Paris, France -- Prescrire à bon escient des marqueurs biologiques aux urgences nécessite de choisir les dosages et de peser les indications en se fondant sur la clinique.
Car « il n’est pas nécessaire de voir son cheminement diagnostic parasité par un résultat d’examen prescrit sans réelle justification et dont la positivité mettra l’urgentiste dans l’embarras » met en garde le Dr Patrick Ray (médecin urgentiste, hôpital Tenon, Paris) à l’occasion du congrès Urgences 2014 [1].
Les D dimères : tenir compte de l’âge
La validité de la prise en charge des suspicions d’embolie pulmonaire de probabilité clinique faible ou intermédiaire en se fondant sur les D dimères est acquise depuis une dizaine d’année. Mais la question de la discordance entre une sensibilité excellente (de 80 à 97 % selon les méthodes utilisées) et une spécificité médiocre (40 à 60 %), pose des problèmes de gestion quotidienne. Et plus l’âge avance, plus les taux de D dimères faussement positif augmentent. En effet, chez les plus de 80 ans, ce dosage ne permet d’éliminer le diagnostic d’embolie pulmonaire que chez 5 % des patients présentant une suspicion clinique non forte contre 50 % des personnes de moins de 40 ans.
« Adapter le seuil de D dimères à l’âge (âge multiplié par 10) permet de limiter le nombre des angioscanners prescrits en cas de suspicion d’embolie pulmonaires sans majorer pour autant le risque de faux positifs », continue le Dr Ray.
Cette stratégie, qui a été validée sur près de 3 000 patients a donné lieu à une publication dans leJAMA en début d’année [2]. Elle devrait fondamentalement modifier la prise en charge de ces patients aux urgences. Lorsque le seuil de D dimères retenu est l’âge multiplié par 10 cette mesure permet d’éliminer le diagnostic chez 28 % des plus de 80 ans, 36 % des 70-79 ans et 54 % des 50-59 ans ».
Le BNP : la zone grise
En 2012, la Société européenne de cardiologie (ESC) proposait un algorithme de prise en charge du diagnostic et du traitement de l’insuffisance cardiaque fondé sur la réalisation du dosage du BNP.
« Ce dosage devrait être réservé à cette indication et ne pas être prescrit pour toutes les dyspnées. En effet, une positivité du BNP ou du pro BNP peut conduire à un diagnostic erroné – notamment en cas de pathologie pulmonaire spécifique ou associée à une insuffisance cardiaque – à un retard de prise en charge et à un allongement du temps d’hospitalisation », analyse le Dr Ray.
En pratique, l’analyse du résultat du BNP doit prendre en compte un double seuil : celui de négativité qui doit faire rechercher une cause respiratoire et celui de positivité qui affirme le diagnostic d’insuffisance cardiaque aiguë et doit conduire à la mise en place immédiate d’un traitement (bolus IV de dérivés nitrés, diurétiques, voire VNI).
« Entre ces deux valeurs, il existe une zone grise dont l’amplitude augmente avec l’âge. C’est lorsque le BNP est dans cette zone grise que des examens complémentaires – échographie cardiaque, TDM pulmonaire…– peuvent permettre d’affirmer ou non l’existence d’une insuffisance cardiaque », continue le Dr Ray.
La troponine : le dosage ultrasensible permet de gagner du temps
La troponine témoigne d’une nécrose myocardique, quelle que soit son origine. La cinétique de libération et le manque de sensibilité des dosages classiques conduisent à réaliser un « cycle » de troponine, c’est-à-dire deux mesures espacées d’au moins 6 heures pour éliminer un syndrome coronaire aigu.
« Pour gagner du temps dans la prise en charge des douleurs thoracique aux urgences, on peut proposer deux voies : la mise à disposition des urgentistes de dosages au lit du malade par un appareil de biologie délocalisé et le recours aux dosages de troponine ultrasensible. Par rapport aux dosage habituels il est possible de gagner 20 % sur la durée de séjour aux urgences pour la première option et 2 à 4 h pour la seconde ».
Aussi incontournables que soient devenus ces dosages aux Urgences aujourd’hui, ils ne se substituent pas, pour autant, à la pertinence de l’examen clinique. Au contraire, leur valeur ajoutée est dépendante de l’évaluation de la probabilité pré-test.
REFERENCES :
1. Ray P, YE Claessens. Du bon usage des biomarqueurs aux urgences. Les indications indiscutables et celles qui restent discutées. Optimisation de la prescription. Congrès Urgences 2014.
2. Righini M, Van Es J, Den Exter P et coll. Age-adjusted D-Dimer cutoff levels to rule out pulmonary embolism. The ADJUST-PE Study. JAMA 2014 ; 311 (11) : 117-1124. Doi :10.1001/jama/2014.2135
Car « il n’est pas nécessaire de voir son cheminement diagnostic parasité par un résultat d’examen prescrit sans réelle justification et dont la positivité mettra l’urgentiste dans l’embarras » met en garde le Dr Patrick Ray (médecin urgentiste, hôpital Tenon, Paris) à l’occasion du congrès Urgences 2014 [1].
Les D dimères : tenir compte de l’âge
La validité de la prise en charge des suspicions d’embolie pulmonaire de probabilité clinique faible ou intermédiaire en se fondant sur les D dimères est acquise depuis une dizaine d’année. Mais la question de la discordance entre une sensibilité excellente (de 80 à 97 % selon les méthodes utilisées) et une spécificité médiocre (40 à 60 %), pose des problèmes de gestion quotidienne. Et plus l’âge avance, plus les taux de D dimères faussement positif augmentent. En effet, chez les plus de 80 ans, ce dosage ne permet d’éliminer le diagnostic d’embolie pulmonaire que chez 5 % des patients présentant une suspicion clinique non forte contre 50 % des personnes de moins de 40 ans.
« Adapter le seuil de D dimères à l’âge (âge multiplié par 10) permet de limiter le nombre des angioscanners prescrits en cas de suspicion d’embolie pulmonaires sans majorer pour autant le risque de faux positifs », continue le Dr Ray.
Cette stratégie, qui a été validée sur près de 3 000 patients a donné lieu à une publication dans leJAMA en début d’année [2]. Elle devrait fondamentalement modifier la prise en charge de ces patients aux urgences. Lorsque le seuil de D dimères retenu est l’âge multiplié par 10 cette mesure permet d’éliminer le diagnostic chez 28 % des plus de 80 ans, 36 % des 70-79 ans et 54 % des 50-59 ans ».
Le BNP : la zone grise
En 2012, la Société européenne de cardiologie (ESC) proposait un algorithme de prise en charge du diagnostic et du traitement de l’insuffisance cardiaque fondé sur la réalisation du dosage du BNP.
« Ce dosage devrait être réservé à cette indication et ne pas être prescrit pour toutes les dyspnées. En effet, une positivité du BNP ou du pro BNP peut conduire à un diagnostic erroné – notamment en cas de pathologie pulmonaire spécifique ou associée à une insuffisance cardiaque – à un retard de prise en charge et à un allongement du temps d’hospitalisation », analyse le Dr Ray.
En pratique, l’analyse du résultat du BNP doit prendre en compte un double seuil : celui de négativité qui doit faire rechercher une cause respiratoire et celui de positivité qui affirme le diagnostic d’insuffisance cardiaque aiguë et doit conduire à la mise en place immédiate d’un traitement (bolus IV de dérivés nitrés, diurétiques, voire VNI).
« Entre ces deux valeurs, il existe une zone grise dont l’amplitude augmente avec l’âge. C’est lorsque le BNP est dans cette zone grise que des examens complémentaires – échographie cardiaque, TDM pulmonaire…– peuvent permettre d’affirmer ou non l’existence d’une insuffisance cardiaque », continue le Dr Ray.
La troponine : le dosage ultrasensible permet de gagner du temps
La troponine témoigne d’une nécrose myocardique, quelle que soit son origine. La cinétique de libération et le manque de sensibilité des dosages classiques conduisent à réaliser un « cycle » de troponine, c’est-à-dire deux mesures espacées d’au moins 6 heures pour éliminer un syndrome coronaire aigu.
« Pour gagner du temps dans la prise en charge des douleurs thoracique aux urgences, on peut proposer deux voies : la mise à disposition des urgentistes de dosages au lit du malade par un appareil de biologie délocalisé et le recours aux dosages de troponine ultrasensible. Par rapport aux dosage habituels il est possible de gagner 20 % sur la durée de séjour aux urgences pour la première option et 2 à 4 h pour la seconde ».
Aussi incontournables que soient devenus ces dosages aux Urgences aujourd’hui, ils ne se substituent pas, pour autant, à la pertinence de l’examen clinique. Au contraire, leur valeur ajoutée est dépendante de l’évaluation de la probabilité pré-test.
REFERENCES :
1. Ray P, YE Claessens. Du bon usage des biomarqueurs aux urgences. Les indications indiscutables et celles qui restent discutées. Optimisation de la prescription. Congrès Urgences 2014.
2. Righini M, Van Es J, Den Exter P et coll. Age-adjusted D-Dimer cutoff levels to rule out pulmonary embolism. The ADJUST-PE Study. JAMA 2014 ; 311 (11) : 117-1124. Doi :10.1001/jama/2014.2135
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