Publié le 22/03/2010
Face à une arythmie complète par fibrillation auriculaire
(Ac/FA), le contrôle de la fréquence cardiaque (CF) est l’attitude
le plus souvent adoptée actuellement. En effet, en 2002, deux
études randomisées, américaines et européennes, ont démontré que le
contrôle du rythme (CR) n’avait pas d’avantage sur le CF tant en
terme de mortalité que de développement ou d’aggravation d’une
insuffisance cardiaque que de fréquence des accidents vasculaires
cérébraux (AVC).
Restait à résoudre la question de l’objectif à atteindre en terme
de fréquence cardiaque (FC). Conjointement les sociétés américaines
et européennes de cardiologie ont opté pour un contrôle strict de
la fréquence assignant comme objectif au traitement une FC
inférieure à 80/min au repos et à 110 lors d’un effort modéré. Mais
il faut souligner que ces recommandations qui ne sont pas fondées
sur des études cliniques d’envergure sont d’application souvent
délicates en raison des effets secondaires possibles (et fréquents)
des traitements bradycardisants prescrits pour le CF.
Double aveugle impossible
C’est pourquoi un groupe néerlandais a entrepris un essai
clinique (1) destiné à comparer contrôle strict de la FC selon les
recommandations et contrôle « indulgent », l’étude RACE II (pour
Rate Control Efficacy in Permanent Atrial Fibrillation :
a Comparison between Lenient versus strict Rate Control
II).
Six cent quatorze sujets de moins de 80 ans présentant une Ac/FA
permanente, recevant un traitement anticoagulant ou de l’aspirine
(en fonction de leur niveau de risque thrombo-embolique) et dont la
FC de repos était supérieure à 80/min ont été inclus dans
l’étude. Ils ont été randomisés en ouvert entre deux stratégies :
contrôle strict de la FC avec comme objectifs ceux des
recommandations et contrôle « indulgent » avec comme
objectif une FC de repos inférieure à 110/min. Pour atteindre la FC
souhaitée, un ou plusieurs médicaments dromotropes négatifs étaient
prescrits (bêta-bloqueurs, anticalciques non dihydropyridiques,
digoxine) à des doses ajustées en fonction des résultats. Le suivi
a duré de 2 à 3 ans.
Le critère principal de jugement était un indice composite
regroupant décès de cause cardiovasculaire, hospitalisation pour
insuffisance cardiaque, AVC ou embolies artérielles systémiques,
hémorragies et arythmies menaçant le pronostic vital.
Pas d’avantage du contrôle strict de la fréquence
Les objectifs en terme de FC ont été atteints dans 97,7 % des
cas avec la stratégie « indulgente » et dans 67 % des observations
avec le contrôle strict. Ces échecs dans le groupe contrôle strict
s’expliquaient dans un quart des cas par des effets secondaires des
médicaments bradycardisants.
Sur le critère principal de jugement, les deux stratégies se
sont révélées équivalentes avec 12,9 % d’événements défavorables
avec la stratégie « indulgente » et 14,9 % avec le contrôle strict
(différence non significative en faveur du contrôle «
indulgent »). Dans le détail, aucune différence
significative n’a été constatée en faveur de l’une ou l’autre
stratégie sur aucun des événements regroupés dans l’indice
composite. De plus, au plan symptomatique, les deux groupes étaient
équivalents à l’issue de l’essai. Un avantage significatif a été
noté en revanche en faveur du contrôle « indulgent » : une
réduction très nette du nombre de consultations nécessaires pour
tenter d’atteindre la FC souhaitée (75 contre 684 ;
p<0,001). Enfin, une analyse par sous groupes n’a pas
retrouvé de différence entre les deux stratégies quel que soit le
score de risque d’AVC CHADS2 de départ.
Vers de nouvelles recommandations
Il apparaît donc que se fixer un objectif nettement moins
ambitieux en terme de FC que celui préconisé par les
recommandations, n’entraîne ni augmentation de la morbi-mortalité
cardiovasculaire (et tout particulièrement de la fréquence de
l’insuffisance cardiaque), ni majoration de la symptomatologie.
Ce travail a bien sûr quelques limites qui sont soulignées par
l’éditorialiste du New England Journal of Medicine (2)
:
- ses conclusions ne sont pas nécessairement applicables à des
patients à la fonction ventriculaire gauche plus altérée que dans
RACE II (FEVG moyenne 52 %) ;
- on ne peut, en théorie, exclure un effet favorable à plus long
terme du contrôle strict ;
- certains patients dont l’insuffisance cardiaque est favorisée par
une FC élevée tirent peut-être un bénéfice d’un contrôle rigoureux
de la FC.
Ces réserves étant faites, pour l’éditorialiste, bien que
beaucoup de cardiologues risquent d’être mal à l’aise avec un
objectif aussi « laxiste » pour la FC, celui-ci devrait être adopté
en pratique clinique et une fois atteint, le traitement
éventuellement ajusté en fonction de la symptomatologie et du bien
être clinique.
Ainsi en moins de 10 ans, on sera passé d’une attitude
privilégiant la restauration du rythme sinusal (au moyen de
thérapeutiques lourdes) au simple maintien de la FC de repos en
dessous de 110/min.
Sic transit…
Dr Anastasia Roublev
1) Van Gelder I et coll. : Lenient versus strict rate control in
patients with atrial fibrillation. N Engl J Med 2010; publication
avancée en ligne le 15 mars 2010 (10.1056/NEJMoa1001337).
2) Dorian
P. Rate control in atrial fibrillation. N Engl J Med 2010; publication
avancée en ligne le 15 mars 2010 (10.1056/NEJMoa1002301).
Face à une arythmie complète par fibrillation auriculaire
(Ac/FA), le contrôle de la fréquence cardiaque (CF) est l’attitude
le plus souvent adoptée actuellement. En effet, en 2002, deux
études randomisées, américaines et européennes, ont démontré que le
contrôle du rythme (CR) n’avait pas d’avantage sur le CF tant en
terme de mortalité que de développement ou d’aggravation d’une
insuffisance cardiaque que de fréquence des accidents vasculaires
cérébraux (AVC).
Restait à résoudre la question de l’objectif à atteindre en terme
de fréquence cardiaque (FC). Conjointement les sociétés américaines
et européennes de cardiologie ont opté pour un contrôle strict de
la fréquence assignant comme objectif au traitement une FC
inférieure à 80/min au repos et à 110 lors d’un effort modéré. Mais
il faut souligner que ces recommandations qui ne sont pas fondées
sur des études cliniques d’envergure sont d’application souvent
délicates en raison des effets secondaires possibles (et fréquents)
des traitements bradycardisants prescrits pour le CF.
Double aveugle impossible
C’est pourquoi un groupe néerlandais a entrepris un essai
clinique (1) destiné à comparer contrôle strict de la FC selon les
recommandations et contrôle « indulgent », l’étude RACE II (pour
Rate Control Efficacy in Permanent Atrial Fibrillation :
a Comparison between Lenient versus strict Rate Control
II).
Six cent quatorze sujets de moins de 80 ans présentant une Ac/FA
permanente, recevant un traitement anticoagulant ou de l’aspirine
(en fonction de leur niveau de risque thrombo-embolique) et dont la
FC de repos était supérieure à 80/min ont été inclus dans
l’étude. Ils ont été randomisés en ouvert entre deux stratégies :
contrôle strict de la FC avec comme objectifs ceux des
recommandations et contrôle « indulgent » avec comme
objectif une FC de repos inférieure à 110/min. Pour atteindre la FC
souhaitée, un ou plusieurs médicaments dromotropes négatifs étaient
prescrits (bêta-bloqueurs, anticalciques non dihydropyridiques,
digoxine) à des doses ajustées en fonction des résultats. Le suivi
a duré de 2 à 3 ans.
Le critère principal de jugement était un indice composite
regroupant décès de cause cardiovasculaire, hospitalisation pour
insuffisance cardiaque, AVC ou embolies artérielles systémiques,
hémorragies et arythmies menaçant le pronostic vital.
Pas d’avantage du contrôle strict de la fréquence
Les objectifs en terme de FC ont été atteints dans 97,7 % des
cas avec la stratégie « indulgente » et dans 67 % des observations
avec le contrôle strict. Ces échecs dans le groupe contrôle strict
s’expliquaient dans un quart des cas par des effets secondaires des
médicaments bradycardisants.
Sur le critère principal de jugement, les deux stratégies se
sont révélées équivalentes avec 12,9 % d’événements défavorables
avec la stratégie « indulgente » et 14,9 % avec le contrôle strict
(différence non significative en faveur du contrôle «
indulgent »). Dans le détail, aucune différence
significative n’a été constatée en faveur de l’une ou l’autre
stratégie sur aucun des événements regroupés dans l’indice
composite. De plus, au plan symptomatique, les deux groupes étaient
équivalents à l’issue de l’essai. Un avantage significatif a été
noté en revanche en faveur du contrôle « indulgent » : une
réduction très nette du nombre de consultations nécessaires pour
tenter d’atteindre la FC souhaitée (75 contre 684 ;
p<0,001). Enfin, une analyse par sous groupes n’a pas
retrouvé de différence entre les deux stratégies quel que soit le
score de risque d’AVC CHADS2 de départ.
Vers de nouvelles recommandations
Il apparaît donc que se fixer un objectif nettement moins
ambitieux en terme de FC que celui préconisé par les
recommandations, n’entraîne ni augmentation de la morbi-mortalité
cardiovasculaire (et tout particulièrement de la fréquence de
l’insuffisance cardiaque), ni majoration de la symptomatologie.
Ce travail a bien sûr quelques limites qui sont soulignées par
l’éditorialiste du New England Journal of Medicine (2)
:
- ses conclusions ne sont pas nécessairement applicables à des
patients à la fonction ventriculaire gauche plus altérée que dans
RACE II (FEVG moyenne 52 %) ;
- on ne peut, en théorie, exclure un effet favorable à plus long
terme du contrôle strict ;
- certains patients dont l’insuffisance cardiaque est favorisée par
une FC élevée tirent peut-être un bénéfice d’un contrôle rigoureux
de la FC.
Ces réserves étant faites, pour l’éditorialiste, bien que
beaucoup de cardiologues risquent d’être mal à l’aise avec un
objectif aussi « laxiste » pour la FC, celui-ci devrait être adopté
en pratique clinique et une fois atteint, le traitement
éventuellement ajusté en fonction de la symptomatologie et du bien
être clinique.
Ainsi en moins de 10 ans, on sera passé d’une attitude
privilégiant la restauration du rythme sinusal (au moyen de
thérapeutiques lourdes) au simple maintien de la FC de repos en
dessous de 110/min.
Sic transit…
Dr Anastasia Roublev
1) Van Gelder I et coll. : Lenient versus strict rate control in
patients with atrial fibrillation. N Engl J Med 2010; publication
avancée en ligne le 15 mars 2010 (10.1056/NEJMoa1001337).
2) Dorian
P. Rate control in atrial fibrillation. N Engl J Med 2010; publication
avancée en ligne le 15 mars 2010 (10.1056/NEJMoa1002301).
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