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    La psychose puerpérale

    wissam
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    La psychose puerpérale Empty La psychose puerpérale

    Message par wissam Sam 10 Oct 2009, 21:56

    09/09/09
    (JIM)
    Dr Alain COHEN, Paris
    La psychose puerpérale


    Points importants



    • Prototype de l'« accident psychiatrique de la grossesse, de la puerpéralité ou de l'avortement » [1], la psychose puerpérale est une complication rare du post-partum.
    • Elle concerne environ un à deux accouchements sur mille.
    • Elle peut inaugurer ou compliquer une autre affection psychiatrique, notamment une maladie bipolaire.
    • Malgré l'éventualité d'une phase prodromique (offrant alors une possibilité d'action précoce quand elle est reconnue), le déclenchement de la psychose puerpérale est généralement aigu, lui conférant une tonalité d'urgence psychiatrique.
    • C'est une situation contraignant à demander l'hospitalisation (si possible dans une unité mère-enfant) avec prescription d'un traitement neuroleptique.
    • L'idéal demeure la prévention, ce qui implique une valorisation des visites prénatales (notamment chez les femmes présumées à risque) et du suivi en post-partum basé sur un travail d'équipe : médecin référent, PMI, CAMSP [2], travailleurs sociaux...
    • À un carrefour multidisciplinaire, la psychose puerpérale nourrit aussi le débat sur le statut de la femme et la fonction maternelle dans la société.

    « Folie génitale »



    L'expression « psychose puerpérale » remonte à Esquirol, mais Hippocrate aurait déjà décrit une forme de « folie génitale », selon la terminologie ancienne. En 1890, Benjamin Ball [3] considère la psychose puerpérale comme « la plus importante de toutes les folies génitales, suite de la grossesse, de la parturition et de l'allaitement ». La fréquence des psychoses puerpérales a diminué depuis le milieu du XXème siècle, sans doute sous l'effet conjugué des progrès de la pharmacopée (meilleure prise en charge des premières manifestations anxio-dépressives et/ou délirantes) et d'une amélioration de la « maternalité » c'est-à-dire, pour les auteurs opérant une distinction avec le concept de maternité, le contexte général de « préparation à l'accouchement et à la maternité, planification des naissances, moindre crainte de l'accouchement » [1]. La psychose puerpérale s'installe le plus souvent dans les premiers jours ou semaines après l'accouchement (ou l'avortement). La diminution importante des durées de séjour en service d'obstétrique a contribué à réduire la fréquence de la maladie dans les maternités, car elle se déclare plutôt après le retour de l'accouchée à son domicile. Elle débute brutalement, par un état confusionnel (classiquement plus marqué en soirée) allant d'une obnubilation discrète à un grave état confuso-onirique à tonalité psychotique pouvant prendre le masque d'autres affections psychiatriques, avec lesquelles il est important d'opérer un diagnostic différentiel :

    • bouffée délirante (évoquant éventuellement une « schizophrénie du post-partum » [1]) ;
    • maladie bipolaire (accès mélancolique, forme maniaque, ou état mixte avec alternance rapide de la symptomatologie maniaque et dépressive) ;
    • psychose organique d'origine infectieuse (désormais très rares, depuis la diminution des infections puerpérales jadis gravissimes), vasculaire (séquelles neuropsychiatriques d'une thrombophlébite cérébrale du post-partum), toxique (monoxyde de carbone) ou iatrogène (notamment avec un agoniste dopaminergique surdosé ou mal supporté).

    Blues du post-partum



    Mais en pratique, le principal diagnostic différentiel concerne le fameux « baby blues », encore appelé « post-partum blues » ou « syndrome du troisième jour ». Quasiment physiologique, puisqu'il touche une à trois femmes sur quatre à leur retour de maternité, ce « coup de blues » n'a pas du tout la même signification pathologique : il ne s'agit pas d'un tableau psychotique, mais de l'expression transitoire (une semaine au plus) d'un mal-être réactionnel à ce nouvel état de parentalité auquel la mère est encore mal préparée, comme souvent le père, surtout chez les couples très jeunes :

    • crainte de « ne pas assurer » au retour de la maternité ;
    • manque d'expérience (premier enfant) ;
    • affolement devant un cours des événements précipité (une césarienne ou un accouchement prématuré donnant par exemple un sentiment de dépossession d'une partie importante du vécu maternel) ;
    • peur de « ne pas s'en sortir » (difficultés socio-économiques, chômage) ;
    • fatigue, troubles du sommeil (manque d'organisation, père absent ou ne participant pas aux soins du nouveau-né ni au surcroît de tâches ménagères liées à son arrivée, enfant malade, naissances multiples) ;
    • irritabilité, sautes d'humeur, préoccupations pessimistes (« c'est trop dur », « ça ne va pas le faire »), mais sans virage mélancolique à type d'autodépréciation massive ;
    • résurgence de difficultés (familiales ou de couple), réactivées par la naissance de l'enfant.


    Dans ce contexte, le réconfort de l'entourage (conjoint, parents de la jeune mère) revêt une importance majeure pour soutenir la capacité à être mère, et contribuer à restaurer l'estime de soi chancelante. L'essentiel est de rassurer l'intéressée sans asséner de jugement de valeur comme font parfois les proches (« de mon temps, on savait mieux s'y prendre avec les enfants »), sans songer aux ravages du dénigrement...
    Cercle vicieux



    Si la psychose puerpérale peut évoquer au début ce banal « blues du post-partum », l'évolution permet de les distinguer, car les troubles s'installent alors de façon intense et prolongée : perplexité anxieuse, délire oniroïde, dysthymie à versant mélancolique, maniaque ou mixte. Sans tendance à l'atténuation avec une simple psychothérapie de soutien et l'assistance des proches. Au contraire, la symptomatologie s'aggrave : association de symptômes thymiques à un tableau délirant et confusionnel, avec possibilité d'hallucinations auditives et/ou visuelles. Et surtout la présence péjorative d'un critère supplémentaire, par rapport au blues du post-partum : l'installation d'un désintérêt croissant pour le bébé. Situation particulièrement préoccupante, car elle amorce une boucle de rétroaction (feedback divergent) : plus la mère se désintéresse de son bébé, plus celui-ci a du mal, en écho, à lui manifester son propre attachement ; et plus la mère peine, en retour, à déceler chez l'enfant des indices pouvant l'inciter à lui porter attention. Dans ce cercle vicieux des troubles précoces de l'attachement mère ↔️ enfant, les conséquences immédiates ou futures peuvent être considérables [4].
    Si le thème du délire est variable (sensation d'étrangeté, de dépersonnalisation, de maladie ou de mort), il porte souvent en grande partie sur l'enfant :

    • négation de son existence (thème de substitution : il a été « volé et changé », « ce n'est pas le mien ») ;
    • négation de sa santé, délire de morbidité (« il va mourir », « il est malformé ») ;
    • négation de la maternité elle-même (interpellant sur les relations de la psychose puerpérale avec les problématiques de déni de grossesse, les experts ne s'accordant pas sur la signification pathologique de l'infanticide lors d'un tel déni) ;
    • thématique superstitieuse ou religieuse (« il est maudit », « il a le mauvais oeil »).

    Prévention essentielle



    Avec l'importance de repérer les difficultés de la mère avant l'éclosion de la maladie, la prévention constitue l'aspect essentiel du traitement. Mais si cet objectif est clair, il n'est pas toujours aisé à atteindre, car le travail de prévention exige une participation de l'intéressée, du temps, et la collaboration d'une équipe pluridisciplinaire. Dépassant le cadre psychiatrique, la prise en charge repose sur la qualité du partenariat avec les professionnels de la petite enfance : pédiatre, puéricultrice, assistante sociale, services de protection maternelle et infantile. L'intervention des services sociaux est souvent nécessaire, au moins pour permettre d'évaluer une situation de danger éventuel, ce qu'il est toujours préférable de pratiquer « à froid », sans attendre une urgence médico-légale. En pratique, faut-il signaler un danger pour l'enfant ? En cas de menace avérée, ce signalement est une obligation légale (et morale) ; en cas de doute, il vaut mieux demander une évaluation de la situation à des tiers habilités (services sociaux, justice) que de passer à côté d'un risque réel. Les possibilités d'intervention de ces tiers qualifiés ne se résument pas, comme on le redoute parfois, à un placement systématique de l'enfant, mais permettent un suivi sur le terrain : aide éducative, visites à domicile, conseils, accompagnement pour des soins ou des démarches, etc. Une vigilance particulière s'impose devant les situations présumées à risque :

    • mère très jeune (en particulier mère mineure), ou issue d'un milieu carencé et/ou déjà suivie par les services sociaux ou la justice dans son enfance (signalement pour maltraitance, carence éducative, délinquance, toxicomanie) ;
    • antécédents psychiatriques avant ou pendant la grossesse ;
    • conflit conjugal et/ou familial (père inconnu, rejeté par la famille, fuyant ses responsabilités) ;
    • handicap ou malformations de l'enfant (importance de l'annonce du handicap : si celle-ci est mal faite, risque de déstabilisation parentale avec rejet de l'enfant) ;
    • absence ou insuffisance du suivi de la grossesse : vu l'importance de la prévention dans cette affection, il faut insister sur l'intérêt concret des visites prénatales pour dépister au plus tôt une tonalité dépressive ou un discours incohérent (par exemple : une future mère s'abstient de manger pour empêcher l'enfant qu'elle porte « d'être empoisonné par les Aliens »).

    Conduite à tenir



    Devant cette situation d'urgence, vu l'état d'agitation anxieuse de la patiente et ses difficultés extrêmes à assumer une prise en charge normale du nouveau-né, le principe de précaution impose de prévenir un risque suicidaire et/ou d'infanticide en demandant une hospitalisation de la mère. Avec parfois la nécessité de devoir la séparer de son bébé, s'il n'existe pas de place disponible dans une unité mère-enfant, ou si les conditions de sécurité ne semblent pas assurées pour proposer cette solution. A priori la plus satisfaisante pourtant, car elle permet d'assurer un meilleur attachement réciproque entre le bébé et sa mère. À l'hôpital, des neuroleptiques seront prescrits (en général l'association d'un neuroleptique incisif et d'un sédatif), à une posologie et pour une durée liées à l'évolution clinique (degré d'agitation, intensité du délire, troubles du comportement). La rémission intervient généralement en moins d'un mois, mais un échec n'est pas rare et impose alors une mesure plus drastique, contestée par certains, mais prônée parfois même d'emblée par d'autres : la sismothérapie.
    Dans tous les cas, et même après la guérison apparente, une aide psychothérapique est nécessaire. Portant à la fois sur la patiente et sur la relation mère-enfant, elle permet la mise en mots de ce que révèlent la grossesse et l'accouchement (angoisses, traumatismes anciens...), avec si possible la participation du père à ce travail d'aide à la parentalité. Et en se gardant du diktat de la « maternité idéalisée » : il n'existe aucune recette magique pour devenir une « bonne mère ».
    Approche multiple



    Le post-partum constitue une période critique pour la femme, tant du point de vue organique (avec des modifications du corps et du climat hormonal) que psychologique (la fin de la grossesse pouvant révéler une situation de manque objectal), mais aussi du point de vue social (avec l'accès au statut parental). La psychose puerpérale appelle donc une lecture pluridisciplinaire : clinique bien sûr, mais également génétique (certains auteurs y voyant un « exemple heuristique du concept de vulnérabilité génétique » [5]), anthropologique et philosophique, voire politique, dans la mesure où l'existence d'un instinct maternel (présumé universel et dont la psychose puerpérale révélerait une pathologie) est parfois contestée [6, 7]. En particulier par Elisabeth Badinter [8], auteur d'un livre sur l'histoire de l'amour maternel, L'amour en plus. Or même sans connotation polémique prônant une remise en cause des notions admises (telle la dénonciation féministe du « mythe de la maternité sacralisée », entretenu pour mieux reléguer le rôle social de la femme à un statut reproducteur et l'éloigner des pôles machistes de décisions), la prudence reste de mise face au concept d'instinct maternel, comme le montre notamment l'anthropologue Arthur Wolf

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