Responsabilité civile du médecin - Le déroulement de la procédure civile
02/09/09
(K Particulier)
Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé
le médecin généraliste condamné à verser près de 10 000 euros au patient
Les faits
Une patiente de 49 ans est placée en arrêt de travail en juin 1999 en raison d'une lombosciatique. Rouleuse fileteuse en métallurgie, cette patiente présente des douleurs à l'épaule droite depuis 1995 laissant penser à une tendinopathie ; ces douleurs ont été traitées par plusieurs infiltrations réalisées à domicile par le médecin généraliste, la dernière datant de mai 1999. Notons que le dossier médical ne contient pas de mention concernant ces infiltrations.
La lombosciatique présentée par la patiente en juin 1999 nécessite une hospitalisation en rhumatologie. Les courriers de l'époque ne mentionnent pas la pathologie de l'épaule.
En août 1999, l'épaule de la patiente "se bloque" brutalement ; elle bénéficie d'un traitement par corticothérapie de courte durée à forte dose, d'antalgiques et d'une physiothérapie de l'épaule, prescrits par le médecin généraliste.
Par la suite, la patiente est examinée par le médecin du travail ; ce dernier constate que cette dernière ne peut pas reprendre son travail de rouleuse en raison de son état de santé. Toutefois, le médecin du travail n'énonce pas si cette prolongation d'arrêt de travail est motivée par les suites de la lombosciatique ou par la pathologie de l'épaule.
La patiente passe, en janvier 2000, un arthroscanner de l'épaule qui montre une perforation du tendon du sus-épineux et une lésion de l'insertion du tendon du sous-scapulaire, diagnostic confirmé par le rhumatologue.
Ce n'est qu'en avril 2001 que la patiente consulte un chirurgien orthopédiste comme cela lui a été conseillé. Le chirurgien constate "une rupture distale de la coiffe des rotateurs, non rétractée, transfixiante, à l'origine d'une gêne fonctionnelle douloureuse, elle-même responsable d'une capsulite rétractile", ce qu'il précise au médecin généraliste dans un courrier. L'éventualité d'une maladie professionnelle est mentionnée allusivement par le chirurgien dans ce même courrier qui précise en effet que "les ruptures de la coiffe sont souvent en rapport avec des activités nécessitant la main à hauteur d'épaule, et qui sollicitent donc l'ensemble de la coiffe des rotateurs".
Ce n'est qu'à ce moment-là - soit en avril 2001 - que le médecin généraliste établira une déclaration de maladie professionnelle.
La procédure
La patiente a engagé une procédure civile à l'encontre de son médecin généraliste ; elle considère en effet avoir perdu le bénéfice de la prise en charge de sa pathologie de l'épaule en raison du retard de déclaration de sa maladie professionnelle.
L'expert nommé constate que le médecin généraliste, le rhumatologue et le chirurgien avaient l'obligation de déclarer le caractère professionnel de la pathologie de l'épaule de la patiente. Selon l'expert, cette pathologie entrait en effet depuis 1999 dans le cadre de la définition de la maladie professionnelle inscrite au tableau sous le numéro 57 A, en relation avec "des travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l'épaule".
Le médecin généraliste a été condamné par le Tribunal de Grande Instance à indemniser la patiente à hauteur de 9 976 euros au titre du préjudice matériel de cette dernière, correspondant à la différence entre les indemnités journalières perçues et les indemnités journalières qui auraient dû être versées pendant 469 jours. Les magistrats, reprenant l'article L. 461-6 du Code de la sécurité sociale, considèrent en effet que le médecin a tardé à établir la déclaration de maladie professionnelle entre le 28 août 1999 et le 8 juin 2001 : "en vue tant de la prévention des maladies professionnelles que d'une meilleure connaissance de la pathologie professionnelle... la déclaration est obligatoire pour tout docteur en médecine qui peut en connaître l'existence... Il est constant qu'il s'agit d'une obligation générale qui s'impose à tout docteur en médecine... sont ainsi concernés, outre les médecins du travail, les médecins conseils des caisses de sécurité sociale et les médecins traitants". Notons enfin que les autres praticiens ayant ponctuellement pris en charge la patiente n'ont pas été mis en cause.
Ce que dit la loi
L'article L. 461-6 du Code de la sécurité sociale précise que : "En vue, tant de la prévention des maladies professionnelles que d'une meilleure connaissance de la pathologie professionnelle et de l'extension ou de la révision des tableaux, est obligatoire, pour tout docteur en médecine qui peut en connaître l'existence, notamment les médecins du travail, la déclaration de tout symptôme d'imprégnation toxique et de toute maladie, lorsqu'ils ont un caractère professionnel et figurent sur une liste établie par arrêté interministériel, après avis du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels. Il doit également déclarer tout symptôme et toute maladie non compris dans cette liste mais qui présentent, à son avis, un caractère professionnel. La déclaration prévue aux deux alinéas précédents est établie et transmise selon des modalités fixées par voie réglementaire".
Par ailleurs, l'article R. 4127-76 du Code de la santé publique (article 76 du Code de déontologie médicale) rappelle l'obligation pour tout médecin d'établir, "conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires".
les conseils
Les textes imposent à tout médecin de déclarer "tout symptôme d'imprégnation toxique et de toute maladie, lorsqu'ils ont un caractère professionnel et figurent sur une liste établie par arrêté interministériel", et même s'ils ne sont pas mentionnés sur la liste mais qu'ils présentent, selon le médecin, un caractère professionnel. Ainsi, dans une telle situation, le médecin doit non seulement établir le certificat médical initial obligatoire, mais également rédiger une déclaration adressée au ministère du Travail par l'intermédiaire du médecin inspecteur régional du travail. Cette déclaration constitue une dérogation légale au secret professionnel, de même que le certificat médical initial obligatoire.
En dehors de ce cas, tout médecin a l'obligation de rédiger le certificat médical initial qui accompagnera la déclaration de maladie professionnelle réalisée par le patient auprès de sa Caisse Primaire d'Assurance Maladie. Ce certificat comporte "la nature de la maladie, notamment les manifestations mentionnées aux tableaux et constatées ainsi que les suites probables" (article L. 461-5 du Code de la sécurité sociale).
Le médecin traitant est un maillon important du dépistage des maladies professionnelles ; aussi doit-il questionner le patient sur son activité professionnelle, sur ses conditions de travail et sur les éventuels produits qu'il est amenés à manipuler, et ensuite faire le lien avec les symptômes présentés par le patient. Il convient de colliger l'ensemble de ces informations dans le dossier médical du patient.
08.12 UVD 09 F 1759 IN
02/09/09
(K Particulier)
Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé
le médecin généraliste condamné à verser près de 10 000 euros au patient
Les faits
Une patiente de 49 ans est placée en arrêt de travail en juin 1999 en raison d'une lombosciatique. Rouleuse fileteuse en métallurgie, cette patiente présente des douleurs à l'épaule droite depuis 1995 laissant penser à une tendinopathie ; ces douleurs ont été traitées par plusieurs infiltrations réalisées à domicile par le médecin généraliste, la dernière datant de mai 1999. Notons que le dossier médical ne contient pas de mention concernant ces infiltrations.
La lombosciatique présentée par la patiente en juin 1999 nécessite une hospitalisation en rhumatologie. Les courriers de l'époque ne mentionnent pas la pathologie de l'épaule.
En août 1999, l'épaule de la patiente "se bloque" brutalement ; elle bénéficie d'un traitement par corticothérapie de courte durée à forte dose, d'antalgiques et d'une physiothérapie de l'épaule, prescrits par le médecin généraliste.
Par la suite, la patiente est examinée par le médecin du travail ; ce dernier constate que cette dernière ne peut pas reprendre son travail de rouleuse en raison de son état de santé. Toutefois, le médecin du travail n'énonce pas si cette prolongation d'arrêt de travail est motivée par les suites de la lombosciatique ou par la pathologie de l'épaule.
La patiente passe, en janvier 2000, un arthroscanner de l'épaule qui montre une perforation du tendon du sus-épineux et une lésion de l'insertion du tendon du sous-scapulaire, diagnostic confirmé par le rhumatologue.
Ce n'est qu'en avril 2001 que la patiente consulte un chirurgien orthopédiste comme cela lui a été conseillé. Le chirurgien constate "une rupture distale de la coiffe des rotateurs, non rétractée, transfixiante, à l'origine d'une gêne fonctionnelle douloureuse, elle-même responsable d'une capsulite rétractile", ce qu'il précise au médecin généraliste dans un courrier. L'éventualité d'une maladie professionnelle est mentionnée allusivement par le chirurgien dans ce même courrier qui précise en effet que "les ruptures de la coiffe sont souvent en rapport avec des activités nécessitant la main à hauteur d'épaule, et qui sollicitent donc l'ensemble de la coiffe des rotateurs".
Ce n'est qu'à ce moment-là - soit en avril 2001 - que le médecin généraliste établira une déclaration de maladie professionnelle.
La procédure
La patiente a engagé une procédure civile à l'encontre de son médecin généraliste ; elle considère en effet avoir perdu le bénéfice de la prise en charge de sa pathologie de l'épaule en raison du retard de déclaration de sa maladie professionnelle.
L'expert nommé constate que le médecin généraliste, le rhumatologue et le chirurgien avaient l'obligation de déclarer le caractère professionnel de la pathologie de l'épaule de la patiente. Selon l'expert, cette pathologie entrait en effet depuis 1999 dans le cadre de la définition de la maladie professionnelle inscrite au tableau sous le numéro 57 A, en relation avec "des travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l'épaule".
Le médecin généraliste a été condamné par le Tribunal de Grande Instance à indemniser la patiente à hauteur de 9 976 euros au titre du préjudice matériel de cette dernière, correspondant à la différence entre les indemnités journalières perçues et les indemnités journalières qui auraient dû être versées pendant 469 jours. Les magistrats, reprenant l'article L. 461-6 du Code de la sécurité sociale, considèrent en effet que le médecin a tardé à établir la déclaration de maladie professionnelle entre le 28 août 1999 et le 8 juin 2001 : "en vue tant de la prévention des maladies professionnelles que d'une meilleure connaissance de la pathologie professionnelle... la déclaration est obligatoire pour tout docteur en médecine qui peut en connaître l'existence... Il est constant qu'il s'agit d'une obligation générale qui s'impose à tout docteur en médecine... sont ainsi concernés, outre les médecins du travail, les médecins conseils des caisses de sécurité sociale et les médecins traitants". Notons enfin que les autres praticiens ayant ponctuellement pris en charge la patiente n'ont pas été mis en cause.
Ce que dit la loi
L'article L. 461-6 du Code de la sécurité sociale précise que : "En vue, tant de la prévention des maladies professionnelles que d'une meilleure connaissance de la pathologie professionnelle et de l'extension ou de la révision des tableaux, est obligatoire, pour tout docteur en médecine qui peut en connaître l'existence, notamment les médecins du travail, la déclaration de tout symptôme d'imprégnation toxique et de toute maladie, lorsqu'ils ont un caractère professionnel et figurent sur une liste établie par arrêté interministériel, après avis du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels. Il doit également déclarer tout symptôme et toute maladie non compris dans cette liste mais qui présentent, à son avis, un caractère professionnel. La déclaration prévue aux deux alinéas précédents est établie et transmise selon des modalités fixées par voie réglementaire".
Par ailleurs, l'article R. 4127-76 du Code de la santé publique (article 76 du Code de déontologie médicale) rappelle l'obligation pour tout médecin d'établir, "conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires".
les conseils
Les textes imposent à tout médecin de déclarer "tout symptôme d'imprégnation toxique et de toute maladie, lorsqu'ils ont un caractère professionnel et figurent sur une liste établie par arrêté interministériel", et même s'ils ne sont pas mentionnés sur la liste mais qu'ils présentent, selon le médecin, un caractère professionnel. Ainsi, dans une telle situation, le médecin doit non seulement établir le certificat médical initial obligatoire, mais également rédiger une déclaration adressée au ministère du Travail par l'intermédiaire du médecin inspecteur régional du travail. Cette déclaration constitue une dérogation légale au secret professionnel, de même que le certificat médical initial obligatoire.
En dehors de ce cas, tout médecin a l'obligation de rédiger le certificat médical initial qui accompagnera la déclaration de maladie professionnelle réalisée par le patient auprès de sa Caisse Primaire d'Assurance Maladie. Ce certificat comporte "la nature de la maladie, notamment les manifestations mentionnées aux tableaux et constatées ainsi que les suites probables" (article L. 461-5 du Code de la sécurité sociale).
Le médecin traitant est un maillon important du dépistage des maladies professionnelles ; aussi doit-il questionner le patient sur son activité professionnelle, sur ses conditions de travail et sur les éventuels produits qu'il est amenés à manipuler, et ensuite faire le lien avec les symptômes présentés par le patient. Il convient de colliger l'ensemble de ces informations dans le dossier médical du patient.
08.12 UVD 09 F 1759 IN
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