01/02/12
(K Particulier)
Germain DECROIX, Juriste spécialisé en Droit Médical
Une femme primipare de 28 ans accouche en 2002 par césarienne, motivée par une souffrance foetale. Grâce aux soins appropriés prodigués, la mère et l'enfant sortent de la clinique en pleine forme une semaine plus tard.
À partir de 2004, cette patiente présente des douleurs gynécologiques attribuées à des règles douloureuses alors que cela n'avait jamais été le cas auparavant. Elle est traitée uniquement par des antalgiques qui ne la soulagent que partiellement.
En juin 2006, elle fait part à son obstétricien de son désir d'avoir un deuxième enfant, tout en mentionnant la persistance de ces douleurs. Ce praticien lui dit qu'avec l'arrêt de la contraception, les douleurs devraient disparaître. Ce ne fût pas le cas dans les mois qui suivirent, bien au contraire, aucune grossesse ne débutant, et des pertes douteuses et abondantes se produisant.
En février 2007, l'apparition d'une fièvre persistante et d'origine inexpliquée conduit l'obstétricien à prescrire un bilan sanguin montrant une hyperleucocytose franche. Suspectant une infection utérine, l'obstétricien prescrit (enfin !) une échographie qui révèle la présence d'une très importante masse, très adhérente, de nature échogène suspecte. Une tentative d'extraction par voie basse conduit à une très importante déchirure utérine sur une paroi très fragilisée, impossible à suturer, conduisant à une décision d'hystérectomie avec conservation des annexes. L'anapath extemporanée conclut au caractère bénin de cette masse et à la présence au milieu d'un "textilome comprenant un filet métallique compatible avec une compresse chirurgicale".
Au réveil, l'obstétricien annonce à sa patiente que, fort heureusement, sa tumeur n'est pas cancéreuse, mais qu'il a dû lui enlever son utérus, et qu'il a probablement oublié une compresse lors de la césarienne de 2002. Il conclut ses explications par : "Ne vous inquiétez pas, c'est une petite complication".
Du point de vue de l'obstétricien, qui redoutait un retard important de diagnostic d'un cancer de l'utérus chez cette femme jeune, le pire était évité et cette hystérectomie était beaucoup moins grave, même si le point de départ pouvait être la compresse qu'il avait oubliée.
Du point de vue de la patiente, qui n'avait pas été informée des craintes de l'obstétricien, elle a été victime du pire : une hystérectomie provoquée par la négligence de ce praticien ayant oublié une compresse dans son utérus, la privant ainsi de la possibilité d'avoir un deuxième enfant.
La patiente, choquée par cette "petite phrase" de l'obstétricien, a considéré qu'il avait eu une attitude désinvolte, ce qui l'a conduite à formuler une réclamation devant la Commission Régionale de Conciliation et d'Indemnisation (CRCI). Elle a bien expliqué, devant la Commission, qu'elle aurait accepté cet oubli de compresse, que cela peut arriver à tout le monde, mais que cette tentative de minimiser son dommage était intolérable. Elle souhaite que ce médecin comprenne enfin qu'il soigne des êtres humains... La CRCI a considéré que cet oubli de compresse constituait une faute dont l'obstétricien devait réparer l'intégralité des conséquences. Même si c'est l'assureur du praticien qui va procéder à l'indemnisation, espérons qu'il aura compris le message.
Il convient ainsi de retenir qu'une telle phrase peut être mal appréciée et interprétée - outre par le patient - tant par les magistrats que par les experts en cas de procédure ultérieure éventuelle à l'issue d'un tel accident...
Les conseils pratiques
Annoncer une complication est une obligation légale depuis la loi du 4 mars 2002 qui prévoit que : "Toute personne victime ou s'estimant victime d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins ou ses ayants droit, si la personne est décédée, ou, le cas échéant, son représentant légal, doit être informée par le professionnel, l'établissement de santé, les services de santé ou l'organisme concerné sur les circonstances et les causes de ce dommage" (article L. 1142-4 du Code de la santé publique). Il est ici demandé une information honnête, transparente sans message faussement rassurant, puisque nous sommes dans la complication et non plus dans les soins initiaux.
Ce qu'il faut retenir : se mettre à la place du patient quand on lui annonce une complication, et ne pas minimiser son importance, par défaut de prise en compte des conséquences sur la vie du patient ou pour se protéger. C'est exactement ce que l'on retrouve dans le guide de la Haute Autorité de Santé (HAS) "Annonce d'un dommage associé aux soins" (mars 2011) qui précise : "le patient doit comprendre quel dommage il a subi et quelles en sont les implications pour son devenir".
0116 UVD 12 F 2689 IN
Ce service vous est offert par Univadis et MSD France. Le contenu de ce service est fourni par K.PArticulier et ne reflète pas nécessairement l'opinion de Univadis ou de MSD France. La présente rubrique médico-juridique est une information destinée aux praticiens. Les informations qui y sont contenues ont un caractère général et ne sauraient répondre aux questions relevant de situations particulières ni engager la responsabilité de MSD France. Ces dernières sont examinées au mieux dans le cadre de la consultation d'un expert habilité membre d'une profession juridique réglementée. Les textes publiés dans cette rubrique sont l'expression de l'opinion personnelle de leurs auteurs.
Univadis est une marque déposée de Merck & Co., Inc., Whitehouse Station, New Jersey, USA. Copyright © 1999-2011 Merck &Co.,Inc. Tous droits réservés.
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Germain DECROIX, Juriste spécialisé en Droit Médical
Une femme primipare de 28 ans accouche en 2002 par césarienne, motivée par une souffrance foetale. Grâce aux soins appropriés prodigués, la mère et l'enfant sortent de la clinique en pleine forme une semaine plus tard.
À partir de 2004, cette patiente présente des douleurs gynécologiques attribuées à des règles douloureuses alors que cela n'avait jamais été le cas auparavant. Elle est traitée uniquement par des antalgiques qui ne la soulagent que partiellement.
En juin 2006, elle fait part à son obstétricien de son désir d'avoir un deuxième enfant, tout en mentionnant la persistance de ces douleurs. Ce praticien lui dit qu'avec l'arrêt de la contraception, les douleurs devraient disparaître. Ce ne fût pas le cas dans les mois qui suivirent, bien au contraire, aucune grossesse ne débutant, et des pertes douteuses et abondantes se produisant.
En février 2007, l'apparition d'une fièvre persistante et d'origine inexpliquée conduit l'obstétricien à prescrire un bilan sanguin montrant une hyperleucocytose franche. Suspectant une infection utérine, l'obstétricien prescrit (enfin !) une échographie qui révèle la présence d'une très importante masse, très adhérente, de nature échogène suspecte. Une tentative d'extraction par voie basse conduit à une très importante déchirure utérine sur une paroi très fragilisée, impossible à suturer, conduisant à une décision d'hystérectomie avec conservation des annexes. L'anapath extemporanée conclut au caractère bénin de cette masse et à la présence au milieu d'un "textilome comprenant un filet métallique compatible avec une compresse chirurgicale".
Au réveil, l'obstétricien annonce à sa patiente que, fort heureusement, sa tumeur n'est pas cancéreuse, mais qu'il a dû lui enlever son utérus, et qu'il a probablement oublié une compresse lors de la césarienne de 2002. Il conclut ses explications par : "Ne vous inquiétez pas, c'est une petite complication".
Du point de vue de l'obstétricien, qui redoutait un retard important de diagnostic d'un cancer de l'utérus chez cette femme jeune, le pire était évité et cette hystérectomie était beaucoup moins grave, même si le point de départ pouvait être la compresse qu'il avait oubliée.
Du point de vue de la patiente, qui n'avait pas été informée des craintes de l'obstétricien, elle a été victime du pire : une hystérectomie provoquée par la négligence de ce praticien ayant oublié une compresse dans son utérus, la privant ainsi de la possibilité d'avoir un deuxième enfant.
La patiente, choquée par cette "petite phrase" de l'obstétricien, a considéré qu'il avait eu une attitude désinvolte, ce qui l'a conduite à formuler une réclamation devant la Commission Régionale de Conciliation et d'Indemnisation (CRCI). Elle a bien expliqué, devant la Commission, qu'elle aurait accepté cet oubli de compresse, que cela peut arriver à tout le monde, mais que cette tentative de minimiser son dommage était intolérable. Elle souhaite que ce médecin comprenne enfin qu'il soigne des êtres humains... La CRCI a considéré que cet oubli de compresse constituait une faute dont l'obstétricien devait réparer l'intégralité des conséquences. Même si c'est l'assureur du praticien qui va procéder à l'indemnisation, espérons qu'il aura compris le message.
Il convient ainsi de retenir qu'une telle phrase peut être mal appréciée et interprétée - outre par le patient - tant par les magistrats que par les experts en cas de procédure ultérieure éventuelle à l'issue d'un tel accident...
Les conseils pratiques
Annoncer une complication est une obligation légale depuis la loi du 4 mars 2002 qui prévoit que : "Toute personne victime ou s'estimant victime d'un dommage imputable à une activité de prévention, de diagnostic ou de soins ou ses ayants droit, si la personne est décédée, ou, le cas échéant, son représentant légal, doit être informée par le professionnel, l'établissement de santé, les services de santé ou l'organisme concerné sur les circonstances et les causes de ce dommage" (article L. 1142-4 du Code de la santé publique). Il est ici demandé une information honnête, transparente sans message faussement rassurant, puisque nous sommes dans la complication et non plus dans les soins initiaux.
Ce qu'il faut retenir : se mettre à la place du patient quand on lui annonce une complication, et ne pas minimiser son importance, par défaut de prise en compte des conséquences sur la vie du patient ou pour se protéger. C'est exactement ce que l'on retrouve dans le guide de la Haute Autorité de Santé (HAS) "Annonce d'un dommage associé aux soins" (mars 2011) qui précise : "le patient doit comprendre quel dommage il a subi et quelles en sont les implications pour son devenir".
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