L'Académie de Médecine a pris position contre l'usage de cannabis à des fins médicales en France début 2010, en raison d'un rapport bénéfices-risques défavorable, ce que dénonce Act Up Paris. Cette association souligne l'utilité de cette substance, en particulier pour les personnes atteintes du VIH/Sida et réfute les arguments de l'Académie.
La position de l'Académie
L'Académie de Médecine, dans un communiqué publié le 19 mars 2010 et intitulé "Cannabis : un faux médicament, une vraie drogue" "met en garde contre l'utilisation du cannabis en tant que médicament". Pour étayer cet avertissement, l'Académie indique tout d'abord que la variabilité des espèces de marijuana, le lieu de culture, le climat et le moment de la récolte ne permettent pas d'obtenir une concentration fixe de THC, le principe actif du cannabis, empêchant dont la dose thérapeutique utile doit être connue avec précision".
L'Académie affirme également que d'autres médicaments ont "des propriétés pharmacologiques supérieures à celles du THC", substance dont les effets pharmacologiques sont "d'une intensité modeste". L'institution souligne qu'a contrario "les effets secondaires sont nombreux et très souvent adverses", qu'ils soient psychiques (mémoire, dépression, décompensation ou aggravation de la schizophrénie, incitation à la consommation d'autres drogues, etc.) ou physiques (dépression de l'immunité, cancers, infarctus, etc.).
Les arguments d'Act Up à l'encontre de cette positionDans une lettre ouverte ,l'association qualifie ces prises de position d'"archaïques", notamment la mention d'une possible "incitation à la prise d'autres drogues", théorie de l'escalade réfutée par les addictologues (en gros si cette théorie était fondée, avec l'explosion du nombre de fumeurs de cannabis depuis les années 90, la consommation d'autres drogues aurait dû également exploser, or ce n'est pas le cas).
Act Up s'indigne de cette négation de "l'amélioration du confort de vie que pourrait apporter le cannabis thérapeutique à l'innombrables malades atteints du VIH/Sida", qui doivent supporter des traitements quotidiens aux effets secondaires lourds. De plus ces patients, qui connaissent les effets de cette substance, cherchent, toujours selon l'association, à s'en procurer de toute façon, ce qui les condamne "à la délinquance, à l'illégalité, (...) à aller chercher dans la rue la solution thérapeutique à laquelle [ils ont] droit et que [leur état de santé recommande, au risque de [se] faire agresser, voler, manipuler".
Act Up rappelle que les malades du sida n'ont "choisi ni les effets secondaires de [leurs] traitements, ni l'inefficacité des traitements plus conventionnels que le cannabis" et exigent de pouvoir bénéficier de cette réponse thérapeutique, par ailleurs prescrite dans de très nombreux pays depuis plusieurs années. Enfin Act Up appelle l'Académie à se pencher sur les études réalisées avec cette substance et sur les témoignages des usagers.
Les études sur l'usage du cannabis thérapeutiqueDe Jong et coll., en 2005, ont constaté que les patients sous trithérapie anti-sida qui utilisaient du cannabis avaient moins de nausées et prenaient mieux leur traitement. Le médecin allemand Franjo Grotenhermen, dans son livre "Cannabis en médecine", souligne de son côté que 72 % des patients atteints du sida et consommateurs de cannabis trouvent l'effet de cette substance "positif" et 7 % seulement le trouvent "négatif" (résultats d'une enquête auprès de 136 patients, Barsch, 1996).
De nombreuses études ont par ailleurs été réalisées sur l'impact du cannabis sur la perte d'appétit, les douleurs physiques, les nausées et vomissements ou encore le glaucome, l'épilepsie ou la sclérose en plaques.
Ces études scientifiques, en partie résumées dans le livre du Dr Grotenhermen et dans celui de Mischka ("Cannabis médical. Du chanvre indien au THC de synthèse") démontrent, de la même façon qu'avec d'autres principes actifs utilisés dans des spécialités pharmaceutiques, des propriétés intéressantes du THC
Une utilisation médicale répandueConséquence de ces bénéfices thérapeutiques démontrés, et malgré la présence d'effets secondaires connus, l'usage thérapeutique de cette substance est autorisé dans de nombreux pays (Canada, Allemagne, Pays-Bas, Espagne, Israël, 13 Etats des Etats-Unis, etc.). Cela procure une alternative aux médicaments traditionnels, en particulier lorsque ces derniers sont insuffisamment efficaces ou mal tolérés.
Plusieurs laboratoires pharmaceutiques travaillent également depuis des années à l'élaboration de comprimés ou de sprays qui pourraient éviter l'inhalation de THC par combustion, à risque cancérigène (entre autres), et améliorer la lisibilité des doses absorbées. Cela pourrait lever une des objections de l'Académie sur la nécessaire précision des doses thérapeutiques, de même que la production et/ou l'importation de marijuana à taux fixe.
Le dossier du cannabis est complexe, et l'amalgame entre la pénalisation de son utilisation récréative et un éventuel usage médical semble bloquer toute réflexion, toute prise de décision en France. Cependant, après des années de blocages idéologiques et de retard sur d'autres pays occidentaux, les autorités ont élargi au début des années 90 l'utilisation des morphiniques, ce qui a enfin soulagé des milliers de patients atteints de douleurs chroniques... Peut-être en sera-t-il de même bientôt pour le cannabis médical, visiblement utile dans certaines pathologies et conditions ?
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