03/05/11
(JIM)
Dr Julie Perrot
À l'heure où les effets délétères perturbateurs endocriniens du bisphénol A (BPA) sont sous feux de l'actualité, et ses effets neurotoxiques discutés, des auteurs des universités de Washington et d'Harvard, du Cincinnati Children's Hospital, et de Vancouver rapportent un cas clinique de forte exposition prénatale au BPA.
C'est l'histoire d'un bébé, suivi avec sa mère, pendant et après la grossesse au sein de la Health Outcomes and Measures of the Environment(HOME) study, vaste étude ayant suivi prospectivement une cohorte de naissance afin d'examiner les expositions environnementales in utero et néonatales, dont celle au BPA, et leur impact sanitaire, notamment neuro-comportemental, et les source d'exposition. Des dosages urinaires maternels du BPA et des phtalates étaient effectués vers 16 et 26 semaines de grossesse et dans les 24 heures suivant la naissance, ainsi que des dosages sanguins de cotinine et de plomb. Les données démographiques et celles intéressant le mode de vie étaient obtenues par questionnaires à 20 semaines de grossesse, à la naissance puis chaque année jusqu'aux 5 ans des enfants.
L'évaluation neurocomportementale des enfants était effectuée à la naissance, à 1 mois, puis annuellement de l'âge de 1 an à 5 ans, en s'appuyant sur une batterie de tests, notamment le Neonatal intensive care unit Network Neurobehavioral Scale(NNNS).
La mère de l'enfant dont il s'agit ici a eu à 27 semaines de grossesse la concentration urinaire de BPA la plus forte de la cohorte, soit 583 µg/g de créatinine. Parmi les 1 100 échantillons urinaires des 389 participantes la médiane de concentration urinaire de BPA était très inférieure : de 2 µg/g de créatinine. Il ne s'agit pas d'une erreur, une double vérification au National Environmental Health Laboratorydes CDC d'Atlanta confirme le résultat. Les concentrations urinaires de BPA des deux autres dosages effectués se situent, à 16 semaines de grossesse et à la naissance, respectivement aux 84e et 49e percentiles (4,1 et 1,9 µg/g) ; les taux sanguins de plomb et les concentrations urinaires de phtalates étaient entre le 25e et le 84e percentiles, et les taux sanguins de cotinine ne témoignaient pas d'un tabagisme actif.
Cette mère, âgée de 26 ans, avait eu auparavant trois grossesses, un enfant vivant, sans autre antécédents médicaux rapportés, ses examens prénatals ne révélaient ni anomalie de la glycorégulation ni infections ; elle était sans emploi et élevait seule sa fille alors âgée de 4 ans. Ce nouvel enfant est un garçon, né en 2004, à terme, par voies naturelles, sans complication, dont l'examen neuro-comportemental à 14 heures de vie est normal.
Mais au 27e jour de vie, l'évaluation montre une hypertonie du tronc et des extrémités, des yeux « en coucher de soleil », des tremblements, des mouvements athétoïdes des doigts, des pleurs aigus et une irritabilité extrême. Ces signes ont été transitoires, tous les examens annuels suivants, jusqu'à l'âge de 5 ans, ont été notés dans les limites de la normale, et en 2009, la mère déclare que son enfant est scolarisé et bon élève.
L'évaluation des expositions maternelles ne relève pas de consommation de drogues illicites, la mère ne fume pas, et sa consommation d'alcool a été classée occasionnelle, inférieure à un verre par jour les jours de consommation. Une consommation hebdomadaire de 5 canettes de sodas, la prise d'environ 4 repas de fast foods par semaine, une consommation de légumes en conserves et surgelés de 1 à 3 fois par semaine sont notées à l'interview à 22 semaines de grossesse. On ne dispose pas de questionnaire prénatal intéressant les expositions potentielles à 26-27semaines, période du dosage préoccupant, mais à l'interview de 2009, la mère signale avoir mangé des raviolis en conserve tous les jours à cette période de la grossesse. Elle réchauffait aussi les aliments au four à micro-ondes dans des contenants en plastique. Elle n'a pas été exposée professionnellement pendant la grossesse, n'a ni été hospitalisée ni n'a reçu de traitement, et n'a pas eu d'autres soins dentaires que l'extraction d'une dent. La seule installation industrielle, au voisinage de son lieu de résidence, est une usine fabriquant du whisky.
Cette observation, où la concentration urinaire de BPA prise comme indicateur d'exposition dépassait à 27 semaines les concentrations observées dans les études publiées jusque-là en population générale, pose la question d'une relation entre exposition au bisphénol A in utero et survenue d'altérations neuro-comportementales chez l'enfant, ici transitoires, à l'âge d'un mois environ. Les apports fréquents en boissons et aliments en canettes et en conserves, l'utilisation de contenants en plastique pour réchauffer les aliments, sont autant de sources possibles de contribution à la forte exposition au BPA. Les informations auto-rapportées ont cependant pu être entachées de biais de mémoire, la part des expositions à d'autres agents, comme les phtalates, le plomb, le mercure, les pesticides, reste à préciser, l'impact des faibles revenus aussi ; des études complémentaires sont nécessaires pour éclaircir les données observées. Mais les auteurs prônent dès maintenant l'éducation, portant sur les emballages et contenants des boissons et aliments, leur exposition à la chaleur, afin de réduire au minimum l'exposition au bisphénol A, en particulier pendant la grossesse.
Sathyanarayana S et coll. A case study of high prenatal bisphenol A exposure and infant neonatal neurobehavior. Environ Health Perspect, Publication avancée en ligne, 27 avril 2011 (doi : 10.1289/EHP.1003064).
(JIM)
Dr Julie Perrot
À l'heure où les effets délétères perturbateurs endocriniens du bisphénol A (BPA) sont sous feux de l'actualité, et ses effets neurotoxiques discutés, des auteurs des universités de Washington et d'Harvard, du Cincinnati Children's Hospital, et de Vancouver rapportent un cas clinique de forte exposition prénatale au BPA.
C'est l'histoire d'un bébé, suivi avec sa mère, pendant et après la grossesse au sein de la Health Outcomes and Measures of the Environment(HOME) study, vaste étude ayant suivi prospectivement une cohorte de naissance afin d'examiner les expositions environnementales in utero et néonatales, dont celle au BPA, et leur impact sanitaire, notamment neuro-comportemental, et les source d'exposition. Des dosages urinaires maternels du BPA et des phtalates étaient effectués vers 16 et 26 semaines de grossesse et dans les 24 heures suivant la naissance, ainsi que des dosages sanguins de cotinine et de plomb. Les données démographiques et celles intéressant le mode de vie étaient obtenues par questionnaires à 20 semaines de grossesse, à la naissance puis chaque année jusqu'aux 5 ans des enfants.
L'évaluation neurocomportementale des enfants était effectuée à la naissance, à 1 mois, puis annuellement de l'âge de 1 an à 5 ans, en s'appuyant sur une batterie de tests, notamment le Neonatal intensive care unit Network Neurobehavioral Scale(NNNS).
La mère de l'enfant dont il s'agit ici a eu à 27 semaines de grossesse la concentration urinaire de BPA la plus forte de la cohorte, soit 583 µg/g de créatinine. Parmi les 1 100 échantillons urinaires des 389 participantes la médiane de concentration urinaire de BPA était très inférieure : de 2 µg/g de créatinine. Il ne s'agit pas d'une erreur, une double vérification au National Environmental Health Laboratorydes CDC d'Atlanta confirme le résultat. Les concentrations urinaires de BPA des deux autres dosages effectués se situent, à 16 semaines de grossesse et à la naissance, respectivement aux 84e et 49e percentiles (4,1 et 1,9 µg/g) ; les taux sanguins de plomb et les concentrations urinaires de phtalates étaient entre le 25e et le 84e percentiles, et les taux sanguins de cotinine ne témoignaient pas d'un tabagisme actif.
Cette mère, âgée de 26 ans, avait eu auparavant trois grossesses, un enfant vivant, sans autre antécédents médicaux rapportés, ses examens prénatals ne révélaient ni anomalie de la glycorégulation ni infections ; elle était sans emploi et élevait seule sa fille alors âgée de 4 ans. Ce nouvel enfant est un garçon, né en 2004, à terme, par voies naturelles, sans complication, dont l'examen neuro-comportemental à 14 heures de vie est normal.
Mais au 27e jour de vie, l'évaluation montre une hypertonie du tronc et des extrémités, des yeux « en coucher de soleil », des tremblements, des mouvements athétoïdes des doigts, des pleurs aigus et une irritabilité extrême. Ces signes ont été transitoires, tous les examens annuels suivants, jusqu'à l'âge de 5 ans, ont été notés dans les limites de la normale, et en 2009, la mère déclare que son enfant est scolarisé et bon élève.
L'évaluation des expositions maternelles ne relève pas de consommation de drogues illicites, la mère ne fume pas, et sa consommation d'alcool a été classée occasionnelle, inférieure à un verre par jour les jours de consommation. Une consommation hebdomadaire de 5 canettes de sodas, la prise d'environ 4 repas de fast foods par semaine, une consommation de légumes en conserves et surgelés de 1 à 3 fois par semaine sont notées à l'interview à 22 semaines de grossesse. On ne dispose pas de questionnaire prénatal intéressant les expositions potentielles à 26-27semaines, période du dosage préoccupant, mais à l'interview de 2009, la mère signale avoir mangé des raviolis en conserve tous les jours à cette période de la grossesse. Elle réchauffait aussi les aliments au four à micro-ondes dans des contenants en plastique. Elle n'a pas été exposée professionnellement pendant la grossesse, n'a ni été hospitalisée ni n'a reçu de traitement, et n'a pas eu d'autres soins dentaires que l'extraction d'une dent. La seule installation industrielle, au voisinage de son lieu de résidence, est une usine fabriquant du whisky.
Cette observation, où la concentration urinaire de BPA prise comme indicateur d'exposition dépassait à 27 semaines les concentrations observées dans les études publiées jusque-là en population générale, pose la question d'une relation entre exposition au bisphénol A in utero et survenue d'altérations neuro-comportementales chez l'enfant, ici transitoires, à l'âge d'un mois environ. Les apports fréquents en boissons et aliments en canettes et en conserves, l'utilisation de contenants en plastique pour réchauffer les aliments, sont autant de sources possibles de contribution à la forte exposition au BPA. Les informations auto-rapportées ont cependant pu être entachées de biais de mémoire, la part des expositions à d'autres agents, comme les phtalates, le plomb, le mercure, les pesticides, reste à préciser, l'impact des faibles revenus aussi ; des études complémentaires sont nécessaires pour éclaircir les données observées. Mais les auteurs prônent dès maintenant l'éducation, portant sur les emballages et contenants des boissons et aliments, leur exposition à la chaleur, afin de réduire au minimum l'exposition au bisphénol A, en particulier pendant la grossesse.
Sathyanarayana S et coll. A case study of high prenatal bisphenol A exposure and infant neonatal neurobehavior. Environ Health Perspect, Publication avancée en ligne, 27 avril 2011 (doi : 10.1289/EHP.1003064).
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