L'HISTOIRE
Une patiente consulte son médecin traitant pour des cystites à répétition. Celui-ci lui prescrit différents traitements dont l’efficacité semble diminuer au fur et à mesure des crises, et il finit par introduire une quinolone. Aucune information particulière à propos de ce produit n’est fournie à la patiente ; il lui est simplement indiqué que l’on "tente un nouveau traitement".
Elle demande des précisions au pharmacien qui se contente de lui dire qu'il s'agit d'une quinolone, et que c’est un traitement tout à fait classique des infections urinaires.
Toujours pas satisfaite, la patiente recherche sur Internet et trouve une grande quantité d’informations, plus ou moins exactes et précises, et surtout non hiérarchisées. Elle apprend, entre autres, que l’une des complications de cette famille thérapeutique est l’atteinte des tendons, et qu’il faut rester très vigilant à ce propos.
Trois jours après le début du traitement, elle ressent des douleurs au niveau des deux tendons d’Achille et appelle son médecin traitant, en faisant expressément référence aux informations recueillies sur Internet, et regrettant qu’il ne les lui ait pas fournies. Très agacé par ces propos, le praticien déclare à sa patiente qu’il connait son métier, que tout ce qu’on lit sur Internet est faux, et que "ça ne peut pas être le traitement", puisqu’aucun de ses patients n’a subi cette complication. Énervée mais rassurée, la patiente continue à prendre la quinolone jusqu’à ce que les douleurs deviennent insupportables (J 6) et qu’elle se présente aux urgences de l’hôpital. Le diagnostic de rupture tendineuse est porté par le médecin des urgences, et le lien avec le traitement est fortement suspecté. Malgré une intervention de réparation des tendons (tardive), d’importantes séquelles vont persister et conduire à une inaptitude professionnelle et à la perte de l’emploi de coiffeuse.
Cette patiente ne va pas en rester là et sollicite l’avis d’une association de victimes. Après un premier examen du dossier, celle-ci va considérer que les doléances de la patiente sont recevables et l’oriente vers un avocat spécialisé. Sans tentative amiable préalable, ce dernier saisit le juge des référés d’une demande d’expertise, en invoquant à la fois une erreur de prescription et un défaut d’information. L’expert valide cette prescription, justifiée dans le contexte de cette cystite récidivante, mais est réservé sur sa durée (10 jours). Par contre, il considère que l’appel de la patiente, après 3 jours de traitement, n’a manifestement pas reçu l’attention nécessaire, alors que le médecin se devait de la revoir en urgence et d’arrêter le traitement entre temps. Enfin, il note les déclarations de la patiente et du médecin à propos de l’information fournie lors de la prescription, en remarquant qu’elles sont concordantes sur l’absence d’élément sur le risque tendineux et la surveillance à respecter.
La patiente réclame la totalité de son préjudice, prétendant qu’informée, elle aurait nécessairement arrêté le traitement à temps. Aucun accord n’ayant pu être trouvé sur l’indemnisation de ce défaut d’information, une procédure au fond a donc été engagée devant le Tribunal de Grande Instance. Celui-ci a retenu, comme principale source de responsabilité, le défaut d’attention du médecin lors de l’appel téléphonique du 3ème jour, et l’absence de réaction adaptée, à savoir l'arrêt du traitement. Il a accordé à la patiente une grande partie de ses demandes, estimant que si le traitement avait été stoppé à temps, la rupture tendineuse aurait été évitée et l’emploi préservé. C’est donc la petite phrase malheureuse "ça ne peut pas être le traitement" qui a été à l’origine de la condamnation du médecin...
LES CONSEILS PRATIQUES
En droit, c’est l’article L. 1111-2 du Code de la Santé Publique (CSP) qui définit le contenu de l’obligation d’information en prévoyant que : "Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus". Si cette information doit être préalable ou, au plus tard, concomitante à la prescription, elle doit également être maintenue tout au long des soins qui ne s’arrêtent pas à la prescription, mais comprennent aussi la surveillance des effets du traitement. On n’imaginerait pas un médecin prenant en charge une phlébite et prescrivant des anticoagulants, ne pas se préoccuper des INR… À propos des prescriptions, le Code de déontologie médicale est particulièrement clair dans son article 34 (article R. 4127-34 du CSP) : "Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution". La mission d’éducation thérapeutique est ainsi bien précisée et comprend l’information sur les risques, la surveillance à réaliser et les réactions à avoir.
Sur cet appel téléphonique, il s’agit d’une véritable demande de diagnostic qu’il faut examiner avec tout le sérieux nécessaire. Ainsi, l’article R. 4127-33 du même Code prévoit que "le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés". Il ne semble pas que le médecin traitant ait rempli cette obligation déontologique et civile en concluant, sans vraiment écouter sa patiente, que le traitement prescrit ne pouvait être incriminé dans la survenue de ces douleurs.
Cet exemple montre à quel point il est difficile de fournir au patient une information utile et compréhensible, et de répondre aux très nombreuses sollicitations téléphoniques. Les médecins sont confrontés aux informations glanées par leurs patients sur Internet, et il n’est pas simple de rester professionnel face à ce qui peut être perçu comme une remise en cause des compétences du médecin et qui peut, de surcroît, être totalement farfelu. Plus que de rejeter en bloc l’intrusion, désormais inéluctable, d’Internet dans les rapports patients-médecins, il convient plutôt de tenter de l’optimiser pour en tirer le meilleur. Écouter et prendre en compte le patient qui exprime des inquiétudes après avoir fait des découvertes sur Internet est nécessaire, tout comme réagir de manière adaptée au tableau décrit. Il est attendu aujourd’hui des médecins qu’ils clarifient et hiérarchisent ces informations, les corrigent si nécessaire, et proposent des sites de confiance afin d’éviter la propagation de données erronées.
0417 UVD 13 F 2946 IN
Une patiente consulte son médecin traitant pour des cystites à répétition. Celui-ci lui prescrit différents traitements dont l’efficacité semble diminuer au fur et à mesure des crises, et il finit par introduire une quinolone. Aucune information particulière à propos de ce produit n’est fournie à la patiente ; il lui est simplement indiqué que l’on "tente un nouveau traitement".
Elle demande des précisions au pharmacien qui se contente de lui dire qu'il s'agit d'une quinolone, et que c’est un traitement tout à fait classique des infections urinaires.
Toujours pas satisfaite, la patiente recherche sur Internet et trouve une grande quantité d’informations, plus ou moins exactes et précises, et surtout non hiérarchisées. Elle apprend, entre autres, que l’une des complications de cette famille thérapeutique est l’atteinte des tendons, et qu’il faut rester très vigilant à ce propos.
Trois jours après le début du traitement, elle ressent des douleurs au niveau des deux tendons d’Achille et appelle son médecin traitant, en faisant expressément référence aux informations recueillies sur Internet, et regrettant qu’il ne les lui ait pas fournies. Très agacé par ces propos, le praticien déclare à sa patiente qu’il connait son métier, que tout ce qu’on lit sur Internet est faux, et que "ça ne peut pas être le traitement", puisqu’aucun de ses patients n’a subi cette complication. Énervée mais rassurée, la patiente continue à prendre la quinolone jusqu’à ce que les douleurs deviennent insupportables (J 6) et qu’elle se présente aux urgences de l’hôpital. Le diagnostic de rupture tendineuse est porté par le médecin des urgences, et le lien avec le traitement est fortement suspecté. Malgré une intervention de réparation des tendons (tardive), d’importantes séquelles vont persister et conduire à une inaptitude professionnelle et à la perte de l’emploi de coiffeuse.
Cette patiente ne va pas en rester là et sollicite l’avis d’une association de victimes. Après un premier examen du dossier, celle-ci va considérer que les doléances de la patiente sont recevables et l’oriente vers un avocat spécialisé. Sans tentative amiable préalable, ce dernier saisit le juge des référés d’une demande d’expertise, en invoquant à la fois une erreur de prescription et un défaut d’information. L’expert valide cette prescription, justifiée dans le contexte de cette cystite récidivante, mais est réservé sur sa durée (10 jours). Par contre, il considère que l’appel de la patiente, après 3 jours de traitement, n’a manifestement pas reçu l’attention nécessaire, alors que le médecin se devait de la revoir en urgence et d’arrêter le traitement entre temps. Enfin, il note les déclarations de la patiente et du médecin à propos de l’information fournie lors de la prescription, en remarquant qu’elles sont concordantes sur l’absence d’élément sur le risque tendineux et la surveillance à respecter.
La patiente réclame la totalité de son préjudice, prétendant qu’informée, elle aurait nécessairement arrêté le traitement à temps. Aucun accord n’ayant pu être trouvé sur l’indemnisation de ce défaut d’information, une procédure au fond a donc été engagée devant le Tribunal de Grande Instance. Celui-ci a retenu, comme principale source de responsabilité, le défaut d’attention du médecin lors de l’appel téléphonique du 3ème jour, et l’absence de réaction adaptée, à savoir l'arrêt du traitement. Il a accordé à la patiente une grande partie de ses demandes, estimant que si le traitement avait été stoppé à temps, la rupture tendineuse aurait été évitée et l’emploi préservé. C’est donc la petite phrase malheureuse "ça ne peut pas être le traitement" qui a été à l’origine de la condamnation du médecin...
LES CONSEILS PRATIQUES
En droit, c’est l’article L. 1111-2 du Code de la Santé Publique (CSP) qui définit le contenu de l’obligation d’information en prévoyant que : "Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus". Si cette information doit être préalable ou, au plus tard, concomitante à la prescription, elle doit également être maintenue tout au long des soins qui ne s’arrêtent pas à la prescription, mais comprennent aussi la surveillance des effets du traitement. On n’imaginerait pas un médecin prenant en charge une phlébite et prescrivant des anticoagulants, ne pas se préoccuper des INR… À propos des prescriptions, le Code de déontologie médicale est particulièrement clair dans son article 34 (article R. 4127-34 du CSP) : "Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution". La mission d’éducation thérapeutique est ainsi bien précisée et comprend l’information sur les risques, la surveillance à réaliser et les réactions à avoir.
Sur cet appel téléphonique, il s’agit d’une véritable demande de diagnostic qu’il faut examiner avec tout le sérieux nécessaire. Ainsi, l’article R. 4127-33 du même Code prévoit que "le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés". Il ne semble pas que le médecin traitant ait rempli cette obligation déontologique et civile en concluant, sans vraiment écouter sa patiente, que le traitement prescrit ne pouvait être incriminé dans la survenue de ces douleurs.
Cet exemple montre à quel point il est difficile de fournir au patient une information utile et compréhensible, et de répondre aux très nombreuses sollicitations téléphoniques. Les médecins sont confrontés aux informations glanées par leurs patients sur Internet, et il n’est pas simple de rester professionnel face à ce qui peut être perçu comme une remise en cause des compétences du médecin et qui peut, de surcroît, être totalement farfelu. Plus que de rejeter en bloc l’intrusion, désormais inéluctable, d’Internet dans les rapports patients-médecins, il convient plutôt de tenter de l’optimiser pour en tirer le meilleur. Écouter et prendre en compte le patient qui exprime des inquiétudes après avoir fait des découvertes sur Internet est nécessaire, tout comme réagir de manière adaptée au tableau décrit. Il est attendu aujourd’hui des médecins qu’ils clarifient et hiérarchisent ces informations, les corrigent si nécessaire, et proposent des sites de confiance afin d’éviter la propagation de données erronées.
0417 UVD 13 F 2946 IN
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