Observation d'une leucémie à prolymphocytes T
Annales de Biologie Clinique. Volume 59, Numéro 1, 97-9, Janvier - Février 2001, Pratique quotidienne
SYNDROMES LYMPHOPROLIFÉRATIFS T
Leucémie à grands lymphocytes à grains (LGL)
Leucémie prolymphocytaire T (type Catovsky)
Leucémie- Lymphome T de l'Adulte (ATLL)
Syndrome de Sézary
Le diagnostic de leucémie prolymphocytaire T (forme « Catovsky ») est retenu. Dans ces conditions, le seul traitement jugé efficace est une chimiothérapie comprenant des anthracyclines, contre-indiquée chez cette patiente insuffisante cardiaque. La patiente décède 2 semaines après son hospitalisation, sous traitement palliatif.
Le point de vue du biologiste
Les syndromes lymphoprolifératifs chroniques de nature immunologique B sont, de loin, les plus fréquents [1]. Un petit pourcentage est représenté par les leucémies prolymphocytaires B [2]. Beaucoup plus rares sont les proliférations clonales lymphoïdes T avec dissémination sanguine (environ 10 % des cas). Parmi ces dernières, la leucémie prolymphocytaire T (LPL-T) est une entité à part entière dont Catovsky et son équipe ont publié plusieurs séries, d'où le nom parfois donné à cette affection rare : « forme Catovsky » [3, 4].
L'hémogramme révèle une hyperleucocytose majeure, souvent supérieure à 100.109/l (75 % des cas) [3]. Dans ce cas, l'examen attentif du frottis sanguin par le biologiste revêt une importance capitale. En effet, toute hyperlymphocytose chez un sujet âgé n'est pas une leucémie lymphoïde chronique ! Et le diagnostic précis du syndrome prolifératif conditionne pronostic et thérapeutique qui pourront être radicalement différents. L'examen du frottis sanguin de Mme G. révèle ainsi une population de cellules lymphoïdes de taille intermédiaire et ayant les caractéristiques de prolymphocytes : le rapport nucléo-cytoplasmique est élevé, la chromatine nucléaire est modérément condensée et, surtout, il existe un très volumineux nucléole unique. Dans environ la moitié des cas de LPL-T, le noyau est régulier, ovalaire, mais, dans l'autre moitié des cas, il est irrégulier avec des indentations ; les deux aspects avec noyau régulier et irrégulier peuvent d'ailleurs coexister sur le même frottis (figures 1 et 2). Le cytoplasme est basophile, dépourvu de granulations et présente souvent des expansions [3, 5].
La visualisation sur un frottis sanguin d'éléments lymphoïdes atypiques (anomalies nucléaires, taille anormale des cellules, présence d'expansions cytoplasmiques...) doit inciter le biologiste à alerter directement le clinicien pour discuter l'intérêt d'un immunophénotypage lymphocytaire sanguin, indolore pour le patient. En effet, c'est souvent de la conjonction des données cliniques, de l'examen cytologique attentif et de l'immunophénotypage lymphocytaire sanguin et/ou médullaire que découle en grande partie le classement du syndrome lympho-prolifératif. Les examens cytogénétiques et de génétique moléculaire ainsi que les examens anatomopathologiques viennent souvent utilement compléter le diagnostic.
Dans la LPL-T, les marqueurs habituellement retrouvés sur la membrane des cellules lymphoïdes sont les CD2, CD5, CD7 ; le CD3 est généralement positif en surface (sCD3), mais parfois seulement en intracytoplasmique (cCD3). Les prolymphocytes T sont par ailleurs le plus souvent CD4+, CD8±, CD16-, CD45 RO, CD45 RA et CD29 variables [3, 5]. Les marqueurs B (CD19, CD20 et CD22) sont absents.
Les LPL-T présentent de nombreuses anomalies cytogénétiques, mieux détectées encore par analyse Fish (fluorescence in situ hybridization) : il s'agit principalement d'inversions, de translocations, de réarrangements divers touchant surtout les chromosome 8, 11, 14 et X [3-6]. La caractérisation de certaines anomalies chromosomiques associées à la LPL-T a conduit à l'identification de deux gènes, MTCP1 (mature T cell proliferation) et TCL1 (T cell prolymphocytic leukemia), situés respectivement en Xq28 et 14q32.1, et codant des protéines oncogéniques dont les fonctions sont encore mal connues [6, 8]. Par ailleurs, d'autres hypothèses étiopathogéniques sont à l'étude, notamment le rôle de l'inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs, dont le gène ATM impliqué dans l'ataxie-télangiectasie [4, 6, 8].
Le point de vue du clinicien
La LPL-T est à rapprocher nosologiquement des lymphomes périphériques à cellules T. Elle touche en général des sujets âgés de sexe masculin, et s'accompagne d'une altération de l'état général, ou des conséquences fonctionnelles d'une splénomégalie. La présence d'une rate volumineuse est fréquente (73 % des cas), alors qu'il est plus rare d'observer d'autres types d'organomégalies : hépatomégalie dans 40 % des cas, adénopathies dans 53 % des cas [3]. Des lésions cutanées sont présentes dans 27 % des cas [3].
Histologiquement, la rate est en général massivement envahie par des amas de prolymphocytes. L'atteinte ganglionnaire se traduit par un envahissement hétérogène pseudonodulaire. La moelle osseuse est infiltrée (aspect en amas ou diffus), de même que le foie.
Le diagnostic de LPL-T sera posé après avoir éliminé d'autres diagnostics de syndromes lymphoprolifératifs T moins rares [1] : syndrome de Sézary, leucémie-lymphome de l'adulte liée au virus HTLV1 (en particulier chez les sujets originaires des Antilles), leucémie à grands lymphocytes granuleux. Toutefois, au cours de ces trois pathologies, une splénomégalie massive est rarement observée, et l'hyperleucocytose est souvent inférieure à 100.109/l. Ces lymphomes non hodgkiniens de type T sont épidermotropes et ont leurs caractéristiques propres, non retrouvées dans la LPL-T : érythrodermie pour le syndrome de Sézary, hypercalcémie et infection par le HTLV1 pour la leucémie-lymphome de l'adulte. D'autre part, le marqueur de surface CD7 n'est positif que sur les prolymphocytes T, et les anomalies cytogénétiques (citées plus haut) dans la LPL-T semblent assez spécifiques de cette pathologie.
Le traitement de la LPL-T demeure mal codifié, mais il semble que cette pathologie soit toujours résistante aux agents alkylants, tandis que la splénectomie, les leucophérèses et surtout une polychimiothérapie à base d'anthracyclines peuvent, dans certains cas, permettre d'obtenir une rémission. Dans la série de Matutes et al., la médiane de survie était de 7,5 mois [3]. Trente et un des 78 patients ont été traités par la 2'-déoxycoformycine (pentostatine), un agent analogue nucléosidique : 15 patients ont répondu à ce traitement (3 rémissions complètes et 12 rémissions partielles) ; le taux de réponses était meilleur chez les patients CD4+/CD8- [3]. Au total, la médiane de survie était de 16 mois chez les répondeurs à la déoxycoformycine et de 10 mois chez les non-répondeurs. Dans une série française récente comportant 78 patients, environ un tiers connaissent une période de relative stabilité de leur état clinique et de leur hyperleucocytose à un chiffre modéré (médiane de cette période : 33 mois) ; c'est seulement dans un deuxième temps que la pathologie évolue très rapidement de manière péjorative [4].
REFERENCES
1. Bennett JM, Catovsky D, Daniel MT, et al. Proposals for the classification of chronic (mature) B and T lymphoid leukaemias. French-American-British Cooperative Group. J Clin Pathol 1989 ; 42 : 567-84.
2. Schvidel L, Shtalrid M, Bassous L, Klepfish A, Vorst E, Berrebi A. B-cell prolymphocytic leukaemia : a survey of 35 patients emphasizing heterogeneity prognostic factors and evidence for a group with an indolent course. Leukemia Lymphoma 1999 ; 33 : 169-79.
3. Matutes E, Brito-Babapulle V, Swansbury J, et al. Clinical and laboratory features of 78 cases of T-prolymphocytic leukemia. Blood 1991 ; 78 : 3269-74.
4. Garand R, Goasguen J, Brizard A, et al. Indolent course as a relatively frequent presentation in T-prolymphocytic leukaemia. Groupe français d'hématologie cellulaire. Br J Haematol 1998 ; 103 : 488-94.
5. Flandrin G, Troussard X. Hématologie : cas cliniques illustrés. Cahier de formation Bioforma - Biologie médicale, 1998 ; 10.
6. Maljaei SH, Brito-Babapulle V, Hiorns LR, Catovsky D. Abnormalities of chromosomes 8, 11, 14 and X in T-prolymphocytic leukemia. Cancer Genet Cytogenet 1998 ; 103 : 110-6.
7. Gritti C, Dastot H, Soulier J, et al Transgenic mice for MTCP1 develop T-cell prolymphocytic leukemia. Blood 1998 ; 92 : 368-73.
8. Stoppa-Lyonnet D, Soulier J, Laugé A, et al. Inactivation of the ATM gene in T-cell prolymphocytic leukemias. Blood 1998 ; 91 : 3920-6.
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