Les causes surrénaliennes d’HTA
10.1.2 - Hyperaldostéronismes et apparentés
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10.1.2.1 Rappel physiologique
Biosynthèse
L’aldostérone est l’hormone finale de la chaîne de synthèse des minéralocorticoïdes. Elle est exclusivement secrétée par la zone glomérulée de la corticosurrénale qui seule possède la 18 hydroxylase (ou aldostérone-synthase), permettant la transformation de la corticostérone en aldostérone. Certains de ses précurseurs, qui possèdent également une activité minéralocorticoïde (Déoxycorticostérone = DOC) sont aussi secrétés par la zone fasciculée. Voir le schéma de la stéroïdogénèse, chapitre [8].
Action
L’aldostérone exerce principalement son action au niveau du tube rénal distal et du tube collecteur après liaison avec un récepteur nucléocytoplasmique non spécifique car il est aussi activé par le cortisol, la DOC et la corticostérone. Néanmoins, dans les conditions physiologiques, le cortisol est transformé en cortisone, peu active sur le récepteur rénal, par la 11β hydroxystéroïde deshydrogénase (11β HSD) : il n’exerce pas de compétition avec l’aldostérone au niveau du récepteur.
L’aldostérone entraîne une réabsorption du sodium et une excrétion du potassium et des ions H+ et joue un rôle vital dans l’homéostasie sodée et volumique. Cette réabsorption distale du sodium est un mécanisme d’adaptation fin qui ne porte que sur une faible fraction du sodium filtré qui, pour sa plus grande part, et réabsorbé au niveau du tube proximal par un mécanisme non hormonal. En cas d’hyperaldostéronisme et d’excès de réabsorption distale, l’expansion volémique créée entraîne une diminution de la réabsorption proximale du Na : ce phénomène d’échappement explique qu’il n’y ait pas de rétention hydrosodée majeure (pas d’œdème) dans les hyperaldostéronismes primaires.
L’excrétion du potassium dépend de l’aldostérone, mais aussi de la quantité de Na parvenant au tubule distal. En cas de régime hyposodé, qui entraîne une forte réabsorption tubulaire proximale, la faible quantité de Na parvenant au tube distal limite l’excrétion potassique. Inversement, cette dernière s’accroît avec la charge en sel.
Régulation
Système rénine-angiotensine
La rénine, secrétée par l’appareil juxta glomérulaire, est l’enzyme permettant la conversion de l’angiotensinogène hépatique en angiotensine I, elle-même transformée en angiotensine II par l’enzyme de conversion. L’angiotensine II et surtout l’angiotensine III (produit grâce à une peptidase) sont les stimulants spécifiques de la secrétion d’aldostérone.
Les facteurs stimulant la secrétion de rénine sont :
La chute du débit de perfusion rénale,
La diminution du flux sodé dans le tube distal,
Les prostaglandines,
Les β mimétiques.
Les facteurs inhibant la secrétion de rénine sont
L’angiotensine, la vasopressine, le facteur natriurétique auriculaire,
L’augmentation du flux potassique,
Les β bloquants
L’ACTH
Puissant stimulant, mais n’intervient que dans les situations aiguës
Son action stimulante ne se maintient pas au-delà de 24h
Pas de rétrocontrôle
Le Potassium
Le potassium est un puissant stimulant de la secrétion d’aldostérone, indépendemment du système rénine-angiotensine, comme l’ont montré des études effectuées sur des sujets anéphriques. Une augmentation locale de 0,5 mmol de K double la secrétion d’aldostérone.
Les hyperaldostéronismes peuvent être :
Primaires : hypersecrétion d’aldostérone par la zone glomérulée de la corticosurrénale, indépendante de la rénine
Secondaires à une hypersecrétion de la rénine. Dans ce cas, il n’y a pas d’HTA (sauf dans quelques étiologies) car l’hypersecrétion de rénine est le plus souvent due à une diminution du volume circulant efficace.
On en rapproche :
La secrétion anormale de précurseurs de l’aldostérone ayant un pouvoir minéralocorticoïde
Les syndromes d’excès apparent de minéralocorticoïdes
10.1.2.2 Hyperaldostéronisme primaire
Les hyperaldostéronismes primaires sont responsables d’au moins 1 à 2 % des hypertensions artérielles, en fait probablement plus, et doivent être évoqués devant toute hypertension artérielle accompagnée d’une hypokaliémie voire d’une kaliémie dans les valeurs basses de la normale surtout en cas d’HTA difficilement contrôlable : la valeur seuil de 4 (ou 3,9) mmol/L a été proposée.
Etiologies
Adénome surrénal de Conn
Adénome unilatéral secrétant de l’aldostérone, exceptionnellement carcinome
Entraîne un tableau typique d’hyperaldostéronisme primaire
Echappe totalement à l’angiotensine, qui est effondrée ainsi que la rénine.
Mais conserve une sensibilité à l’ACTH
Hyperaldostéronisme idiopathique (ou par hyperplasie bilatérale)
Secrétion anormale d’aldostérone par les 2 surrénales, qui sont soit normales, soit atteintes d’hyperplasie micro ou macronodulaire
Garde une sensibilité à l’angiotensine et la corrélation positive entre l’angiotensine et l’aldostérone suggère qu’il s’agit en fait d’un hyperaldostéronisme secondaire
Pour certains, cette entité ne serait qu’une variété particulière d’HTA à rénine basse.
Hyperaldostéronisme freinable par les glucocorticoïdes
Très rare
Autosomique dominant
Dû à un crossing-over entre le gène de la 11β hydroxylase et le gène de l’aldostérone synthase (situés tous deux sur le chromosome
. Ce gène chimérique de l’aldostérone synthase s’exprime dans la zone fasciculée stimulée par l’ACTH (alors que l’aldostérone synthase ne s’exprime normalement que dans la zone glomérulée. cf physiologie) : l’hyperaldostéronisme est dépendant de l’ACTH et donc freinable par les glucocorticoïdes.
Signes cliniques
Ils associent :
Hypertension artérielle de degré divers,
Kaliémie inférieure à 4 mmol/L :
avec alcalose et kaliurèse conservée.
le plus souvent asymptomatique, parfois responsables de signes cliniques : syndrome polyurodypsique, fatigabilité musculaire, paresthésies, voire accès paralytiques, allongement de QT à l’ECG.
pouvant être masquée par un régime sans sel++ (cf physiologie)
devant être vérifiée après arrêt d’un éventuel médicament hypokaliémiant et recharge en potassium.
Hypernatrémie modérée, ou natrémie normale (en tous cas, pas d’hyponatrémie)
Diagnostic positif
Il repose sur l’association d’une élévation de l’aldostérone plasmatique, d’un effondrement de la rénine (et de l’angiotensine) et une augmentation du rapport aldostérone/rénine.
Pour être interprétables, ces dosages doivent être effectués :
en régime normosodé, dont on s’assure par une mesure conjointe de la natriurèse.
après arrêt des médicaments interférant avec le système rénine angiotensine : spironolactone (6 semaines), diurétiques, IEC, IA2 (2 semaines), β bloquants (1 semaine) encore que la constatation d’une rénine basse sous IEC par exemple (alors qu’elle devrait être élevée) soit un fort élément prédictif.
Dans les cas douteux, l’interprétation des dosages peut être sensibilisée par la charge en sel : 6g/J per os pendant 3 jours ou perfusion de serum salé isotonique : 2 litres en 2h (risque d’être mal supportés par un patient hypertendu) : l’hyperaldostéronisme n’est pas freinable par la charge sodée.
Diagnostic étiologique
Il est parfois difficile, mais il est utile car il détermine l’attitude thérapeutique, (ablation chirurgicale d’un adénome unilatéral, traitement médical des hyperplasies bilatérales) encore que ces deux variétés d’hyperaldostéronisme primaire puissent être traitées médicalement par les anti-aldostérone (ALDACTONE*). Ce diagnostic étiologique est posé en milieu spécialisé et ne sera pas détaillé. En bref, il repose sur l’imagerie des surrénales et parfois sur certains tests de stimulation ou de freinage de la secrétion d’aldostérone, réalisés en milieu hospitalier.
10.1.2.3 Hypersécrétion de précurseurs
Il existe un excès de minéralocorticoïdes, mais il s’agit des précurseurs de l’adostérone, et la rénine et l’aldostérone sont basses.
Il s’agit de certains déficits enzymatiques surrénaliens (hyperplasie congénitale des surrénales par mutation génomique d’une enzyme). Cette pathologie est rare et ne sera que mentionnée (voir schéma de la stéroïdogénèse chapitre [8]) :
Déficit en 17 α hydroxylase
très rare
entraînant un défaut de synthèse de cortisol, d’aldostérone, de stéroïdes sexuels,
mais une accumulation de DOC, corticostérone, ayant une forte activité minéralocorticoïde et freinant la rénine.
tableau : le plus souvent reconnu à la puberté devant un impubérisme avec HTA et hypokaliémie, taux élevé de progestérone.
Déficit en 11 hydroxylase
moins rare
hyperandrogénie avec pseudohermaphrodisme féminin chez les enfants XX, ou hirsutisme à la puberté dans les formes incomplètes + HTA
élévation du composé S (11 désoxycortisol) de base et sous stimulation, élévation de la DOC
10.1.2.4 Syndrome d’excès apparent de minéralocorticoïdes
Le tableau ressemble à celui d’un hyperaldostéronisme, avec HTA et hypokaliémie, mais
la rénine et l’aldostérone sont basses.
Ce syndrome est dû à un défaut d’action de la 11β HSD, permettant au niveau du rein, la transformation du cortisol en cortisone : le cortisol accumulé stimule de manière anormale le récepteur de l’aldostérone (cf physiologie). Il en existe plusieurs causes, congénitale ou acquises :
Anomalie congénitale de l’enzyme
affection rare, autosomique récessive
Intoxication à la glycérrhizine
La glycérrhizine, contenue dans la réglisse (zan, boissons au coco, pastis sans alcool) et ses dérivés (carbenoxolone contenue dans certains pansements gastriques) est un puissant inhibiteur de l’action de la 11β HSD rénale.
Les troubles cessent à l’arrêt de l’intoxication.
Syndrome de Cushing
En cas de production massive de cortisol, les possibilités de l’enzyme sont débordées et il existe un bloc fonctionnel en 11β HSD, d’où HTA et hypokaliémie. Les signes du syndrome de Cushing ne seront pas détaillés ici (voir le chapitre « HTA d’origine endocrinienne : syndrome de Cushing (129) »). Rappelons qu’il en existe deux formes :
ACTH dépendante :
Adénome corticotrope (maladie de Cushing)
Secrétion ectopique d’ACTH par une tumeur neuro endocrine
ACTH indépendante :
Adénome surrénalien bénin secrétant des glucocorticoïdes
Corticosurrénalome malin pouvant secréter non seulement des glucocorticoïdes mais aussi des androgènes, des précurseurs, voire de l’aldostérone
10.1.2.5 Hyperaldostéronisme secondaire
De loin la cause la plus fréquente d’hyperaldostéronisme. Dans ce cas,
l’aldostérone et la rénine sont élevées.
Les causes en sont nombreuses :
Hypovolémie efficace : pas d’HTA
Insuffisance cardiaque
Syndrome néphrotique
Ascites cirrhotiques
Pertes de sel : pas d’HTA
Intoxication par les laxatifs, diurétiques
Acidose tubulaire rénale
Hyperproduction primitive de rénine : HTA +++
Sténose de l’artère rénale (dysplasique chez le jeune, athéromateuse chez le sujet agé) reconnue par échographie Doppler et angio IRM
Tumeur juxta-glomérulaire secrétant de la rénine
HTA maligne
Insuffisance rénale chronique
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