Où ceux qui louchent ne sont pas invités

(JIM)
Dr Julie Perrot

Des auteurs suisses ont entrepris d'examiner la discrimination sociale dont pouvaient faire l'objet les enfants atteints de strabisme de la part de leurs camarades, et de déterminer l'âge auquel se manifeste un éventuel rejet.
Ils ont pour ce faire photographié le visage de six enfants indemnes de strabisme, et créé par ordinateur la photo du visage d'un jumeau « vrai » de chacun de ces enfants, mais différant en deux points : la couleur de la chemise, claire ou foncée, et la position des yeux, en associant à chaque photo d'enfant à yeux normaux celle d'un enfant atteint de strabisme, convergent et divergent. Ces photos ont été soumises à 118 enfants (64 filles et 54 garçons), âgés de 7,02 ± 1,99 ans en moyenne, tous indemnes d'atteinte physique, ne louchant pas et ne comptant ni dans leur entourage familial ni parmi leurs amis de personnes atteintes de strabisme, auxquels il a été demandé de choisir, pour chaque paire de jumeaux, lequel ils inviteraient à leur goûter d'anniversaire.
Si les résultats ne révèlent pas, chez les enfants âgés de 4 à 6 ans, de différence significative entre choix d'un invité avec strabisme ou sans, il n'en n'est pas de même après 6 ans.
En effet, à partir de 6 ans, cette étude montre que les enfants choisissent significativement moins souvent d'inviter celui qui louche. Seul l'âge est apparu déterminer significativement le choix, tandis que ni le sexe ni la couleur de la chemise, ni encore le type de strabisme, ne sont apparus avoir une influence significative.
À 6 ans et au-delà, les invitations aux goûters d'anniversaires se font rares chez les enfants atteints de strabisme, et l'acceptation par leurs petits camarades moindre. SM Mojon-Azzi et coll. mettent l'accent sur l'importance du traitement du strabisme avant cet âge, celui de l'entrée en école primaire, non seulement pour le pronostic ophtalmologique mais aussi pour éviter les moqueries et le rejet des autres enfants, la perception négative des enseignants (ces derniers apparaissant, dans certaines études, considérer les enfants atteints de strabisme comme étant en moins bonne santé, moins joyeux et doués de capacités de travail moindres), autant de facteurs susceptibles de retentir défavorablement sur l'éducation et la socialisation de l'enfant.

Mojon-Azzi SM et coll. Strabismus and discrimination in children : Are children with strabismus invited to fewer birthday parties ? Br J Ophthalmol, publication en ligne, 18 août 2010 (doi:10.1136/bjo.2010.185793).