s'y attendre, on trouve : 1/ très peu de données ; 2/ des méta-analyses contradictoires ; 3/ les résultats discutés de l'étude JUPITER.
En l'espèce, ces résultats montrent qu'en prévention primaire, chez des femmes présentant un LDL bas mais une CRP élevée (> 2 mg/mL), la rosuvastatine réduit de 46% de l'incidence d'un composite associant IDM, AVC, revascularisation, hospitalisation pour angor instable, et décès CV.
On note que la réduction du composite était largement lié à la réduction de 76% des revascularisations. On note également que l'analyse était préspécifiée, mais que JUPITER n'était pas dimensionnée pour une analyse par sexe. Enfin, les recommandations ne font pas mention de la CRP comme critère d'indication chez les femmes.
A contrario, là où les recommandations fixent comme seuil un risque d'évènement de 7,5% à 10 ans, une méta-analyse publiée dans le British Medical Journal, et cosignée par le Dr Abramson, soutient qu'il n'y a aucun intérêt, en termes de décès à traiter par statine en prévention primaire en dessous d'un risque d'évènement de 20% à 10 ans.
La charge est donc sévère, et en plein congrès, L'AHA pouvait difficilement rester sans réagir. La réponse est venue du Dr Noel C. Bairey-Merz (Mount Sinai Medical center, Los-Angeles), qui, lors d'une session consacrée aux controverses en matière de réduction des risques, a martelé qu'il se trouve « même des gens qui affirment que les hommes ne devraient pas prendre de statine [en prévention primaire], ce avec quoi je ne peux être d'accord ».
Le Dr Bairey-Merz aligne essentiellement trois arguments.
Premièrement, elle rappelle que le bénéfice des statines en prévention secondaire est solidement établi, avec une réduction de l'ordre de 30% des évènements CV dans les deux sexes.
Deuxièmement, elle rappelle « qu'absence de donnée n'équivaut pas à données négatives ». « Comment pouvons-nous affirmer que les statines ne sauvent pas des vies dans la semaine qui précède un infarctus du myocarde, alors qu'elles en sauvent dans la semaine qui suit l'évènement, et chez les femmes comme chez les hommes ? »
Enfin, elle souligne que dans JUPITER, « pratiquement tous les sous-groupes tombent dans l'intervalle de significativité statistique. Faut-il alors, en raison de cette faible précision et parce que l'essai n'était pas conçu pour répondre à cette question, exclure du traitement les femmes qui constituent aujourd'hui les premières victimes des maladies cardiovasculaires ? »
Un débat qui restera en suspens ?
Le déficit de prise en charge des femmes en cardiologie suscitant, malgré tout, un zeste de culpabilité, l'argument de leur non-exclusion sera certainement efficace. Reste qu'il ne tranche pas le débat sur le fond : seul pourrait le faire un essai de prévention par les statines spécifiquement chez les femmes.
Le souhait du Dr Bairey-Merz est évidemment qu'un tel essai soit mené. En pratique, on peut toutefois douter que les autorités de santé, et plus encore, les fabricants, s'attellent à la tâche et à la dépense. Selon toute vraisemblance, il restera donc une marge d'interprétation des recommandations, là les résultats manquent.
Philosophe, le Dr Allan Sniderman (Université McGill, Montréal, Canada), qui commentait la présentation du Dr Bairey-Merz, a estimé qu'il « valait mieux accepter la limitation des données, et réfléchir ensemble à la manière de procéder ».
Le Dr Merz a signalé des activités de consultant pour Abbott Vascular, Bayer, Bristol-Myers Squibb, Gilead, Novartis, Pfizer, et Amgen dans les cinq dernières années.
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