En dépit des moyens importants alloués, le rendement reste
faible. La qualité est encore défaillante, les mauvaises conditions
d’accueil et de séjour des malades, la pénurie de médicaments et les
longues attentes au niveau des plateaux techniques ; on parle beaucoup
et on ne fait rien. Nous avons assisté à un effet de déplacement des
ressources humaines informellement du public vers le privé. Il est
temps de formaliser cette relation informelle. Notre système
d’assurance est en crise…
La gestion de ces caisses durant ces dernières années en dit long…
En cinq années, de 1999 à 2005, les dépenses de santé ont connu un
excédent de 100%. Sur les 5 milliards de dollars alloués à ce secteur
en 2005, 65% sont destinés aux ressources humaines, 20% pour les
médicaments et 15% pour les équipements … (sic)» Ce ne sont là que
quelques extraits du réquisitoire historique fait par notre ex-ministre
des Finances, Abdelatif Benachenhou, lors de la rencontre
euro-méditerranéenne, tenue le 9 avril 2005 à Alger. Bien que cette
situation, objectivement décrite depuis plus de six années, ait été
suivie après trois semaines, le 1er mai 2005, d’un changement du
gouvernement avec le départ du ministre de la Santé ; cela n’a guère
amélioré les prestations de ce secteur. Ce tableau noir demeure
toujours d’actualité : mauvaises conditions de la pratique médicale;
prise en charge défaillante des pathologies lourdes (cancer,
insuffisance rénale, polytraumatisés...) et/ou chroniques (hypertension
artérielle et ses complications cardiovasculaires, diabète et ses
complications dégénératives, fatigue nerveuse), réémergence des
maladies liées à la pauvreté (tuberculose; MTH, leishmaniose, hépatites
virales) ou même contrôlables par la vaccination (rougeole) ; pénuries
fréquentes de médicaments trop chers et très faible production des
génériques (30% seulement en 2010), dégradation alarmante de l’hygiène
générale dans nos hôpitaux, dont la plupart sont devenus de véritables
chantiers. Un marasme généralisé, qui n’a épargné ni le médecin ni le
malade, et qui a fait perdre au citoyen la confiance dans le système de
santé de son pays. Il ne s’agit là que de quelques symptômes de l’échec
de notre politique de santé. Il serait dangereux de ne pas voir la
réalité en face, de nier l’évidence et de réduire cette détresse
généralisée à une simple grève passagère des résidents pour une
divergence de points de vue sur l’obligation d’un service civil. Le mal
est beaucoup plus profond ! Vainement décriée depuis plus de deux
décennies (El Moudjahid du 16/10/1991, EI Watan des 11,12,13 juin 2004,
8/9/2004, 2/11/2005, 4/6/2006, 3/9/2006, 6/12/2007 ; Le Soir d’Algérie
du 11/07/2006 ; conférence de presse du 19/11/2007 ; EI Chââb du
24/01/2011), cette faillite de notre politique de santé n’est ni le
fait du hasard ni le fruit de l’incompétence, elle a été soigneusement
programmée.
Les faits :
Une désorganisation préméditée
Avril 1981 : organisation incomplète et illogique de
l’administration centrale du ministère de la Santé (décrets n°81-66 du
18 avril 1981 ; complémentaire n°83-557 du 8 octobre 1983 ; n°85-133 du
21 mai 1985). Trois décrets portant organisation et fonctionnement de
cette administration en quatre années ! Plusieurs autres organigrammes
se succéderont pour remettre à chaque fois en question l’organisation
existante. Or, il est prouvé que la multiplication des textes est un
facteur déterminant pour la déstabilisation d’une institution. Qui
parmi les 25 ministres qui se sont succédé dans ce secteur depuis
l’indépendance n’a pas souhaité, essayé et/ou obtenu «son propre
organigramme» ? L’organigramme version 2011, avec 4 directions
générales et 43 directions, est à l’heure actuelle au niveau de la
Fonction publique et c’est la principale préoccupation des responsables
de l’administration centrale du MSPRH.
Des disparités régionales officialisées
Septembre 1981 : Création des secteurs sanitaires (SS): structure la
plus importante (hôpital) autour de laquelle gravitent toutes
structures de santé situées dans une aire géographique déterminé
(daïra) et ensemble de la population qui réside dans cet espace (décret
n°242-25 du 5 septembre 1981).
Février 1986 : sans donner le temps
de recul nécessaire pour évaluer objectivement cette organisation en
SS, qui a pourtant fait ses preuves d’efficacité dans bon nombre de
pays, on créa les centres hospitalo-universitaires (CHU) par décret
n°86-25 du 11 février 1986. L’amélioration de la qualité des
prestations de soins et la formation de pointe étaient les principaux
arguments avancés par les partisans de ces CHU, dont la création n’a
jamais fait l’unanimité. On paye très cher, à ce jour, le «prestige» de
cette dénomination de «CHU», dont le seul mérite est la surconsommation
budgétaire. Il y eut des années où les crédits alloués aux 13 CHU
implantés dans seulement 10 wilayas (4 à Alger, et un à Oran, Tlemcen,
Sidi Bel Abbès, Blida, Tizi Ouzou, Sétif, Constantine, Annaba et Batna)
dépasseront le 1/3 du budget global de la santé, alors que les 216
structures restantes -185 SS + 32 établissements hospitaliers
spécialisés (EHS) - implantés dans toutes les wilayas du pays, se
partageront le reste.
On balaya d’un coup de plume les énormes avantages que procuraient
les SS qui répondaient harmonieusement à tous nos besoins, aussi bien
de soins que de formation. Un SS par daïra assurait : (1°) - des soins
accessibles à tous les citoyens ; (2°) - des soins hiérarchisés,
puisque c’est le médecin généraliste qui voit en premier lieu le
malade, le prend en charge et décide éventuellement de l’adresser chez
le spécialiste (c’est le circuit obligatoire imposé ces dernières
années par la sécurité sociale en France pour des impératifs
économiques !) ; (3°) - une formation de qualité, vu qu’il ne pouvait
être érigé en secteur sanitaire universitaire (SSU) que lorsque les
capacités de formation médicale étaient réunies. Outre la couverture
sanitaire de tout le pays, l’augmentation considérable de nos capacités
pédagogiques et la systématisation de la hiérarchie administrative ; le
respect du découpage administratif national (1 SS/daïra) encourage la
participation des collectivités locales au financement des dépenses de
santé pour leur région, ce qui est fondamental pour la promotion de la
santé et le développement socio-économique. Alors que la population
générale a doublé au cours des trois dernières décennies (22 millions
en 1982), que les effectifs médicaux se sont multipliés, que toutes les
études épidémiologiques montrent une progression alarmante de certaines
pathologies lourdes, notre réalité sur le terrain est bien triste. Des
daïras aussi peuplées que Dar EI Beida ne disposent même pas d’un SS,
des unités de base implantées dans une daïra sont gérées par le SS
d’une autre, au sein de certains SS et EHS - statutairement non
universitaires - des services et même seulement des individus, sont
universitaires et d’autres non, et il n’y a pratiquement plus
d’étudiants en médecine dans ces SS, alors que, normalement, c’est au
niveau de ces polycliniques et centres de santé, que ces étudiants
doivent débuter par l’acquisition des soins infirmiers avant d’entrer
dans les hôpitaux universitaires. Dans des CHU (même de la capitale),
des services manquent pour les spécialités les plus demandées
(cardiologie, endocrinologie, oncologie, néphrologie, chirurgie
générale, traumatologie...) alors que des professeurs se bousculent
dans certains services, des spécialistes de santé publique participent
à la formation médicale sans être rémunérés pour cette tâche, plus de
deux mille anciens maîtres assistants n’ont pas pu progresser dans leur
carrière, et des étudiants ne font presque plus de stages pratiques
pour certains modules, à cause des sureffectifs et de la surcharge des
services.
Sont-ce les prestations de qualité des partisans des CHU ? Nous
sommes restés figés durant plus d’un quart de siècle dans 13 CHU, et
dans pratiquement les mêmes services hospitalo-universitaires de 1986.
Pourquoi ? Nous pouvions pourtant plus que tripler nos capacités
pédagogiques, et donc améliorer considérablement la qualité de nos
soins et de notre formation, qualité constamment réclamée par le
citoyen et revendiquée à chaque mouvement de protestation par les
professionnels de ce secteur. A Alger, il y a aujourd’hui 13 daïras, et
c’est donc 13 SSU que nous aurions dû avoir, au lieu des 4 CHU actuels.
Quel gâchis !
Mai 2007 : création des établissements publics
hospitaliers et des établissements publics de santé de proximité ( ?)
deux entités par un seul texte (décret exécutif n°07/140 du 19 mai
2007), texte tellement flou et illogique, que son application sur le
terrain est pratiquement impossible. C’est l’achèvement de la
désintégration du système de santé et le coup de grâce pour les soins
de santé de base. Le 30e Congrès maghrébin de médecine et de chirurgie
a eu lieu à Casablanca, du 5 au 9 juin 2001, et a eu pour thème
principal : «Les Réformes de santé au Maghreb».
Après présentation en plénière des rapports des trois pays (Maroc,
Tunisie, Algérie), le docteur Charles Boel, du département des
ressources humaines de l’OMS, un expert international en fin de
carrière, ouvrit les débats catastrophé: «Je voudrais m’adresser à
notre ami le représentant de l’Algérie, vous aviez une organisation
sanitaire excellente en SS et SSU, qui a fait ses preuves d’efficacité
dans tous les pays où elle a été appliquée, pourquoi diable l’avez-vous
changée (sic) ?»
Des réformes illusoires
A ce jour, un secteur aussi vital pour le pays est encore géré selon
les dispositions d’une loi promulguée dans un tout autre contexte
politique et socioéconomique de gratuité des soins et d’économie
dirigée, depuis 1985 ; alors que cinq ministres se sont déjà succédé
sur un projet de loi initié en 2002 et qui est toujours au stade de
projet ! Pourquoi ? Jusqu’à quand ? Peut-être après l’organigramme de
2011, qui semble beaucoup plus important ?
Il est de notoriété
publique qu’une réforme, dans n’importe quel domaine que ce soit, est
censée être limitée dans le temps. Or, à ce jour, après neuf années et
la succession de 5 ministres de la Santé, nos fameuses réformes
hospitalières, qui ont fait changer au ministère de la Santé et de la
Population sa dénomination de MSP, pour devenir en 2002 le ministère de
la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière (MSPRH) sont
toujours au stade «on va faire». Pour le citoyen, rien n’a changé !
Un financement insuffisant, sans contrôle ni évaluation
La santé est un domaine où les dépenses n’ont pas de plafond. On
peut toujours mieux faire. Malgré les efforts considérables consentis
par l’Etat en matière de besoins de santé, le financement des dépenses
de santé reste en dessous des capacités nationales, et même trop
faibles par rapport aux données comparatives de nos voisins : Voir le
tableau ci-dessous
Les propos tenus à Paris, par un éminent
professeur français en 2007, sont à méditer : «Vous n’êtes ni le Maroc
ni la Tunisie, vous avez les capacités d’avoir dix hôpitaux comme le
George Pompidou (sic).»
Mars 2004 : le ministre de la Santé déclare, devant la presse : «Nous
avons débloqué une enveloppe de cent milliards de dinars pour éponger
principalement de dette des 13 CHU.» (Liberté du 23 mars 2004)
Malheureusement, aucun de nos perspicaces journalistes n’a eu la
curiosité professionnelle de l’interroger sur l’origine de cette énorme
dette, ou si cette nouvelle et consistante enveloppe sera encore
offerte aux même gestionnaires concepteurs de cette dette. Le citoyen
n’est-il pas alors en droit de s’inquiéter sur la situation du contrôle
et de l’évaluation de ces dépenses destinées à la préservation de sa
santé et de sa vie ? On efface tout et on recommence encore à zéro
Octobre 2010 : Le gouvernement a rattrapé un retard de 28 ans en se
dotant d’une loi de règlement budgétaire (la dernière remonte à 1982),
la seule capable de contrôler les dépenses décidées chaque année par la
loi de finances et la loi de finances complémentaire (EI Watan du
1110/2010). Mais, la commission ministérielle chargée de l’élaboration
des comptes nationaux de la santé (créée par décision ministérielle
n°82/MSPRH/MIN du 9 décembre 2002), s’est limitée à la publication de
son premier rapport en 2003. Depuis, plus rien ! Pourquoi ? Comment
vont alors faire les deux chambres parlementaires pour remplir leur
obligation constitutionnelle et contrôler les dépenses de santé : «Le
gouvernement rend compte à chaque chambre du Parlement, de
l’utilisation des crédits budgétaires qu’elle lui a votés pour chaque
exercice budgétaire. L’exercice est clos en ce qui concerne le
Parlement, par le vote par chacune des chambres d’une loi portant
règlement budgétaire pour l’exercice considéré» (article 160 de la
Constitution) ?
Des violations délibérées de la constitution et des textes qui en découlent
Juin 1997 : l’Arrêt de la Cour suprême, n°161718 du 8 juin 1997, est
notifié au ministère de la Santé, dans sa forme exécutoire, par un
huissier de justice, le 1er octobre 1997. A ce jour, huit ministres de
la Santé se sont succédé sur l’inexécution de cette décision prononcée
par la plus haute instance judiciaire du pays depuis 14 ans.
Juillet 2001 : quatre arrêts interministériels et ministériels relatifs
à cette exécution sont abusivement bloqués chez le DRH du MSPRH depuis
2001 à ce jour (arrêtés des 26/06/2001, 31/12/2001, 06/03/2002,
21/09/2002).
Avril 2007 : des décisions irrégulières sont délibérément établies le
15/04/2007, avec la bénédiction du DRH du MSPRH, pour arrêter
abusivement la rémunération d’un professeur hospitalo-universitaire, et
sont toujours en vigueur à ce jour (décisions n° 1084 et 1086/DG/CHU
Blida).
Mars 2009 : le ministre de la Santé (le Dr Barkat) ordonne, par
écrit, le 24 mars 2009, l’exécution de l’arrêt de la Cour suprême, mais
se heurte au refus du DRH du MSPRH. Après un bras de fer qui dura 14
mois avec son subordonné, il quitta le ministère, vaincu.
Juin 2010
: dès son arrivée, le ministre de la Santé actuel donna les mêmes
instructions que son prédécesseur… Après dix mois de persévérance, il
réussit à se faire établir deux arrêtés pour l’exécution de l’arrêt de
la Cour suprême. Malheureusement, il se rendit tardivement compte que
ces «arrêtés» (n°07 et 08/MIN du 20 février 2011), que lui a fait
signer son DRH, sont inapplicables et ne sont en fait qu’un leurre pour
gagner du temps, en attendant le prochain ministre. Tous les courriers
émanant des plus hautes autorités du pays (présidence de la République,
Premier ministère, Ministres...), pour faire respecter la loi et
exécuter cette décision de justice demeurent, à ce jour, lettre morte
dans les archives du DRH du MSPRH. En poste depuis 2005, ce dernier use
et abuse des prérogatives liées à sa fonction, gère à sa manière les
carrières de tous les professionnels de la Santé. Il a déjà consommé
trois ministres et se prépare pour le 4e. Peu importe pour lui les
protestations et les mouvements de grève, l’essentiel est qu’il reste
au-dessus des lois de la République. Qui est derrière ce super «commis
de l’Etat» ?
*Professeur hospitalo-universitaire au CHU Mustapha-Juriste
Abdelwahab Bengounia
Elwatan
faible. La qualité est encore défaillante, les mauvaises conditions
d’accueil et de séjour des malades, la pénurie de médicaments et les
longues attentes au niveau des plateaux techniques ; on parle beaucoup
et on ne fait rien. Nous avons assisté à un effet de déplacement des
ressources humaines informellement du public vers le privé. Il est
temps de formaliser cette relation informelle. Notre système
d’assurance est en crise…
La gestion de ces caisses durant ces dernières années en dit long…
En cinq années, de 1999 à 2005, les dépenses de santé ont connu un
excédent de 100%. Sur les 5 milliards de dollars alloués à ce secteur
en 2005, 65% sont destinés aux ressources humaines, 20% pour les
médicaments et 15% pour les équipements … (sic)» Ce ne sont là que
quelques extraits du réquisitoire historique fait par notre ex-ministre
des Finances, Abdelatif Benachenhou, lors de la rencontre
euro-méditerranéenne, tenue le 9 avril 2005 à Alger. Bien que cette
situation, objectivement décrite depuis plus de six années, ait été
suivie après trois semaines, le 1er mai 2005, d’un changement du
gouvernement avec le départ du ministre de la Santé ; cela n’a guère
amélioré les prestations de ce secteur. Ce tableau noir demeure
toujours d’actualité : mauvaises conditions de la pratique médicale;
prise en charge défaillante des pathologies lourdes (cancer,
insuffisance rénale, polytraumatisés...) et/ou chroniques (hypertension
artérielle et ses complications cardiovasculaires, diabète et ses
complications dégénératives, fatigue nerveuse), réémergence des
maladies liées à la pauvreté (tuberculose; MTH, leishmaniose, hépatites
virales) ou même contrôlables par la vaccination (rougeole) ; pénuries
fréquentes de médicaments trop chers et très faible production des
génériques (30% seulement en 2010), dégradation alarmante de l’hygiène
générale dans nos hôpitaux, dont la plupart sont devenus de véritables
chantiers. Un marasme généralisé, qui n’a épargné ni le médecin ni le
malade, et qui a fait perdre au citoyen la confiance dans le système de
santé de son pays. Il ne s’agit là que de quelques symptômes de l’échec
de notre politique de santé. Il serait dangereux de ne pas voir la
réalité en face, de nier l’évidence et de réduire cette détresse
généralisée à une simple grève passagère des résidents pour une
divergence de points de vue sur l’obligation d’un service civil. Le mal
est beaucoup plus profond ! Vainement décriée depuis plus de deux
décennies (El Moudjahid du 16/10/1991, EI Watan des 11,12,13 juin 2004,
8/9/2004, 2/11/2005, 4/6/2006, 3/9/2006, 6/12/2007 ; Le Soir d’Algérie
du 11/07/2006 ; conférence de presse du 19/11/2007 ; EI Chââb du
24/01/2011), cette faillite de notre politique de santé n’est ni le
fait du hasard ni le fruit de l’incompétence, elle a été soigneusement
programmée.
Les faits :
Une désorganisation préméditée
Avril 1981 : organisation incomplète et illogique de
l’administration centrale du ministère de la Santé (décrets n°81-66 du
18 avril 1981 ; complémentaire n°83-557 du 8 octobre 1983 ; n°85-133 du
21 mai 1985). Trois décrets portant organisation et fonctionnement de
cette administration en quatre années ! Plusieurs autres organigrammes
se succéderont pour remettre à chaque fois en question l’organisation
existante. Or, il est prouvé que la multiplication des textes est un
facteur déterminant pour la déstabilisation d’une institution. Qui
parmi les 25 ministres qui se sont succédé dans ce secteur depuis
l’indépendance n’a pas souhaité, essayé et/ou obtenu «son propre
organigramme» ? L’organigramme version 2011, avec 4 directions
générales et 43 directions, est à l’heure actuelle au niveau de la
Fonction publique et c’est la principale préoccupation des responsables
de l’administration centrale du MSPRH.
Des disparités régionales officialisées
Septembre 1981 : Création des secteurs sanitaires (SS): structure la
plus importante (hôpital) autour de laquelle gravitent toutes
structures de santé situées dans une aire géographique déterminé
(daïra) et ensemble de la population qui réside dans cet espace (décret
n°242-25 du 5 septembre 1981).
Février 1986 : sans donner le temps
de recul nécessaire pour évaluer objectivement cette organisation en
SS, qui a pourtant fait ses preuves d’efficacité dans bon nombre de
pays, on créa les centres hospitalo-universitaires (CHU) par décret
n°86-25 du 11 février 1986. L’amélioration de la qualité des
prestations de soins et la formation de pointe étaient les principaux
arguments avancés par les partisans de ces CHU, dont la création n’a
jamais fait l’unanimité. On paye très cher, à ce jour, le «prestige» de
cette dénomination de «CHU», dont le seul mérite est la surconsommation
budgétaire. Il y eut des années où les crédits alloués aux 13 CHU
implantés dans seulement 10 wilayas (4 à Alger, et un à Oran, Tlemcen,
Sidi Bel Abbès, Blida, Tizi Ouzou, Sétif, Constantine, Annaba et Batna)
dépasseront le 1/3 du budget global de la santé, alors que les 216
structures restantes -185 SS + 32 établissements hospitaliers
spécialisés (EHS) - implantés dans toutes les wilayas du pays, se
partageront le reste.
On balaya d’un coup de plume les énormes avantages que procuraient
les SS qui répondaient harmonieusement à tous nos besoins, aussi bien
de soins que de formation. Un SS par daïra assurait : (1°) - des soins
accessibles à tous les citoyens ; (2°) - des soins hiérarchisés,
puisque c’est le médecin généraliste qui voit en premier lieu le
malade, le prend en charge et décide éventuellement de l’adresser chez
le spécialiste (c’est le circuit obligatoire imposé ces dernières
années par la sécurité sociale en France pour des impératifs
économiques !) ; (3°) - une formation de qualité, vu qu’il ne pouvait
être érigé en secteur sanitaire universitaire (SSU) que lorsque les
capacités de formation médicale étaient réunies. Outre la couverture
sanitaire de tout le pays, l’augmentation considérable de nos capacités
pédagogiques et la systématisation de la hiérarchie administrative ; le
respect du découpage administratif national (1 SS/daïra) encourage la
participation des collectivités locales au financement des dépenses de
santé pour leur région, ce qui est fondamental pour la promotion de la
santé et le développement socio-économique. Alors que la population
générale a doublé au cours des trois dernières décennies (22 millions
en 1982), que les effectifs médicaux se sont multipliés, que toutes les
études épidémiologiques montrent une progression alarmante de certaines
pathologies lourdes, notre réalité sur le terrain est bien triste. Des
daïras aussi peuplées que Dar EI Beida ne disposent même pas d’un SS,
des unités de base implantées dans une daïra sont gérées par le SS
d’une autre, au sein de certains SS et EHS - statutairement non
universitaires - des services et même seulement des individus, sont
universitaires et d’autres non, et il n’y a pratiquement plus
d’étudiants en médecine dans ces SS, alors que, normalement, c’est au
niveau de ces polycliniques et centres de santé, que ces étudiants
doivent débuter par l’acquisition des soins infirmiers avant d’entrer
dans les hôpitaux universitaires. Dans des CHU (même de la capitale),
des services manquent pour les spécialités les plus demandées
(cardiologie, endocrinologie, oncologie, néphrologie, chirurgie
générale, traumatologie...) alors que des professeurs se bousculent
dans certains services, des spécialistes de santé publique participent
à la formation médicale sans être rémunérés pour cette tâche, plus de
deux mille anciens maîtres assistants n’ont pas pu progresser dans leur
carrière, et des étudiants ne font presque plus de stages pratiques
pour certains modules, à cause des sureffectifs et de la surcharge des
services.
Sont-ce les prestations de qualité des partisans des CHU ? Nous
sommes restés figés durant plus d’un quart de siècle dans 13 CHU, et
dans pratiquement les mêmes services hospitalo-universitaires de 1986.
Pourquoi ? Nous pouvions pourtant plus que tripler nos capacités
pédagogiques, et donc améliorer considérablement la qualité de nos
soins et de notre formation, qualité constamment réclamée par le
citoyen et revendiquée à chaque mouvement de protestation par les
professionnels de ce secteur. A Alger, il y a aujourd’hui 13 daïras, et
c’est donc 13 SSU que nous aurions dû avoir, au lieu des 4 CHU actuels.
Quel gâchis !
Mai 2007 : création des établissements publics
hospitaliers et des établissements publics de santé de proximité ( ?)
deux entités par un seul texte (décret exécutif n°07/140 du 19 mai
2007), texte tellement flou et illogique, que son application sur le
terrain est pratiquement impossible. C’est l’achèvement de la
désintégration du système de santé et le coup de grâce pour les soins
de santé de base. Le 30e Congrès maghrébin de médecine et de chirurgie
a eu lieu à Casablanca, du 5 au 9 juin 2001, et a eu pour thème
principal : «Les Réformes de santé au Maghreb».
Après présentation en plénière des rapports des trois pays (Maroc,
Tunisie, Algérie), le docteur Charles Boel, du département des
ressources humaines de l’OMS, un expert international en fin de
carrière, ouvrit les débats catastrophé: «Je voudrais m’adresser à
notre ami le représentant de l’Algérie, vous aviez une organisation
sanitaire excellente en SS et SSU, qui a fait ses preuves d’efficacité
dans tous les pays où elle a été appliquée, pourquoi diable l’avez-vous
changée (sic) ?»
Des réformes illusoires
A ce jour, un secteur aussi vital pour le pays est encore géré selon
les dispositions d’une loi promulguée dans un tout autre contexte
politique et socioéconomique de gratuité des soins et d’économie
dirigée, depuis 1985 ; alors que cinq ministres se sont déjà succédé
sur un projet de loi initié en 2002 et qui est toujours au stade de
projet ! Pourquoi ? Jusqu’à quand ? Peut-être après l’organigramme de
2011, qui semble beaucoup plus important ?
Il est de notoriété
publique qu’une réforme, dans n’importe quel domaine que ce soit, est
censée être limitée dans le temps. Or, à ce jour, après neuf années et
la succession de 5 ministres de la Santé, nos fameuses réformes
hospitalières, qui ont fait changer au ministère de la Santé et de la
Population sa dénomination de MSP, pour devenir en 2002 le ministère de
la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière (MSPRH) sont
toujours au stade «on va faire». Pour le citoyen, rien n’a changé !
Un financement insuffisant, sans contrôle ni évaluation
La santé est un domaine où les dépenses n’ont pas de plafond. On
peut toujours mieux faire. Malgré les efforts considérables consentis
par l’Etat en matière de besoins de santé, le financement des dépenses
de santé reste en dessous des capacités nationales, et même trop
faibles par rapport aux données comparatives de nos voisins : Voir le
tableau ci-dessous
Les propos tenus à Paris, par un éminent
professeur français en 2007, sont à méditer : «Vous n’êtes ni le Maroc
ni la Tunisie, vous avez les capacités d’avoir dix hôpitaux comme le
George Pompidou (sic).»
Mars 2004 : le ministre de la Santé déclare, devant la presse : «Nous
avons débloqué une enveloppe de cent milliards de dinars pour éponger
principalement de dette des 13 CHU.» (Liberté du 23 mars 2004)
Malheureusement, aucun de nos perspicaces journalistes n’a eu la
curiosité professionnelle de l’interroger sur l’origine de cette énorme
dette, ou si cette nouvelle et consistante enveloppe sera encore
offerte aux même gestionnaires concepteurs de cette dette. Le citoyen
n’est-il pas alors en droit de s’inquiéter sur la situation du contrôle
et de l’évaluation de ces dépenses destinées à la préservation de sa
santé et de sa vie ? On efface tout et on recommence encore à zéro
Octobre 2010 : Le gouvernement a rattrapé un retard de 28 ans en se
dotant d’une loi de règlement budgétaire (la dernière remonte à 1982),
la seule capable de contrôler les dépenses décidées chaque année par la
loi de finances et la loi de finances complémentaire (EI Watan du
1110/2010). Mais, la commission ministérielle chargée de l’élaboration
des comptes nationaux de la santé (créée par décision ministérielle
n°82/MSPRH/MIN du 9 décembre 2002), s’est limitée à la publication de
son premier rapport en 2003. Depuis, plus rien ! Pourquoi ? Comment
vont alors faire les deux chambres parlementaires pour remplir leur
obligation constitutionnelle et contrôler les dépenses de santé : «Le
gouvernement rend compte à chaque chambre du Parlement, de
l’utilisation des crédits budgétaires qu’elle lui a votés pour chaque
exercice budgétaire. L’exercice est clos en ce qui concerne le
Parlement, par le vote par chacune des chambres d’une loi portant
règlement budgétaire pour l’exercice considéré» (article 160 de la
Constitution) ?
Des violations délibérées de la constitution et des textes qui en découlent
Juin 1997 : l’Arrêt de la Cour suprême, n°161718 du 8 juin 1997, est
notifié au ministère de la Santé, dans sa forme exécutoire, par un
huissier de justice, le 1er octobre 1997. A ce jour, huit ministres de
la Santé se sont succédé sur l’inexécution de cette décision prononcée
par la plus haute instance judiciaire du pays depuis 14 ans.
Juillet 2001 : quatre arrêts interministériels et ministériels relatifs
à cette exécution sont abusivement bloqués chez le DRH du MSPRH depuis
2001 à ce jour (arrêtés des 26/06/2001, 31/12/2001, 06/03/2002,
21/09/2002).
Avril 2007 : des décisions irrégulières sont délibérément établies le
15/04/2007, avec la bénédiction du DRH du MSPRH, pour arrêter
abusivement la rémunération d’un professeur hospitalo-universitaire, et
sont toujours en vigueur à ce jour (décisions n° 1084 et 1086/DG/CHU
Blida).
Mars 2009 : le ministre de la Santé (le Dr Barkat) ordonne, par
écrit, le 24 mars 2009, l’exécution de l’arrêt de la Cour suprême, mais
se heurte au refus du DRH du MSPRH. Après un bras de fer qui dura 14
mois avec son subordonné, il quitta le ministère, vaincu.
Juin 2010
: dès son arrivée, le ministre de la Santé actuel donna les mêmes
instructions que son prédécesseur… Après dix mois de persévérance, il
réussit à se faire établir deux arrêtés pour l’exécution de l’arrêt de
la Cour suprême. Malheureusement, il se rendit tardivement compte que
ces «arrêtés» (n°07 et 08/MIN du 20 février 2011), que lui a fait
signer son DRH, sont inapplicables et ne sont en fait qu’un leurre pour
gagner du temps, en attendant le prochain ministre. Tous les courriers
émanant des plus hautes autorités du pays (présidence de la République,
Premier ministère, Ministres...), pour faire respecter la loi et
exécuter cette décision de justice demeurent, à ce jour, lettre morte
dans les archives du DRH du MSPRH. En poste depuis 2005, ce dernier use
et abuse des prérogatives liées à sa fonction, gère à sa manière les
carrières de tous les professionnels de la Santé. Il a déjà consommé
trois ministres et se prépare pour le 4e. Peu importe pour lui les
protestations et les mouvements de grève, l’essentiel est qu’il reste
au-dessus des lois de la République. Qui est derrière ce super «commis
de l’Etat» ?
*Professeur hospitalo-universitaire au CHU Mustapha-Juriste
Abdelwahab Bengounia
Elwatan
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