Un jeune homme de 21 ans se présente aux urgences d'un hôpital local du Pays de Galles pour une douleur thoracique latéralisée à gauche évoluant depuis 30 minutes. L'interrogatoire permet d'apprendre que la douleur est apparue après un match de football. Le patient n'a pas d'antécédents médicaux particuliers, est fumeur (de cigarettes) et consomme du cannabis de manière régulière. Il aurait pris une seule fois de la cocaïne il y a 4 mois. Il y a un mois, également à la suite d'un match de football, il avait déjà consulté aux urgences pour douleur thoracique et les explorations ayant été négatives on avait conclu à un problème musculaire.
L'examen clinique à l'arrivée est normal.
L'ECG initial retrouve un sus-décalage de 2 mm du segment ST en antérolatéral et une inversion de l'onde T en DIII, toutes anomalies étant apparues depuis l'ECG pratiqué un mois auparavant. Une échographie cardiaque ne révèle aucune anomalie de la cinétique ventriculaire ou de la racine de l'aorte. Une recrudescence de la douleur conduit à pratiquer un deuxième ECG qui montre une aggravation du sus-décalage de ST. La troponine I est à 0,18 microgramme/L.
Des coronaires normales
Ce tableau clinique fait poser le diagnostic d'infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI) et le malade est transféré à l'hôpital de Cardiff pour une coronarographie. Celle-ci montre un large thrombus obstruant partiellement l'inter-ventriculaire antérieure (IVA) avec un flux TIMI de grade 2. Cette artère et les autres troncs coronaires sont morphologiquement normaux à l'angiographie. Des tentatives d'aspiration du thrombus n'étant que partiellement efficace un traitement local par altéplase et abciximab est entrepris et permet d'obtenir un flux TIMI de grade 3 avec cependant persistance d'un thrombus résiduel.
La recherche de facteurs de risque classiques s'avère négative en dehors du tabagisme (non chiffré), d'un cholestérol total à 6,5 mmol/L (pas de notion du LDL) et de triglycérides à 4 mmol/L.
Après 7 mois de traitement (par aspirine et clopidogrel associés à une statine, un IEC et un bêta bloquant et à une anti-vitamine K durant les trois premiers mois) une nouvelle coronarographie est pratiquée. Elle montre une bonne résolution du thrombus et à l'échographie endo-coronaire du matériel échogène laminaire dans l'IVA moyenne et proximale évocateur d'un thrombus organisé. Par ailleurs, cet examen ne met pas en évidence de signes de rupture de plaque d'athérome au niveau de l'IVA. Le traitement antiagrégant est interrompu et l'on conseille au patient de s'abstenir de fumer et de consommer du cannabis.
Le cannabis est-il coupable ?
Pour les praticiens en charge de ce patient, le cannabis est le facteur déclenchant le plus probable de cet événement coronarien survenu chez un sujet de 21 ans. Ils s'appuient pour aboutir à cette conclusion sur l'absence d'autres facteurs de risque (en dehors du tabagisme), sur l'aspect normal des coronaires à l'angiographie et surtout à l'échographie endo-coronaire et sur une courte revue de la littérature. Celle-ci a retrouvé depuis une quinzaine d'années plusieurs publications de cas cliniques faisant état d'un lien entre consommation récente de cannabis et infarctus du myocarde chez des sujets jeunes. Dans la plupart des cas publiés, comme chez leur patient, l'aspect angiographique des coronaires était normal.
Le mécanisme évoqué dans ces publications était un spasme coronaire, une vascularite ou un effet prothrombotique direct du cannabis.
Il faut toutefois souligner qu'il ne s'agit que d'hypothèses qui demandent d'abord confirmation de la réalité du phénomène par une véritable étude épidémiologique, la réunion de quelques cas cliniques étant insuffisante pour conclure compte tenu de la grande fréquence de la consommation de cannabis chez les sujets jeunes et donc sur la probabilité non nulle d’une coïncidence. En outre dans le cas présent les douleurs thoraciques étaient survenues pour les deux épisodes au décours d’un effort important…Enfin pour préciser la physiopathologie de ces infarctus, s'ils sont bien en rapport avec le cannabis, il faudrait disposer des résultats des échographies endo-coronaires de plus d'un patient et d'explorations biologiques fines de la coagulation de plusieurs malades...
Malgré l'incertitude, les auteurs recommandent, dans des cas similaires, de conseiller l'arrêt du cannabis. Sans grand risque d'être contredits !
Dr Céline Dupin
RÉFÉRENCES
Hocroft CJ et coll.: Cannabis-associated Myocardial Infarction in a Young Man with Normal Coronary Arteries. J Emerg Med 2014 (doi: 10.1016/j.jemermed.2013.11.077).
JIM JUILLET 2014
L'examen clinique à l'arrivée est normal.
L'ECG initial retrouve un sus-décalage de 2 mm du segment ST en antérolatéral et une inversion de l'onde T en DIII, toutes anomalies étant apparues depuis l'ECG pratiqué un mois auparavant. Une échographie cardiaque ne révèle aucune anomalie de la cinétique ventriculaire ou de la racine de l'aorte. Une recrudescence de la douleur conduit à pratiquer un deuxième ECG qui montre une aggravation du sus-décalage de ST. La troponine I est à 0,18 microgramme/L.
Des coronaires normales
Ce tableau clinique fait poser le diagnostic d'infarctus du myocarde avec sus-décalage du segment ST (STEMI) et le malade est transféré à l'hôpital de Cardiff pour une coronarographie. Celle-ci montre un large thrombus obstruant partiellement l'inter-ventriculaire antérieure (IVA) avec un flux TIMI de grade 2. Cette artère et les autres troncs coronaires sont morphologiquement normaux à l'angiographie. Des tentatives d'aspiration du thrombus n'étant que partiellement efficace un traitement local par altéplase et abciximab est entrepris et permet d'obtenir un flux TIMI de grade 3 avec cependant persistance d'un thrombus résiduel.
La recherche de facteurs de risque classiques s'avère négative en dehors du tabagisme (non chiffré), d'un cholestérol total à 6,5 mmol/L (pas de notion du LDL) et de triglycérides à 4 mmol/L.
Après 7 mois de traitement (par aspirine et clopidogrel associés à une statine, un IEC et un bêta bloquant et à une anti-vitamine K durant les trois premiers mois) une nouvelle coronarographie est pratiquée. Elle montre une bonne résolution du thrombus et à l'échographie endo-coronaire du matériel échogène laminaire dans l'IVA moyenne et proximale évocateur d'un thrombus organisé. Par ailleurs, cet examen ne met pas en évidence de signes de rupture de plaque d'athérome au niveau de l'IVA. Le traitement antiagrégant est interrompu et l'on conseille au patient de s'abstenir de fumer et de consommer du cannabis.
Le cannabis est-il coupable ?
Pour les praticiens en charge de ce patient, le cannabis est le facteur déclenchant le plus probable de cet événement coronarien survenu chez un sujet de 21 ans. Ils s'appuient pour aboutir à cette conclusion sur l'absence d'autres facteurs de risque (en dehors du tabagisme), sur l'aspect normal des coronaires à l'angiographie et surtout à l'échographie endo-coronaire et sur une courte revue de la littérature. Celle-ci a retrouvé depuis une quinzaine d'années plusieurs publications de cas cliniques faisant état d'un lien entre consommation récente de cannabis et infarctus du myocarde chez des sujets jeunes. Dans la plupart des cas publiés, comme chez leur patient, l'aspect angiographique des coronaires était normal.
Le mécanisme évoqué dans ces publications était un spasme coronaire, une vascularite ou un effet prothrombotique direct du cannabis.
Il faut toutefois souligner qu'il ne s'agit que d'hypothèses qui demandent d'abord confirmation de la réalité du phénomène par une véritable étude épidémiologique, la réunion de quelques cas cliniques étant insuffisante pour conclure compte tenu de la grande fréquence de la consommation de cannabis chez les sujets jeunes et donc sur la probabilité non nulle d’une coïncidence. En outre dans le cas présent les douleurs thoraciques étaient survenues pour les deux épisodes au décours d’un effort important…Enfin pour préciser la physiopathologie de ces infarctus, s'ils sont bien en rapport avec le cannabis, il faudrait disposer des résultats des échographies endo-coronaires de plus d'un patient et d'explorations biologiques fines de la coagulation de plusieurs malades...
Malgré l'incertitude, les auteurs recommandent, dans des cas similaires, de conseiller l'arrêt du cannabis. Sans grand risque d'être contredits !
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