Où l'obésité de la mère pèse sur le risque de mort foetale et de mort du nourrisson

14/04/11
(JIM)
Dr Julie Perrot

Débuter une grossesse en étant obèse expose la mère et l'enfant à nombre de complications (pour elle : diabète gestationnel, pathologies liées à l'HTA, par exemple ; pour lui : macrosomie, malformations congénitales). Certains travaux ayant en outre suggéré que l'obésité maternelle augmentait la mortinatalité et le risque de décès du nourrisson, des auteurs anglais ont cherché à en savoir plus et ont évalué le risque de mort foetale à 20 semaines de grossesse et au-delà, et celui de décès du nourrisson de moins de 1 an d'âge, en relation à l'IMC, et notamment à l'obésité (IMC >= 30).
PWG. Tennant et coll. ont pour ce faire croisé les données intéressant 40 932 grossesses non multiples, suivies entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2005 dans cinq maternités du nord de l'Angleterre, avec celles de trois registres nationaux, ceux du Northern Perinatal Mortality Survey, du Northern Diabetes in Pregnancy Survey et du Northern Congenital Abnormality Survey.
L'analyse a porté sur 29 856 grossesses à bébé singleton, sans diabète prégestationnel, ni malformation congénitale de l'enfant (ces affections ayant toutes deux été associées dans plusieurs études à l'obésité maternelle et à une augmentation du risque de décès du foetus et du nourrisson). Près de 16,3 % des femmes avaient débuté leur grossesse en étant obèses, 26,4 % en surpoids et 3,5 % en insuffisance pondérale.
Après ajustements sur l'âge maternel, l'ethnie, le tabagisme, le statut socio-économique, l'analyse associe à l'obésité un accroissement significatif du risque de mort foetale (OR [odds ratio] = 2,32 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95] de 1,64-3,28 ; p < 0,001) et de mort du nourrisson (1,97 ; 1,13-1,45 ; p = 0,02).
Après ajustements poussés sur l'âge gestationnel, le poids de naissance rapporté à l'âge gestationnel, au sexe et, lorsque les données étaient disponibles, à la parité, les OR étaient respectivement de 2,65 (IC95 de 1,82 à 3,87 ; p < 0,001) et de 2,47 (IC95 de 1,33 à 4,58 ; p = 0,004).
La relation entre IMC et ces risques de décès est apparue suivre une courbe en V, avec un risque minimal pour un IMC de 23. Le risque de mort foetale et de mort du nourrisson augmentait significativement au-delà de 23 ; les odds ratios pour l'accroissement d'une unité d'IMC étant respectivement de 1,07 (IC95 de 1,05 à 1,10 ; p < 0,001) et de 1,06 (IC95 de 1,02-1,10 ; p = 0,007).
Cette étude, conduite en Angleterre, où la proportion estimée d'adultes obèses, de 19 % en 2000, est passée à 24 % en 2007, relie obésité maternelle en début de grossesse et risque de mort foetale et de mort du nourrisson dans sa première année de vie, et associe, à chaque unité d'IMC au-dessus de 23 une augmentation de 6 à 7 % de ces risques de décès. Ces résultats, d'interprétation cependant limitée notamment par le caractère auto-rapporté de la taille et, dans certains cas, du poids, par le manque de prise en compte, faute d'informations suffisantes, de variables d'intérêt (dont la consommation d'alcool, la parité, les facteurs de risque cardiovasculaires) appellent des études complémentaires, afin d'éclaircir aussi les mécanismes qui sous-tendent ces associations.
Les auteurs, à cet égard mettent l'accent sur le rôle potentiel de l'HTA, de la prééclampsie, sans exclure le rôle d'un diabète prégestationnel, gestationnel ou d'un prédiabète méconnus, non diagnostiqués, et prônent, sans attendre, l'information préconceptionnelle des femmes et l'entrée en grossesse, poids réduit, sous de plus favorables auspices.


Tennant PWG et coll. : Maternel body mass index and the risk of fetal and infant death : A cohort study from the North England. Hum Reprod, Publication avancée en ligne, 5 avril 2011 (doi/ 1093/humrep/der052).