Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé
Les faits
En 1998, une patiente de 26 ans présente des épisodes d'obstruction nasale, une sécheresse oculaire, des éternuements et des oedèmes palpébraux importants. Devant ces symptômes, elle consulte un pneumo-allergologue qui retient une conjonctivite printanière et des épisodes de toux spasmodiques. Selon le pneumo-allergologue, ces épisodes paraissent en relation avec une allergie aux acariens et aux pollens de graminées. Notons que cette patiente consultait une fois par an un ophtalmologiste (examen systématique et prescription d'une correction optique). En raison de ces problèmes d'atopie, la patiente s'est vue prescrire, de 1993 à 2000, de nombreux collyres et antihistaminiques (application locale).
En 2003, son médecin généraliste lui prescrit pour la première fois un collyre associant un corticoïde et un anti-infectieux, à raison de 2 gouttes matin et soir dans les deux yeux. Ce même collyre est prescrit régulièrement pendant un an et demi. Au cours de cette même période, la patiente consultera peu d'ophtalmologistes ; elle ne les informera pas du traitement associant corticoïde et anti-infectieux prescrit par son médecin généraliste. Le suivi de ce traitement pendant un an et demi a entraîné une amélioration transitoire ; cependant, les symptômes de la patiente reprenaient rapidement, impliquant une reprise continuelle du traitement.
À l'issue de cette période, suite à la perception de points noirs suivie, quelques jours plus tard à son réveil, par une perte de la vision à droite et une baisse de l'acuité visuelle à gauche, la patiente consulte en urgence un ophtalmologiste. Une cataracte bilatérale est alors diagnostiquée, accompagnée d'une hypertonie à 40 mm de mercure sur l'oeil droit et une hypertonie plus modérée sur l'oeil gauche.
La patiente subira une opération de la cataracte bilatérale après que l'hypertonie ait été réduite. Elle récupérera une vision de 6/10° à gauche et de 5/10° à droite.
La procédure
L'expert judiciaire a conclu que l'apparition de la cataracte cortico-induite associée à l'hypertonie chez la patiente, est entièrement due à l'utilisation prolongée du collyre associant corticoïde et anti-infectieux. Il indique également que la notice grand public d'utilisation de ce médicament mentionnait clairement qu'une surveillance par un ophtalmologiste était nécessaire en cas de prolongement du traitement : selon l'expert, "il est difficile dans ces conditions d'admettre que la patiente était inconsciente de la puissance du collyre utilisé". L'expert ajoute qu'il aurait été logique et utile que la patiente informe son ophtalmologiste du traitement prescrit, et constate que le médecin généraliste prescripteur était au courant des effets secondaires éventuels de ce collyre. L'expert rappelle en effet que "ses effets sont clairement indiqués sur l'information destinée au corps médical par le laboratoire et chaque médecin peut consulter les fiches du dictionnaire Vidal".
Le Tribunal de Grande Instance a retenu la responsabilité du médecin généraliste d'une part, pour avoir failli à ses devoirs thérapeutiques et d'autre part, pour défaut d'information et de conseil. Les magistrats ont en effet retenu que "la relation entre médecin et patient repose sur le principe de confiance qui fonde le libre choix par le malade de son médecin. Un médecin ne peut exiger de son patient plus de compréhension de la posologie qu'il n'en a lui-même". Les magistrats ont en effet estimé que la patiente, en s'en tenant strictement aux prescriptions de son médecin généraliste qui ne l'a pas informée des effets nocifs de l'utilisation prolongée du traitement régulièrement renouvelé, n'a pas commis de faute. Par ailleurs, la responsabilité du médicament n'a pas été retenue dans la mesure où c'est uniquement son utilisation prolongée qui a posé un problème.
Le médecin généraliste a ainsi été condamné à verser 27 533 à sa patiente.
Ce que dit la loi
L'article L. 1111-2 du Code de la santé publique précise que : "Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus". Par ailleurs, l'article R. 4127-34 indique que : "Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution". Enfin, l'article R. 4127-40 du Code la santé publique interdit au médecin de "faire courir au patient un risque injustifié" dans les thérapeutiques qu'il prescrit.
Les conseils
Lorsqu'il prescrit un traitement, le médecin doit non seulement informer le patient sur l'intérêt de ce traitement, mais aussi sur les précautions à prendre dans le cadre de ce traitement, sur la surveillance à respecter pendant le traitement, sur ses effets secondaires éventuels (risques fréquents ou graves normalement prévisibles), sur sa fréquence et sa posologie. Ainsi, dans cette affaire, le médecin généraliste aurait dû informer sa patiente sur les effets secondaires du collyre à base de corticoïde en cas de prise prolongée, et sur la nécessité de consulter un ophtalmologiste le cas échéant. Rappelons que dans le cadre d'une procédure en responsabilité médicale, c'est au médecin qu'il appartient de prouver qu'il a bien informé son patient sur la prescription du traitement. Aussi doit-il mentionner dans le dossier médical du patient l'ensemble des informations qu'il lui aura délivrées au cours de l'entretien individuel.
Enfin, retenons également que le médecin n'aurait pas dû prescrire de manière répétée ce collyre, connaissant les effets secondaires qu'une telle prescription pouvait entraîner. Bien plus, il aurait dû, constatant que la pathologie ne s'améliorait pas, s'adjoindre l'avis d'un ophtalmologiste ou orienter directement sa patiente vers un tel spécialiste.
Les faits
En 1998, une patiente de 26 ans présente des épisodes d'obstruction nasale, une sécheresse oculaire, des éternuements et des oedèmes palpébraux importants. Devant ces symptômes, elle consulte un pneumo-allergologue qui retient une conjonctivite printanière et des épisodes de toux spasmodiques. Selon le pneumo-allergologue, ces épisodes paraissent en relation avec une allergie aux acariens et aux pollens de graminées. Notons que cette patiente consultait une fois par an un ophtalmologiste (examen systématique et prescription d'une correction optique). En raison de ces problèmes d'atopie, la patiente s'est vue prescrire, de 1993 à 2000, de nombreux collyres et antihistaminiques (application locale).
En 2003, son médecin généraliste lui prescrit pour la première fois un collyre associant un corticoïde et un anti-infectieux, à raison de 2 gouttes matin et soir dans les deux yeux. Ce même collyre est prescrit régulièrement pendant un an et demi. Au cours de cette même période, la patiente consultera peu d'ophtalmologistes ; elle ne les informera pas du traitement associant corticoïde et anti-infectieux prescrit par son médecin généraliste. Le suivi de ce traitement pendant un an et demi a entraîné une amélioration transitoire ; cependant, les symptômes de la patiente reprenaient rapidement, impliquant une reprise continuelle du traitement.
À l'issue de cette période, suite à la perception de points noirs suivie, quelques jours plus tard à son réveil, par une perte de la vision à droite et une baisse de l'acuité visuelle à gauche, la patiente consulte en urgence un ophtalmologiste. Une cataracte bilatérale est alors diagnostiquée, accompagnée d'une hypertonie à 40 mm de mercure sur l'oeil droit et une hypertonie plus modérée sur l'oeil gauche.
La patiente subira une opération de la cataracte bilatérale après que l'hypertonie ait été réduite. Elle récupérera une vision de 6/10° à gauche et de 5/10° à droite.
La procédure
L'expert judiciaire a conclu que l'apparition de la cataracte cortico-induite associée à l'hypertonie chez la patiente, est entièrement due à l'utilisation prolongée du collyre associant corticoïde et anti-infectieux. Il indique également que la notice grand public d'utilisation de ce médicament mentionnait clairement qu'une surveillance par un ophtalmologiste était nécessaire en cas de prolongement du traitement : selon l'expert, "il est difficile dans ces conditions d'admettre que la patiente était inconsciente de la puissance du collyre utilisé". L'expert ajoute qu'il aurait été logique et utile que la patiente informe son ophtalmologiste du traitement prescrit, et constate que le médecin généraliste prescripteur était au courant des effets secondaires éventuels de ce collyre. L'expert rappelle en effet que "ses effets sont clairement indiqués sur l'information destinée au corps médical par le laboratoire et chaque médecin peut consulter les fiches du dictionnaire Vidal".
Le Tribunal de Grande Instance a retenu la responsabilité du médecin généraliste d'une part, pour avoir failli à ses devoirs thérapeutiques et d'autre part, pour défaut d'information et de conseil. Les magistrats ont en effet retenu que "la relation entre médecin et patient repose sur le principe de confiance qui fonde le libre choix par le malade de son médecin. Un médecin ne peut exiger de son patient plus de compréhension de la posologie qu'il n'en a lui-même". Les magistrats ont en effet estimé que la patiente, en s'en tenant strictement aux prescriptions de son médecin généraliste qui ne l'a pas informée des effets nocifs de l'utilisation prolongée du traitement régulièrement renouvelé, n'a pas commis de faute. Par ailleurs, la responsabilité du médicament n'a pas été retenue dans la mesure où c'est uniquement son utilisation prolongée qui a posé un problème.
Le médecin généraliste a ainsi été condamné à verser 27 533 à sa patiente.
Ce que dit la loi
L'article L. 1111-2 du Code de la santé publique précise que : "Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus". Par ailleurs, l'article R. 4127-34 indique que : "Le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par le patient et son entourage et s'efforcer d'en obtenir la bonne exécution". Enfin, l'article R. 4127-40 du Code la santé publique interdit au médecin de "faire courir au patient un risque injustifié" dans les thérapeutiques qu'il prescrit.
Les conseils
Lorsqu'il prescrit un traitement, le médecin doit non seulement informer le patient sur l'intérêt de ce traitement, mais aussi sur les précautions à prendre dans le cadre de ce traitement, sur la surveillance à respecter pendant le traitement, sur ses effets secondaires éventuels (risques fréquents ou graves normalement prévisibles), sur sa fréquence et sa posologie. Ainsi, dans cette affaire, le médecin généraliste aurait dû informer sa patiente sur les effets secondaires du collyre à base de corticoïde en cas de prise prolongée, et sur la nécessité de consulter un ophtalmologiste le cas échéant. Rappelons que dans le cadre d'une procédure en responsabilité médicale, c'est au médecin qu'il appartient de prouver qu'il a bien informé son patient sur la prescription du traitement. Aussi doit-il mentionner dans le dossier médical du patient l'ensemble des informations qu'il lui aura délivrées au cours de l'entretien individuel.
Enfin, retenons également que le médecin n'aurait pas dû prescrire de manière répétée ce collyre, connaissant les effets secondaires qu'une telle prescription pouvait entraîner. Bien plus, il aurait dû, constatant que la pathologie ne s'améliorait pas, s'adjoindre l'avis d'un ophtalmologiste ou orienter directement sa patiente vers un tel spécialiste.
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