(K Particulier)
Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé
Les faits
Un patient de 51 ans en bonne santé présente une douleur de forte intensité de l'hémithorax et de l'épaule gauches, survenue après avoir marché 100 mètres ; le patient s'assoit sur un mur bas pendant 10 minutes, mais la douleur ne disparaît pas. L'épouse du patient le conduit en voiture directement au cabinet médical dans lequel exerce son médecin traitant.
Le patient est alors examiné par un premier médecin généraliste qui note, sur sa fiche de consultation : "Tabac : 2 paquets par jour ; hypertriglycéridémie et intolérance au glucose non traitées ; rhinosinusite + bronchite ; tension artérielle 12-7 ; 103 kg ; traitement : antibactérien à usage systémique, glucocorticoïde, analgésique".
Le patient, rentré à son domicile, prend les médicaments prescrits, et constate une disparition progressive de la douleur avec toutefois une persistance de la fatigue.
Le lundi matin, devant la réapparition de la douleur, le patient retourne au cabinet médical ; il est examiné par un deuxième médecin généraliste qui note que le patient se plaint d'une "douleur thoracique irradiant dans l'épaule et l'omoplate gauches". La tension artérielle est à 14/7 ; la glycémie est à 3,50 g. Il réalise un électrocardiogramme paraissant éliminer une pathologie cardiaque ; une radiographie pulmonaire est alors prescrite afin de rechercher une affection pleurale. Le médecin conseille à son patient de revenir le voir à 14h, muni des résultats de cet examen.
La radiographie pulmonaire est normale ; le médecin contacte alors son correspondant cardiologue qui lui conseille de réexaminer le patient, ce que ce dernier fait. Il constate alors une douleur à la palpation des 7ème et 8ème espaces intercostaux gauches, qui paraissent valider le diagnostic de douleur pariétale. Par sécurité, le médecin adresse son patient au laboratoire d'analyses pour y effectuer un dosage des enzymes cardiaques.
Le patient ne se rend pas au laboratoire, mais sur son lieu de travail, étant rassuré par les examens complémentaires réalisés qui sont normaux. Vers 5h du matin la nuit suivante, présentant à nouveau une douleur, il décide de se rendre au laboratoire pour y effecteur le dosage, mais en repassant par son bureau où il a oublié l'ordonnance la veille. Lors du trajet en voiture, le patient ressent une très forte douleur ; arrivé à son bureau, il s'écroule dans le couloir ; il ne peut être réanimé malgré l'arrivée sur place des secours.
La procédure
L'expert nommé dans cette affaire retenait que le décès du patient était dû à un infarctus du myocarde, "cause la plus fréquente de mort subite chez l'homme surtout quand elle est précédée de douleurs thoraciques et qu'il existe de multiples facteurs de risque : hypertriglycéridémie, hyperglycémie, surcharge pondérale et surtout un tabagisme très important".
L'expert retient, concernant le premier généraliste, que ses soins n'ont pas été attentifs et diligents. Selon l'expert, il aurait dû davantage interroger le patient sur la raison de sa consultation en urgence ; bien plus, il a "négligé les facteurs de risque associés qu'il avait pourtant notés dans sa fiche de consultation". Le patient a ainsi perdu une chance dans la mesure où le diagnostic aurait pu être posé plus tôt soit par le dosage des enzymes cardiaques, soit en sollicitant l'avis d'un confrère spécialiste, soit en prescrivant une hospitalisation.
Concernant le deuxième généraliste amené à prendre en charge le patient, l'expert retient qu'il a "conduit son examen dans les règles de l'art, mais que le patient ne s'était pas rendu au laboratoire pour des examens biologiques déterminants".
Suivant les conclusions expertales, le Tribunal de Grande Instance a condamné le premier médecin généraliste à verser 20 400 € aux ayants droit du patient décédé, en réparation de leur préjudice moral, et a éliminé toute responsabilité du deuxième médecin généraliste.
Ce que dit la loi
Le médecin doit toujours élaborer un diagnostic avec le plus grand soin et en y consacrant le temps nécessaire. À cette fin, il doit utiliser, dans toute la mesure du possible, les méthodes scientifiques les mieux adaptées et solliciter, s'il y a lieu, les concours appropriés (article 33 du Code de déontologie médicale codifié dans l'article R. 4127-33 du Code de la santé publique). Notons par ailleurs qu'"hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé (...) ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute" (article L. 1142-1 du Code de la santé publique).
Les conseils
Dans le cadre de l'élaboration du diagnostic, le médecin doit questionner le patient afin de relever le plus grand nombre d'éléments utiles (antécédents, facteurs de risques...).
Une fois ces éléments en sa possession, le médecin doit les analyser et agir en conséquence, mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour parvenir au diagnostic : faire réaliser les examens complémentaires pour confirmer ou affiner le diagnostic, adresser son patient à un confrère spécialiste lorsque cela est nécessaire, faire hospitaliser le patient en cas d'urgence...
Il convient de retenir que l'erreur de raisonnement du médecin face à l'ensemble des éléments à sa disposition, l'omission de faire pratiquer les examens complémentaires nécessaires, ne pas s'informer des résultats de ces examens, ne pas orienter son patient vers un confrère alors qu'un avis s'imposait..., sont autant d'attitudes qui seront considérées comme fautives par les magistrats.
Il convient de noter dans le dossier médical du patient toutes les démarches entreprises au cours de l'élaboration du diagnostic, afin d'en conserver la preuve en cas de litige ultérieur éventuel.
06.12 UVD 09 F 1720 IN
Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé
Les faits
Un patient de 51 ans en bonne santé présente une douleur de forte intensité de l'hémithorax et de l'épaule gauches, survenue après avoir marché 100 mètres ; le patient s'assoit sur un mur bas pendant 10 minutes, mais la douleur ne disparaît pas. L'épouse du patient le conduit en voiture directement au cabinet médical dans lequel exerce son médecin traitant.
Le patient est alors examiné par un premier médecin généraliste qui note, sur sa fiche de consultation : "Tabac : 2 paquets par jour ; hypertriglycéridémie et intolérance au glucose non traitées ; rhinosinusite + bronchite ; tension artérielle 12-7 ; 103 kg ; traitement : antibactérien à usage systémique, glucocorticoïde, analgésique".
Le patient, rentré à son domicile, prend les médicaments prescrits, et constate une disparition progressive de la douleur avec toutefois une persistance de la fatigue.
Le lundi matin, devant la réapparition de la douleur, le patient retourne au cabinet médical ; il est examiné par un deuxième médecin généraliste qui note que le patient se plaint d'une "douleur thoracique irradiant dans l'épaule et l'omoplate gauches". La tension artérielle est à 14/7 ; la glycémie est à 3,50 g. Il réalise un électrocardiogramme paraissant éliminer une pathologie cardiaque ; une radiographie pulmonaire est alors prescrite afin de rechercher une affection pleurale. Le médecin conseille à son patient de revenir le voir à 14h, muni des résultats de cet examen.
La radiographie pulmonaire est normale ; le médecin contacte alors son correspondant cardiologue qui lui conseille de réexaminer le patient, ce que ce dernier fait. Il constate alors une douleur à la palpation des 7ème et 8ème espaces intercostaux gauches, qui paraissent valider le diagnostic de douleur pariétale. Par sécurité, le médecin adresse son patient au laboratoire d'analyses pour y effectuer un dosage des enzymes cardiaques.
Le patient ne se rend pas au laboratoire, mais sur son lieu de travail, étant rassuré par les examens complémentaires réalisés qui sont normaux. Vers 5h du matin la nuit suivante, présentant à nouveau une douleur, il décide de se rendre au laboratoire pour y effecteur le dosage, mais en repassant par son bureau où il a oublié l'ordonnance la veille. Lors du trajet en voiture, le patient ressent une très forte douleur ; arrivé à son bureau, il s'écroule dans le couloir ; il ne peut être réanimé malgré l'arrivée sur place des secours.
La procédure
L'expert nommé dans cette affaire retenait que le décès du patient était dû à un infarctus du myocarde, "cause la plus fréquente de mort subite chez l'homme surtout quand elle est précédée de douleurs thoraciques et qu'il existe de multiples facteurs de risque : hypertriglycéridémie, hyperglycémie, surcharge pondérale et surtout un tabagisme très important".
L'expert retient, concernant le premier généraliste, que ses soins n'ont pas été attentifs et diligents. Selon l'expert, il aurait dû davantage interroger le patient sur la raison de sa consultation en urgence ; bien plus, il a "négligé les facteurs de risque associés qu'il avait pourtant notés dans sa fiche de consultation". Le patient a ainsi perdu une chance dans la mesure où le diagnostic aurait pu être posé plus tôt soit par le dosage des enzymes cardiaques, soit en sollicitant l'avis d'un confrère spécialiste, soit en prescrivant une hospitalisation.
Concernant le deuxième généraliste amené à prendre en charge le patient, l'expert retient qu'il a "conduit son examen dans les règles de l'art, mais que le patient ne s'était pas rendu au laboratoire pour des examens biologiques déterminants".
Suivant les conclusions expertales, le Tribunal de Grande Instance a condamné le premier médecin généraliste à verser 20 400 € aux ayants droit du patient décédé, en réparation de leur préjudice moral, et a éliminé toute responsabilité du deuxième médecin généraliste.
Ce que dit la loi
Le médecin doit toujours élaborer un diagnostic avec le plus grand soin et en y consacrant le temps nécessaire. À cette fin, il doit utiliser, dans toute la mesure du possible, les méthodes scientifiques les mieux adaptées et solliciter, s'il y a lieu, les concours appropriés (article 33 du Code de déontologie médicale codifié dans l'article R. 4127-33 du Code de la santé publique). Notons par ailleurs qu'"hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé (...) ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute" (article L. 1142-1 du Code de la santé publique).
Les conseils
Dans le cadre de l'élaboration du diagnostic, le médecin doit questionner le patient afin de relever le plus grand nombre d'éléments utiles (antécédents, facteurs de risques...).
Une fois ces éléments en sa possession, le médecin doit les analyser et agir en conséquence, mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour parvenir au diagnostic : faire réaliser les examens complémentaires pour confirmer ou affiner le diagnostic, adresser son patient à un confrère spécialiste lorsque cela est nécessaire, faire hospitaliser le patient en cas d'urgence...
Il convient de retenir que l'erreur de raisonnement du médecin face à l'ensemble des éléments à sa disposition, l'omission de faire pratiquer les examens complémentaires nécessaires, ne pas s'informer des résultats de ces examens, ne pas orienter son patient vers un confrère alors qu'un avis s'imposait..., sont autant d'attitudes qui seront considérées comme fautives par les magistrats.
Il convient de noter dans le dossier médical du patient toutes les démarches entreprises au cours de l'élaboration du diagnostic, afin d'en conserver la preuve en cas de litige ultérieur éventuel.
06.12 UVD 09 F 1720 IN
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