Sur-risque marginal de diabète confirmé avec les statines à forte dose
24 juin 2011 | Vincent Bargoin
Glasgow,
Grande-Bretagne - Une méta-analyse publiée dans le Journal de
l'American Medical Association, met en évidence un sur-risque de diabète
associé au traitement par statine à forte dose par rapport à la faible
dose [1].
Qualitativement, la fameuse méta-analyse publiée en
2010 dans le Lancet, qui montrait une augmentation de 9% de l'incidence
relative du diabète sous statine, est donc confirmée [2]. Au passage, on
note que les auteurs du premier papier figurent également parmi les
auteurs du second, aux côtés d'auteurs américains, australiens,
néerlandais, norvégiens et finlandais.
Une attitude unilatérale très critiquée
Le
problème est ensuite de décider de l'interprétation à donner à ce
sur-risque. Car, quantitativement, le sur-risque de diabète que le
nouveau papier du JAMA associe aux fortes doses de statines, reste
inférieur au bénéfice cardiovasculaire tiré de ces fortes doses. Grosso
modo, là où une forte dose aura induit un diabète, elle aura aussi
prévenu entre trois et quatre évènements CV.
Malgré ce rapport
évènements CV prévenus/diabètes induits nettement favorable, les auteurs
mettent l'accent sur le risque, beaucoup plus que sur le bénéfice. On
se souvient que cette attitude avait déjà soulevé nombre de critiques en
2010. Et c'est encore la même réaction que suscite le dernier papier du
JAMA.
Interrogé par heartwire, le Pr Jean-François
Bergmann (Hôpital Lariboisière, Paris), estime que « l'augmentation du
risque est minuscule (2 pour 1000), et avec un niveau de preuve fragile
(comme toute méta-analyse), en regard du gain cardio-vasculaire
indiscutable des fortes doses par rapport aux faibles doses de statines.
» L'intérêt, pour les auteurs, semble surtout de « faire un papier dans
le JAMA. » Mais il n'en ressort « aucune information nouvelle
cliniquement importante pour la pratique. »
Le verre est beaucoup plus à moitié plein qu'à demi-vide
La
dernière méta-analyse concerne des essais randomisés et contrôlés
comparant des fortes à des faibles doses de statines, incluant au moins
1000 participants, suivis au moins durant un an. Au final 5 essais ont
été retenus, incluant 32752 participants initialement non diabétiques.
Au cours d'un suivi moyen de 4,9 ans, 2749 participants ont développé un
diabète, dont 1449 sujets traités par fortes doses, et 1300 traités par
faibles doses.
L'analyse montre que, par rapport à un traitement
par faible dose, un traitement par forte dose de statine comporte un RR
d'apparition d'un diabète de 1,12 (IC 95% [1,04-1,22]), soit
l'apparition de 2 cas supplémentaires de diabète pour 1000
année.patients.
Par ailleurs, 6684 évènements cardiovasculaires
ont été recensés en cours de suivi, dont 3134 parmi les patients traités
par de fortes doses, et 3550 parmi les patients traités par faibles
doses. Cette fois, le bénéfice s'inverse, puisque le RR d'évènement avec
une forte dose passe à 0,84 (IC 95% [0,75-0,94]), soit l'évitement de
6,5 évènements pour 1000 année.patients avec une forte dose par rapport à
une faible dose.
On note encore que le bénéfice des fortes doses
a été retrouvé dans tous les sous-groupes, et concerne tous les
évènements cardiovasculaires, y compris les décès. S'agissant des
diabètes induits, en revanche, le risque semble surtout concerner les
sujets présentant des triglycérides inférieurs à la médiane sous
traitement intensif. « En l'absence d'un mécanisme plausible [expliquant
l'induction d'un diabète sous statine], il pourrait s'agir d'une
observation due au hasard », soulignent toutefois les auteurs.
Pour
résumer la situation, les auteurs calculent qu'il faut traiter
intensivement 498 patients durant un an pour induire un diabète (par
rapport à un traitement à faible dose), et 155 patients pour prévenir un
évènement cardiovasculaire. La balance reste donc nettement favorable,
et d'autant plus que le sur-risque de diabète soulève malgré tout
quelques questions.
Les questions sur le sur-risque
Il
reste des questions. Premièrement, le mécanisme. Comme le reconnaissent
les auteurs, « aucun mécanisme potentiel expliquant l'observation d'une
incidence plus élevée de diabète sous statine que sous placebo, et sous
statine à forte dose que sous statine à faible dose, n'a été identifié.
»
Deuxièmement, la distribution du risque. « On ne sait toujours
pas si le traitement par statine est associé à une augmentation du
risque chez tous les patients, ou si un sous-groupe spécifique présente
un risque particulier. »
Troisièmement, les conséquences du
risque. « Bien que le traitement par statine soit associé à une
incidence du diabète plus élevée, on ne sait pas dans quelle mesure
cette augmentation se traduit par des microangiopathies à long terme. »
Assez
curieusement, c'est à partir de cette troisième question que les
auteurs finissent malgré tout par reconnaitre un rapport bénéfice/risque
favorable.
« Sachant d'une part que le risque cardiovasculaire
du diabète est modeste dans la décennie suivant le diagnostic, et
d'autre part, que le bénéfice des statines augmente avec la durée du
traitement, le bénéfice cardiovasculaire net chez des individus à haut
risque favorisera toujours fortement le traitement par statine. »
Cette
estimation est indiscutable. Mais elle tient sans doute moins à un
risque cardiovasculaire initialement modeste du diabète, qu'au ratio
très positif entre évènements CV prévenus et diabètes induits.
Une prudence élémentaire, mais pas d'alarme
En
conclusion, les auteurs se bornent à indiquer que « [leurs] résultats
suggèrent que les cliniciens devraient être attentifs au développement
d'un diabète chez les patients traités par statine à forte dose. »
L'an
dernier, lors de la publication de la première méta-analyse dans le
Lancet, le Pr Philippe Moulin (endocrino-diabétologue, Lyon), faisait ce
commentaire pour heartwire. « L'enseignement le plus important de cette
étude est que c'est une pierre dans le paradigme et dans le courant de
pensée disant que les statines sont totalement inoffensives et doivent
être mises dans l'eau de boisson. Vu les effets latéraux qui favorisent
très légèrement le diabète 2, cette stratégie comporte des
inconvénients. Il faut arrêter d'élargir à l'infini les indications des
statines et reposer la question du bénéfice/risque, d'autant plus quand
la prescription s'adresse, comme souvent, à des personnes âgées. » Rien
n'a changé depuis.
Tous les
auteurs de la méta-analyse ont déclaré leurs conflits d'intérêts
conformément aux exigences de l'International Committee of Medical
Journal Editors (ICMJE).
Etant donné la longueur de ces déclarations,
heartwire renvoie les lecteurs qui souhaitent la consulter à la
publication originale dans le JAMA.
Source :
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Pour un rappel : Atrovastatine 10 mg : 3 indications
- Indications biologiques :
. Réduction des hypercholestérolémies pures (type IIa) ou mixtes (type IIb et III) en complément d'un régime adapté et assidu.
.
Hypercholestérolémie familiale homozygote, en addition à d'autres
traitements hypolipémiants (notamment LDL aphérèse) ou lorsque de tels
traitements ne sont pas disponibles.
- Indications basées sur des études cliniques d'intervention :
.
Réduction des événements coronaires chez des patients hypertendus
traités avec 3 facteurs de risque en prévention primaire, avec ou sans
hyperlipidémie associée (voir rubrique propriétés pharmacologiques).
.
Prévention des événements coronaires et cérébrovasculaires chez des
patients diabétiques de type 2 avec un autre facteur de risque, avec ou
sans hyperlipidémie associée.
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