Principaux médicaments
- Corticoïdes systémiques ou par voie locale : prednisone - Cortancyl, prednisolone - Solupred, budésonide - Entocort et Rafton, bétaméthasone - Betnesol solution rectale, hydrocortisone - Colofoam mousse rectale…
- Dérivés 5 - amino-salicylés : aminosalicylate de sodium - Quadrasa (poudre pour solution rectale), mésalazine - Fivasa (comprimés et suppositoires), Pentasa (comprimés, granulés, suppositoires et suspension rectale) et Rowasa (comprimés et suppositoires), olsalazine - Dipentum (comprimés, gélules), sulfasalazine - Salazopyrine (comprimés).
- Immunosuppresseurs : azathioprine - Imurel (groupe des thiopurines), méthotrexate - Méthotrexate Bellon, Métoject.
- Biothérapies (anti-TNF alpha) : adalimumab - Humira, infliximab - Remicade.
Mécanismes d’action
Les corticoïdes, qu’ils soient administrés par voie locale ou générale, sont utilisés pour leurs capacités à diminuer l’inflammation et à déprimer l’immunité à forte dose.
Il en est de même de l’azathioprine (et de la 6-mercaptopurine – Purinéthol, forme active de l’azathioprine), du méthotrexate et des anti-TNF alpha.
L’activité anti-inflammatoire locale des dérivés de la 5-ASA serait liée à la fois à l’inhibition des cyclooxygénases et des lipo-oxygénases.
Dans quelles situations cliniques ?
Les MICI sont représentées par la maladie de Crohn (identifiée en 1932 par un chirurgien américain, Burril Bernard Crohn) et par la rectocolite hémorragique.
Il s’agit de maladies inflammatoires chroniques du tube digestif dont l’origine précise demeure encore en partie mystérieuse, d’où leur qualification de « cryptogénétiques ».
Elles sont caractérisées par une inflammation intestinale chronique, un début entre 15 et 30 ans, une évolution par poussées, prolongée et fluctuante, une absence de traitement curateur et une efficacité thérapeutique suspensive de certains anti-inflammatoires « digestifs », des corticoïdes, d’immunosuppresseurs et d’immunomodulateurs.
Les MICI sont associées à une dysrégulation de la réponse immunitaire muqueuse dirigée contre des éléments de la flore intestinale, avec une stimulation de cellules pro-inflammatoires de la muqueuse intestinale, une activation de voies de transduction aboutissant à une augmentation de la production de médiateurs inflammatoires - comme certaines cytokines - une surexpression de molécules d’adhésion et un recrutement de cellules inflammatoires au sein de la paroi intestinale. S’il semble bien exister une prédisposition génétique (une trentaine de gènes favorisant a été identifiée) les cas proprement familiaux sont très rares.
Des facteurs environnementaux jouent aussi un rôle, à commencer par le tabagisme actif qui est un puissant facteur d’entretien de l’inflammation dans la maladie de Crohn. Bien que le rôle de la microflore digestive fasse l’objet d’importants travaux (mycobactéries atypiques, certains Escherichia coli…), aucun agent infectieux spécifique n’a encore été identifié chez les patients de manière répétée.
Tandis que la maladie de Crohn peut toucher l’ensemble du tube digestif, depuis la bouche jusqu’à l’anus (mais concerne prioritairement l’iléon, le côlon et l’anus), les lésions de la rectocolite hémorragique atteignent constamment le rectum et remontent plus au moins en amont sur le côlon.
Il peut également exister des manifestations extra-digestives, communes à la maladie de Crohn et à la rectocolite hémorragique, qui concerneraient environ 15 % des patients, articulaires, cutanées, oculaires et buccales.
Dans quelles indications ?
Ces médicaments peuvent être utilisés en monothérapie ou en association.
- Prednisone et prednisolonepar voie générale : traitement des poussées de sévérité moyenne à forte (en se limitant à un traitement court, inférieur à 3 mois pour limiter les effets indésirables et le risque d’induire une corticodépendance).
- Corticoïdes par voie locale : rectocolite hémorragique, maladie de Crohn colique.
- Budénoside : considéré comme le traitement de choix des poussées d’intensité modérée à moyenne de la maladie de Crohn, surtout quand les lésions prédominent au niveau iléocaecal ; il expose à peu d’effets systémiques car sa présentation permet une libération ciblée au niveau de l’iléon distal, où il subit un fort effet de premier passage hépatique.
- Thiopurines : atteintes gastroduodénales, atteintes étendues de l’intestin grêle, corticorésistance, corticodépendance, lésions complexes, rechutes. Il s’agit de produits d’action retardée, avec une médiane de l’ordre de 3 mois. Ils peuvent être utilisés en traitement d’attaque et en traitement d’entretien.
- Ciclosporine et tacrolimus : en seconde ligne dans les poussées graves de rectocolite hémorragique.
- 5-ASA : traitement de référence des poussées d’intensité faible à moyenne et traitement de fond de première ligne.
- Olsalazine : traitement d’attaque et d’entretien de la rectocolite hémorragique.
- Mésalazine : comprimés - traitement d’attaque et d’entretien de la rectocolite hémorragique et de la maladie de Crohn ; suppositoires – traitement d’attaque des rectocolites hémorragiques.
- Méthotrexate : corticorésistance, corticodépendance, rechute précoce après corticothérapie, échec ou complications des thiopurines.
- Adalimumab et infliximab : formes étendues, graves, résistantes, de la maladie de Crohn. Ces deux produits peuvent être utilisés successivement en cas de perte d’efficacité.
Posologies recommandées et plans de prise
Le traitement médical vise à obtenir une rémission (traitement d’attaque), puis son maintien (traitement d’entretien).
La rémission endoscopique est habituellement retardée par rapport à la rémission clinique.
Quelques posologies chez l’adulte.
Corticoïdes :
Par voie générale :
- Prednisolone (ou équivalent) : 1 mg/kg/j en traitement d’attaque d’une poussée dans la maladie de Crohn ou 40 mg/j per os dans les poussées non graves de rectocolite hémorragique. Leur emploi est déconseillé en traitement d’entretien (efficacité incertaine et mauvaise tolérance à long terme). Une supplémentation vitamino-calcique est conseillée Une supplémentation en potassium peut être nécessaire en cas de diarrhées abondantes, avec survenue de crampes ou de troubles du rythme cardiaque
Budésonide : en traitement d’attaque, 9 mg en une seule prise le matin pour Entocort et en 3 prises pour Rafton une demi-heure avant les repas (pendant 8 semaines), 6 mg en traitement d’entretien (pendant 9 mois au maximum, avec réduction progressive de la posologie). Les gélules ne doivent être ni croquées, ni mâchées.
[i]Par voie locale :
- Bétaméthasone en solution rectale : 1 lavement par jour, pendant 15 à 20 jours en traitement d’attaque, puis 4 à 6 par mois en traitement d’entretien. De préférence le soir au coucher en conservant le lavement le plus longtemps possible.
- Hydrocortisone en mousse rectale : 1 administration rectale par jour pendant 2 à 3 semaines, puis 1 jour sur 2.
Thiopurines :
- Azathioprine : 2 à 2,5 mg/kg/j en une prise unique quotidienne au cours d’un repas
- 6-mercaptopurine : 1 à 1,5 mg/kg/j
Méthotrexate :
Par voie intramusculaire ou sous-cutanée profonde, 25 mg par semaine en traitement d’attaque, et 15 mg par semaine en traitement d’entretien. Une supplémentation en folates (5 mg une fois par semaine) est recommandée, à distance de l’injection.
5-ASA :
- Olsalazine : 1,5 à 2 - 3 g par jour en 3 à 4 prises régulièrement espacées, pendant ou immédiatement après les repas ; avec une posologie progressivement augmentée afin d’améliorer la tolérance.
- Mésalazine : en comprimés, 1,6 à 3,2 g par jour en traitement d’attaque (4 à 8 semaines), et 0,8 à 1,6 g par jour en traitement d’entretien (pendant 2 ans au maximum), répartis en plusieurs prises par jour au cours des repas. Sous forme granulés (à avaler sans croquer), le traitement peut être initié à la dose de 2 à 4 g par jour. Les suppositoires s’administrent à raison de 2 à 3 par jour (administration après la défécation) pendant 4 semaines.
- Sulfasalazine : 4 à 6 g par jour en traitement d’attaque, espacées en 3 à 6 prises, 2 g par jour en traitement d’entretien.
Anti-TNF alpha :
- Adalimumab : dose initiale de 80 mg par voie sous-cutanée, puis 40 mg toutes les deux semaines.
- Infliximab : ce produit est réservé à l’usage hospitalier. Il s’administre à la dose de 5 mg/kg en perfusion intraveineuse d’une durée de 2 heures, suivie d’une perfusion identique deux semaines après. Chez les patients répondeurs, le produit sera administré de nouveau, à la même dose, 6 semaines après la première perfusion, puis toutes les 8 semaines. Ou bien seulement en cas de réapparition des symptômes.
Surveillance
La surveillance du traitement est essentielle. En voici quelques points clés :
- Corticoïdes systémiques : glycémies à jeun, ostéodensitométrie, examens ophtalmologiques réguliers.
- Thiopurines : NFS-plaquettes, bilan hépatique.
- Méthotrexate : NFS-plaquettes, bilan hépatique, créatininémie.
- 5-ASA : protéinurie, créatininémie.
- Anti-TNF alpha : lors de l’initiation du traitement, il est nécessaire de rechercher et traiter très soigneusement toute infection éventuelle et, notamment de dépister les antécédents de tuberculose (radiographie du thorax, intradermoréaction à la tuberculine ou test in vitro) ; les tuberculoses latentes doivent être traitées.
Quelques cas particuliers
Grossesse et allaitement
Le méthotrexate est formellement contre-indiqué durant la grossesse car il est tératogène. Une contraception doit être poursuivie au moins 3 mois après l’arrêt du produit.
Les dérivés 5-ASA peuvent être utilisés (sauf l’aminosalicylate de sodium, qui est contre-indiqué), à la dose efficace la plus faible possible ; il existe un risque de diarrhée et de rash chez l’enfant allaité (l’innocuité à long terme chez ce dernier n’est pas connue).
Une mère prenant de la sulfasalazine ne doit pas allaiter son enfant avant que celui-ci ait atteint au moins l’âge d’un mois (avant cet âge, risque potentiel d’ictère nucléaire dû à la sulfapyridine, un sulfamide à demi-vie longue engendré par le métabolisme du produit).
Les corticoïdes sont déconseillés au cours de la grossesse (sauf indication impérative) et de l’allaitement.
Par prudence, les anti-TNF alpha ne doivent pas être utilisés au cours de la grossesse et de l’allaitement. Il est conseillé aux femmes souhaitant procréer, de respecter un délai de 5 mois après un traitement par adalimumab et de 6 mois par infliximab. Des délais identiques concernent l’allaitement.
Personnes âgées.
L’aminosalicylate de sodium en solution rectale n’est pas recommandé chez le sujet âgé.
Insuffisance hépatique.
Prudence avec les dérivés 5-ASA et avec le méthotrexate.
Vigilance requise
Contre-indications absolues.
Les corticoïdes ne doivent pas être utilisés en cas d’états infectieux ou mycosiques non contrôlés, au cours des viroses en évolution, d’ulcères gastrique ou duodénal évolutifs, des états psychotiques, de cirrhose alcoolique avec ascite ou d’hépatites aiguës virales.
Le méthotrexate est également tératogène chez l’homme. Une contraception doit être poursuivie au moins 5 mois après l’arrêt du produit. Il ne doit pas être utilisé en cas d’hépatopathie chronique fibrosante. Les insuffisances rénales et respiratoires sévères représentent également des contre-indications.
Les dérivés 5-ASA ne doivent pas être utilisés en cas d’insuffisance rénale ou hépatique graves.
La sulfasalazine est contre-indiquée en cas de déficit en G6PD, en raison d’un risque de déclenchement d’une hémolyse.
Les thiopurines sont contre-indiquées en cas de cancer évolutif et de sida avéré. Un traitement antiviral optimal s’impose en cas d’hépatites C ou B chroniques associées. Elles contre-indiquent aussi les vaccins vivants.
Les effets indésirables qui doivent alerter.
Corticoïdes : ostéoporose, ostéonécrose aseptique, glaucome, cataracte postérieure, risque d’infection sévère.
Thiopurines : nausées et vomissements, surtout en début de traitement, réactions immuno-allergiques (rash, syndrome grippal, fièvre, douleurs articulaires, pancréatite, diarrhée, ictère), toxicité hématologique sévère.
Méthotrexate : nausées, fatigue, céphalées, sensation d’ébriété.
5-ASA : diarrhées (souvent transitoires), éruptions cutanées, douleurs abdominales, nausées, vomissements, dyspepsie, arthralgies, myalgies, néphropathies (exceptionnelles avec les formes rectales), atteinte des lignées sanguines.
Anti-TNF alpha : infections graves, réactions allergiques, lupus, démyélinisation (rare), insuffisance cardiaque, induction de tumeurs (cancers de la peau, peut-être lymphomes).
Interactions médicamenteuses
L’association au méthotrexate de triméthoprime et à l’aspirine est contre-indiquée car il existe un risque de majoration du risque de toxicité hématologique du méthotrexate. Celle aux anti-inflammatoires non stéroïdiens et aux pénicillines est déconseillée.
Prudence en cas d’association d’un corticoïde (même administré par voie rectale) avec des médicaments dont une hypokaliémie représente un facteur de risque (induction de torsades de pointe), comme les digitaliques, l’amiodarone, le bépridil, le sotalol. Prudence également en cas de traitement par anticoagulant oral et chez les diabétiques.
Il existe un risque de majoration de l’effet myélosuppresseur de l’azathioprine ou de la 6-mercaptopurine en cas d’association de ces produits avec la mésalazine.
› PAR DIDIER RODDE, PHARMACOLOGUE
[/i]
- Corticoïdes systémiques ou par voie locale : prednisone - Cortancyl, prednisolone - Solupred, budésonide - Entocort et Rafton, bétaméthasone - Betnesol solution rectale, hydrocortisone - Colofoam mousse rectale…
- Dérivés 5 - amino-salicylés : aminosalicylate de sodium - Quadrasa (poudre pour solution rectale), mésalazine - Fivasa (comprimés et suppositoires), Pentasa (comprimés, granulés, suppositoires et suspension rectale) et Rowasa (comprimés et suppositoires), olsalazine - Dipentum (comprimés, gélules), sulfasalazine - Salazopyrine (comprimés).
- Immunosuppresseurs : azathioprine - Imurel (groupe des thiopurines), méthotrexate - Méthotrexate Bellon, Métoject.
- Biothérapies (anti-TNF alpha) : adalimumab - Humira, infliximab - Remicade.
Mécanismes d’action
Les corticoïdes, qu’ils soient administrés par voie locale ou générale, sont utilisés pour leurs capacités à diminuer l’inflammation et à déprimer l’immunité à forte dose.
Il en est de même de l’azathioprine (et de la 6-mercaptopurine – Purinéthol, forme active de l’azathioprine), du méthotrexate et des anti-TNF alpha.
L’activité anti-inflammatoire locale des dérivés de la 5-ASA serait liée à la fois à l’inhibition des cyclooxygénases et des lipo-oxygénases.
Dans quelles situations cliniques ?
Les MICI sont représentées par la maladie de Crohn (identifiée en 1932 par un chirurgien américain, Burril Bernard Crohn) et par la rectocolite hémorragique.
Il s’agit de maladies inflammatoires chroniques du tube digestif dont l’origine précise demeure encore en partie mystérieuse, d’où leur qualification de « cryptogénétiques ».
Elles sont caractérisées par une inflammation intestinale chronique, un début entre 15 et 30 ans, une évolution par poussées, prolongée et fluctuante, une absence de traitement curateur et une efficacité thérapeutique suspensive de certains anti-inflammatoires « digestifs », des corticoïdes, d’immunosuppresseurs et d’immunomodulateurs.
Les MICI sont associées à une dysrégulation de la réponse immunitaire muqueuse dirigée contre des éléments de la flore intestinale, avec une stimulation de cellules pro-inflammatoires de la muqueuse intestinale, une activation de voies de transduction aboutissant à une augmentation de la production de médiateurs inflammatoires - comme certaines cytokines - une surexpression de molécules d’adhésion et un recrutement de cellules inflammatoires au sein de la paroi intestinale. S’il semble bien exister une prédisposition génétique (une trentaine de gènes favorisant a été identifiée) les cas proprement familiaux sont très rares.
Des facteurs environnementaux jouent aussi un rôle, à commencer par le tabagisme actif qui est un puissant facteur d’entretien de l’inflammation dans la maladie de Crohn. Bien que le rôle de la microflore digestive fasse l’objet d’importants travaux (mycobactéries atypiques, certains Escherichia coli…), aucun agent infectieux spécifique n’a encore été identifié chez les patients de manière répétée.
Tandis que la maladie de Crohn peut toucher l’ensemble du tube digestif, depuis la bouche jusqu’à l’anus (mais concerne prioritairement l’iléon, le côlon et l’anus), les lésions de la rectocolite hémorragique atteignent constamment le rectum et remontent plus au moins en amont sur le côlon.
Il peut également exister des manifestations extra-digestives, communes à la maladie de Crohn et à la rectocolite hémorragique, qui concerneraient environ 15 % des patients, articulaires, cutanées, oculaires et buccales.
Dans quelles indications ?
Ces médicaments peuvent être utilisés en monothérapie ou en association.
- Prednisone et prednisolonepar voie générale : traitement des poussées de sévérité moyenne à forte (en se limitant à un traitement court, inférieur à 3 mois pour limiter les effets indésirables et le risque d’induire une corticodépendance).
- Corticoïdes par voie locale : rectocolite hémorragique, maladie de Crohn colique.
- Budénoside : considéré comme le traitement de choix des poussées d’intensité modérée à moyenne de la maladie de Crohn, surtout quand les lésions prédominent au niveau iléocaecal ; il expose à peu d’effets systémiques car sa présentation permet une libération ciblée au niveau de l’iléon distal, où il subit un fort effet de premier passage hépatique.
- Thiopurines : atteintes gastroduodénales, atteintes étendues de l’intestin grêle, corticorésistance, corticodépendance, lésions complexes, rechutes. Il s’agit de produits d’action retardée, avec une médiane de l’ordre de 3 mois. Ils peuvent être utilisés en traitement d’attaque et en traitement d’entretien.
- Ciclosporine et tacrolimus : en seconde ligne dans les poussées graves de rectocolite hémorragique.
- 5-ASA : traitement de référence des poussées d’intensité faible à moyenne et traitement de fond de première ligne.
- Olsalazine : traitement d’attaque et d’entretien de la rectocolite hémorragique.
- Mésalazine : comprimés - traitement d’attaque et d’entretien de la rectocolite hémorragique et de la maladie de Crohn ; suppositoires – traitement d’attaque des rectocolites hémorragiques.
- Méthotrexate : corticorésistance, corticodépendance, rechute précoce après corticothérapie, échec ou complications des thiopurines.
- Adalimumab et infliximab : formes étendues, graves, résistantes, de la maladie de Crohn. Ces deux produits peuvent être utilisés successivement en cas de perte d’efficacité.
Posologies recommandées et plans de prise
Le traitement médical vise à obtenir une rémission (traitement d’attaque), puis son maintien (traitement d’entretien).
La rémission endoscopique est habituellement retardée par rapport à la rémission clinique.
Quelques posologies chez l’adulte.
Corticoïdes :
Par voie générale :
- Prednisolone (ou équivalent) : 1 mg/kg/j en traitement d’attaque d’une poussée dans la maladie de Crohn ou 40 mg/j per os dans les poussées non graves de rectocolite hémorragique. Leur emploi est déconseillé en traitement d’entretien (efficacité incertaine et mauvaise tolérance à long terme). Une supplémentation vitamino-calcique est conseillée Une supplémentation en potassium peut être nécessaire en cas de diarrhées abondantes, avec survenue de crampes ou de troubles du rythme cardiaque
Budésonide : en traitement d’attaque, 9 mg en une seule prise le matin pour Entocort et en 3 prises pour Rafton une demi-heure avant les repas (pendant 8 semaines), 6 mg en traitement d’entretien (pendant 9 mois au maximum, avec réduction progressive de la posologie). Les gélules ne doivent être ni croquées, ni mâchées.
[i]Par voie locale :
- Bétaméthasone en solution rectale : 1 lavement par jour, pendant 15 à 20 jours en traitement d’attaque, puis 4 à 6 par mois en traitement d’entretien. De préférence le soir au coucher en conservant le lavement le plus longtemps possible.
- Hydrocortisone en mousse rectale : 1 administration rectale par jour pendant 2 à 3 semaines, puis 1 jour sur 2.
Thiopurines :
- Azathioprine : 2 à 2,5 mg/kg/j en une prise unique quotidienne au cours d’un repas
- 6-mercaptopurine : 1 à 1,5 mg/kg/j
Méthotrexate :
Par voie intramusculaire ou sous-cutanée profonde, 25 mg par semaine en traitement d’attaque, et 15 mg par semaine en traitement d’entretien. Une supplémentation en folates (5 mg une fois par semaine) est recommandée, à distance de l’injection.
5-ASA :
- Olsalazine : 1,5 à 2 - 3 g par jour en 3 à 4 prises régulièrement espacées, pendant ou immédiatement après les repas ; avec une posologie progressivement augmentée afin d’améliorer la tolérance.
- Mésalazine : en comprimés, 1,6 à 3,2 g par jour en traitement d’attaque (4 à 8 semaines), et 0,8 à 1,6 g par jour en traitement d’entretien (pendant 2 ans au maximum), répartis en plusieurs prises par jour au cours des repas. Sous forme granulés (à avaler sans croquer), le traitement peut être initié à la dose de 2 à 4 g par jour. Les suppositoires s’administrent à raison de 2 à 3 par jour (administration après la défécation) pendant 4 semaines.
- Sulfasalazine : 4 à 6 g par jour en traitement d’attaque, espacées en 3 à 6 prises, 2 g par jour en traitement d’entretien.
Anti-TNF alpha :
- Adalimumab : dose initiale de 80 mg par voie sous-cutanée, puis 40 mg toutes les deux semaines.
- Infliximab : ce produit est réservé à l’usage hospitalier. Il s’administre à la dose de 5 mg/kg en perfusion intraveineuse d’une durée de 2 heures, suivie d’une perfusion identique deux semaines après. Chez les patients répondeurs, le produit sera administré de nouveau, à la même dose, 6 semaines après la première perfusion, puis toutes les 8 semaines. Ou bien seulement en cas de réapparition des symptômes.
Surveillance
La surveillance du traitement est essentielle. En voici quelques points clés :
- Corticoïdes systémiques : glycémies à jeun, ostéodensitométrie, examens ophtalmologiques réguliers.
- Thiopurines : NFS-plaquettes, bilan hépatique.
- Méthotrexate : NFS-plaquettes, bilan hépatique, créatininémie.
- 5-ASA : protéinurie, créatininémie.
- Anti-TNF alpha : lors de l’initiation du traitement, il est nécessaire de rechercher et traiter très soigneusement toute infection éventuelle et, notamment de dépister les antécédents de tuberculose (radiographie du thorax, intradermoréaction à la tuberculine ou test in vitro) ; les tuberculoses latentes doivent être traitées.
Quelques cas particuliers
Grossesse et allaitement
Le méthotrexate est formellement contre-indiqué durant la grossesse car il est tératogène. Une contraception doit être poursuivie au moins 3 mois après l’arrêt du produit.
Les dérivés 5-ASA peuvent être utilisés (sauf l’aminosalicylate de sodium, qui est contre-indiqué), à la dose efficace la plus faible possible ; il existe un risque de diarrhée et de rash chez l’enfant allaité (l’innocuité à long terme chez ce dernier n’est pas connue).
Une mère prenant de la sulfasalazine ne doit pas allaiter son enfant avant que celui-ci ait atteint au moins l’âge d’un mois (avant cet âge, risque potentiel d’ictère nucléaire dû à la sulfapyridine, un sulfamide à demi-vie longue engendré par le métabolisme du produit).
Les corticoïdes sont déconseillés au cours de la grossesse (sauf indication impérative) et de l’allaitement.
Par prudence, les anti-TNF alpha ne doivent pas être utilisés au cours de la grossesse et de l’allaitement. Il est conseillé aux femmes souhaitant procréer, de respecter un délai de 5 mois après un traitement par adalimumab et de 6 mois par infliximab. Des délais identiques concernent l’allaitement.
Personnes âgées.
L’aminosalicylate de sodium en solution rectale n’est pas recommandé chez le sujet âgé.
Insuffisance hépatique.
Prudence avec les dérivés 5-ASA et avec le méthotrexate.
Vigilance requise
Contre-indications absolues.
Les corticoïdes ne doivent pas être utilisés en cas d’états infectieux ou mycosiques non contrôlés, au cours des viroses en évolution, d’ulcères gastrique ou duodénal évolutifs, des états psychotiques, de cirrhose alcoolique avec ascite ou d’hépatites aiguës virales.
Le méthotrexate est également tératogène chez l’homme. Une contraception doit être poursuivie au moins 5 mois après l’arrêt du produit. Il ne doit pas être utilisé en cas d’hépatopathie chronique fibrosante. Les insuffisances rénales et respiratoires sévères représentent également des contre-indications.
Les dérivés 5-ASA ne doivent pas être utilisés en cas d’insuffisance rénale ou hépatique graves.
La sulfasalazine est contre-indiquée en cas de déficit en G6PD, en raison d’un risque de déclenchement d’une hémolyse.
Les thiopurines sont contre-indiquées en cas de cancer évolutif et de sida avéré. Un traitement antiviral optimal s’impose en cas d’hépatites C ou B chroniques associées. Elles contre-indiquent aussi les vaccins vivants.
Les effets indésirables qui doivent alerter.
Corticoïdes : ostéoporose, ostéonécrose aseptique, glaucome, cataracte postérieure, risque d’infection sévère.
Thiopurines : nausées et vomissements, surtout en début de traitement, réactions immuno-allergiques (rash, syndrome grippal, fièvre, douleurs articulaires, pancréatite, diarrhée, ictère), toxicité hématologique sévère.
Méthotrexate : nausées, fatigue, céphalées, sensation d’ébriété.
5-ASA : diarrhées (souvent transitoires), éruptions cutanées, douleurs abdominales, nausées, vomissements, dyspepsie, arthralgies, myalgies, néphropathies (exceptionnelles avec les formes rectales), atteinte des lignées sanguines.
Anti-TNF alpha : infections graves, réactions allergiques, lupus, démyélinisation (rare), insuffisance cardiaque, induction de tumeurs (cancers de la peau, peut-être lymphomes).
Interactions médicamenteuses
L’association au méthotrexate de triméthoprime et à l’aspirine est contre-indiquée car il existe un risque de majoration du risque de toxicité hématologique du méthotrexate. Celle aux anti-inflammatoires non stéroïdiens et aux pénicillines est déconseillée.
Prudence en cas d’association d’un corticoïde (même administré par voie rectale) avec des médicaments dont une hypokaliémie représente un facteur de risque (induction de torsades de pointe), comme les digitaliques, l’amiodarone, le bépridil, le sotalol. Prudence également en cas de traitement par anticoagulant oral et chez les diabétiques.
Il existe un risque de majoration de l’effet myélosuppresseur de l’azathioprine ou de la 6-mercaptopurine en cas d’association de ces produits avec la mésalazine.
› PAR DIDIER RODDE, PHARMACOLOGUE
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