Par Germain DECROIX, Juriste spécialisé en droit médical.
C'est une ordonnance du 25 juin 1945, correspondant bien au contexte français de cette époque, qui introduisit dans notre arsenal pénal cette infraction de non-assistance à personne en danger. Remaniée en 1954, elle a été reprise tel quel dans le nouveau Code pénal de 1994 et enfin adaptée à l'euro. Courte histoire pour l'une des infractions les plus commentées de notre réglementation pénale qui est insérée dans le deuxième livre, chapitre III du Code pénal intitulé : De la mise en danger de la personne.
Il s'agit d'une des rares infractions d'abstention de notre Code pénal qui implique au départ une obligation d'action. Cette infraction se décline sous deux formes dans l'article 223-6 du Code pénal, la deuxième concernant particulièrement, mais pas du tout exclusivement, les médecins.
Il prévoit ainsi : "Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 € d'amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours".
Afin qu'une infraction soit constituée, il faut en général réunir trois éléments : l'élément légal (le texte définissant l'infraction), l'élément matériel (action ou abstention) et l'élément intentionnel.
La définition
Au fil des décisions, la jurisprudence a défini les contours de l'élément matériel de la non-assistance à personne en danger, qui sont précis, mais qui peuvent facilement être réunis pour conduire à la condamnation du praticien poursuivi. Ainsi, il faut cumulativement :
Un péril qui doit être imminent grave et constant. Ainsi, le risque encouru par la personne à sauver doit être la mort ou une atteinte importante et irréversible à son intégrité corporelle. La situation doit être très rapidement évolutive en l'absence de secours (ainsi un médecin qui n'avait pas proposé un test HIV à sa patiente après une transfusion sanguine n'a pas été condamné). La nature du péril est indifférente (maladie, maltraitance, accident...), mais il doit être constaté (pas forcément par le médecin poursuivi). Attention, la jurisprudence ne prend pas en compte les constatations ultérieures permettant de savoir a posteriori que le secours était illusoire !
La conscience du péril par le praticien. La jurisprudence a évolué sur ce point passant de l'exigence de la connaissance du danger à celle de conscience. Ceci signifie que le fait qu'un médecin n'ait pas connaissance des éléments précis orientant vers l'existence d'une urgence vraie, ne suffit pas pour l'exonérer de sa responsabilité, encore faut-il qu'il ait posé les bonnes questions et interprété avec suffisamment de prudence les réponses obtenues. En principe, le médecin peut décider de ne pas intervenir que s'il est complètement rassuré.
Le médecin doit avoir la possibilité matérielle d'intervenir. Ainsi un médecin lui-même alité car malade n'a pas été condamné, ainsi qu'un médecin dont le véhicule était en panne. La question de la compétence reste très discutée pour des médecins spécialistes appelés pour une urgence ne relevant absolument pas de leur compétence (un rhumatologue appelé pour une crise d'asthme). Le refus d'intervention ne sera admis que si un confrère adapté et disponible a été sollicité et si la mise en oeuvre du traitement peut attendre son arrivée. Les médecins généralistes sont eux sensés pouvoir intervenir sur toutes les urgences, même psychiatriques.
Une abstention volontaire de porter secours. Il s'agit d'une infraction formelle, l'intention coupable se retrouvant dans le fait que malgré la conscience du danger, le praticien a décidé de ne pas porter secours. C'est donc ici le comportement humain qui est sanctionné, l'intention de porter tort au patient n'étant pas nécessaire. Le médecin peut se libérer de son obligation en provoquant un secours, c'est-à-dire en contactant lui-même un confrère qui lui indiquera pouvoir intervenir dans un délai compatible avec la nature de l'urgence. Il ne s'agit pas de se contenter de fournir un numéro d'appel quand on sait que l'intervention doit être rapide.
Précisons enfin que la jurisprudence considère que la non-assistance à personne en danger peut constituer une faute détachable du service obligeant le médecin hospitalier à indemniser lui-même les conséquences pécuniaires de sa faute.
Les situations
En pratique libérale, ce sont principalement des médecins généralistes qui ont été condamnés, car ils sont en première ligne dans la gestion des urgences.
La réponse aux appels téléphoniques, notamment pendant les gardes, constitue une source fréquente de mise en cause, car il n'est pas facile de distinguer les vraies urgences des urgences ressenties, ni de disposer des éléments utiles pour se forger une opinion fondée. Il en est de même bien sûr pour le pédiatre, le cardiologue, le chirurgien, l'anesthésiste de garde...
Mais si le fait d'être de garde oblige à être joignable, la non-assistance à personne en danger est applicable à tout praticien qui, informé d'une urgence, ne s'y rend pas, ou tout au moins ne provoque pas de secours. Les cas retrouvés en jurisprudence concernent principalement des médecins, notamment appelés pour des enfants, des femmes enceintes et des personnes âgées, mais aussi des infirmières, des témoins de l'accident, le tenancier d'un bar, une belle-mère...
Mais il ne s'agit pas que de cas de médecine de ville, les poursuites pour non-assistance à personne en danger pouvant très bien se rencontrer à l'hôpital. Aussi, la non-réponse à une sonnette serait difficilement défendable si le patient ne s'en remettait pas. Il y aurait en effet un danger, une connaissance du danger, une possibilité d'intervenir et le refus volontaire de le faire. Il en serait de même pour le praticien d'astreinte, voire de garde sur place qui refuserait de se déplacer.
Conseils
Comme la catastrophe est bien vite arrivée et que l'on est jugé selon le comportement que l'on a eu au moment de l'appel urgent, mais alors que l'on connaît la fin de l'histoire, il faut rester très prudent et être plutôt trop inquiet que pas assez. Il ne faut enfin pas trop compter sur l'indulgence des magistrats qui ne prennent pas vraiment en compte le surmenage, les appels abusifs, l'insuffisance de personnel pour exiger une réponse parfaite, même dans un système déficient.
C'est une ordonnance du 25 juin 1945, correspondant bien au contexte français de cette époque, qui introduisit dans notre arsenal pénal cette infraction de non-assistance à personne en danger. Remaniée en 1954, elle a été reprise tel quel dans le nouveau Code pénal de 1994 et enfin adaptée à l'euro. Courte histoire pour l'une des infractions les plus commentées de notre réglementation pénale qui est insérée dans le deuxième livre, chapitre III du Code pénal intitulé : De la mise en danger de la personne.
Il s'agit d'une des rares infractions d'abstention de notre Code pénal qui implique au départ une obligation d'action. Cette infraction se décline sous deux formes dans l'article 223-6 du Code pénal, la deuxième concernant particulièrement, mais pas du tout exclusivement, les médecins.
Il prévoit ainsi : "Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l'intégrité corporelle de la personne s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 € d'amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient volontairement de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours".
Afin qu'une infraction soit constituée, il faut en général réunir trois éléments : l'élément légal (le texte définissant l'infraction), l'élément matériel (action ou abstention) et l'élément intentionnel.
La définition
Au fil des décisions, la jurisprudence a défini les contours de l'élément matériel de la non-assistance à personne en danger, qui sont précis, mais qui peuvent facilement être réunis pour conduire à la condamnation du praticien poursuivi. Ainsi, il faut cumulativement :
Un péril qui doit être imminent grave et constant. Ainsi, le risque encouru par la personne à sauver doit être la mort ou une atteinte importante et irréversible à son intégrité corporelle. La situation doit être très rapidement évolutive en l'absence de secours (ainsi un médecin qui n'avait pas proposé un test HIV à sa patiente après une transfusion sanguine n'a pas été condamné). La nature du péril est indifférente (maladie, maltraitance, accident...), mais il doit être constaté (pas forcément par le médecin poursuivi). Attention, la jurisprudence ne prend pas en compte les constatations ultérieures permettant de savoir a posteriori que le secours était illusoire !
La conscience du péril par le praticien. La jurisprudence a évolué sur ce point passant de l'exigence de la connaissance du danger à celle de conscience. Ceci signifie que le fait qu'un médecin n'ait pas connaissance des éléments précis orientant vers l'existence d'une urgence vraie, ne suffit pas pour l'exonérer de sa responsabilité, encore faut-il qu'il ait posé les bonnes questions et interprété avec suffisamment de prudence les réponses obtenues. En principe, le médecin peut décider de ne pas intervenir que s'il est complètement rassuré.
Le médecin doit avoir la possibilité matérielle d'intervenir. Ainsi un médecin lui-même alité car malade n'a pas été condamné, ainsi qu'un médecin dont le véhicule était en panne. La question de la compétence reste très discutée pour des médecins spécialistes appelés pour une urgence ne relevant absolument pas de leur compétence (un rhumatologue appelé pour une crise d'asthme). Le refus d'intervention ne sera admis que si un confrère adapté et disponible a été sollicité et si la mise en oeuvre du traitement peut attendre son arrivée. Les médecins généralistes sont eux sensés pouvoir intervenir sur toutes les urgences, même psychiatriques.
Une abstention volontaire de porter secours. Il s'agit d'une infraction formelle, l'intention coupable se retrouvant dans le fait que malgré la conscience du danger, le praticien a décidé de ne pas porter secours. C'est donc ici le comportement humain qui est sanctionné, l'intention de porter tort au patient n'étant pas nécessaire. Le médecin peut se libérer de son obligation en provoquant un secours, c'est-à-dire en contactant lui-même un confrère qui lui indiquera pouvoir intervenir dans un délai compatible avec la nature de l'urgence. Il ne s'agit pas de se contenter de fournir un numéro d'appel quand on sait que l'intervention doit être rapide.
Précisons enfin que la jurisprudence considère que la non-assistance à personne en danger peut constituer une faute détachable du service obligeant le médecin hospitalier à indemniser lui-même les conséquences pécuniaires de sa faute.
Les situations
En pratique libérale, ce sont principalement des médecins généralistes qui ont été condamnés, car ils sont en première ligne dans la gestion des urgences.
La réponse aux appels téléphoniques, notamment pendant les gardes, constitue une source fréquente de mise en cause, car il n'est pas facile de distinguer les vraies urgences des urgences ressenties, ni de disposer des éléments utiles pour se forger une opinion fondée. Il en est de même bien sûr pour le pédiatre, le cardiologue, le chirurgien, l'anesthésiste de garde...
Mais si le fait d'être de garde oblige à être joignable, la non-assistance à personne en danger est applicable à tout praticien qui, informé d'une urgence, ne s'y rend pas, ou tout au moins ne provoque pas de secours. Les cas retrouvés en jurisprudence concernent principalement des médecins, notamment appelés pour des enfants, des femmes enceintes et des personnes âgées, mais aussi des infirmières, des témoins de l'accident, le tenancier d'un bar, une belle-mère...
Mais il ne s'agit pas que de cas de médecine de ville, les poursuites pour non-assistance à personne en danger pouvant très bien se rencontrer à l'hôpital. Aussi, la non-réponse à une sonnette serait difficilement défendable si le patient ne s'en remettait pas. Il y aurait en effet un danger, une connaissance du danger, une possibilité d'intervenir et le refus volontaire de le faire. Il en serait de même pour le praticien d'astreinte, voire de garde sur place qui refuserait de se déplacer.
Conseils
Comme la catastrophe est bien vite arrivée et que l'on est jugé selon le comportement que l'on a eu au moment de l'appel urgent, mais alors que l'on connaît la fin de l'histoire, il faut rester très prudent et être plutôt trop inquiet que pas assez. Il ne faut enfin pas trop compter sur l'indulgence des magistrats qui ne prennent pas vraiment en compte le surmenage, les appels abusifs, l'insuffisance de personnel pour exiger une réponse parfaite, même dans un système déficient.
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