"Ce traitement ne convient pas aux enfants"
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L'HISTOIRE
Des grands-parents accueillent leur petite-fille de 4 ans pendant les vacances qui, dès son arrivée par avion, se plaint d’avoir mal aux oreilles. Mettant cela sur le compte de la mauvaise pressurisation de l’avion et de l’émotion liée à ce premier voyage seule, ils la rassurent et ne tiennent pas compte de ses plaintes.
Elle se réveille plusieurs fois dans la nuit, disant avoir mal aux oreilles, ce qui conduit les grands-parents à prendre sa température le lendemain matin : 39° C. Ils téléphonent alors à leur médecin traitant, en fin de carrière et à orientation plutôt gériatrique, qui n’est pas inquiet et conseille uniquement l’administration d'un antalgique antipyrétique.
Si la température baisse effectivement, sans néanmoins descendre en dessous de 38° C, les douleurs aux oreilles persistent, selon la petite fille, ce qui amène ses grands-parents à rappeler leur médecin traitant, le matin suivant. Sur leur insistance, et comme ils ne connaissent aucun autre généraliste, et encore moins de pédiatre, il accepte de recevoir l’enfant en consultation en fin de matinée. L’examen à l’otoscope montre une otite bilatérale très franche. Sans même consulter son dictionnaire Vidal®, alors qu’il n’a pas l’habitude de soigner des enfants, il prescrit ce qu’il connaît bien, c’est-à-dire un antibiotique d’une ancienne génération, en se contentant de donner la moitié de la dose qu’il prescrit habituellement à ses patients âgés.
Les grands-parents se rendent immédiatement à leur pharmacie, qu’ils connaissent là aussi de longue date, pour obtenir rapidement le traitement. C’est "leur" pharmacienne qui les reçoit et fait ainsi connaissance de leur petite-fille. Elle sourcille tout de suite sur la prescription, l’antibiotique choisi n’ayant pas l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) pour les enfants de 4 ans. C’est alors qu’elle dit aux grands-parents : "Ce traitement ne convient pas aux enfants". Elle téléphone au prescripteur qui ne comprend pas sa réticence à la délivrance de cet antibiotique, et refuse d’envoyer une nouvelle ordonnance. Il lui dit qu’il a été déjà "bien gentil" d’accepter de soigner cet enfant et que, dans ces conditions, elle n’a qu’à "se débrouiller".
Après avoir dit cela aux grands-parents, la pharmacienne ne pouvait plus délivrer cet antibiotique ; il a été alors décidé de contacter par téléphone les parents de la fillette afin de connaître leur décision. En fin de compte, ceux-ci ont faxé l’ordonnance du pédiatre pour le traitement de l’otite précédente, en promettant d’obtenir de sa part une nouvelle ordonnance, identique, et de la faxer dès réception. La pharmacienne a exécuté cette ancienne prescription qui, elle, correspondait à l’AMM, ce qui a enfin permis de soigner la jeune patiente.
La mère de celle-ci, furieuse de l’attitude du médecin traitant de ses beaux-parents, lui a écrit un courrier recommandé dans lequel elle lui reproche d’avoir fait courir un grave danger à sa fille, heureusement évité grâce à la vigilance de la pharmacienne. Le praticien n’a pas daigné répondre à la mère qui a alors saisi le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins. Celui-ci a proposé aux deux parties une tentative de conciliation, l’absence de dommage rendant celle-ci envisageable.
Lors de cette rencontre, le médecin généraliste a expliqué qu’il avait agi uniquement "en dépannage" pour les grands-parents qu’il connait de longue date, ne se sentant pas à l’aise dans les soins aux enfants. S’il n’a pas ouvert son dictionnaire Vidal®, c’est parce qu’il connait parfaitement cet antibiotique, qu’il utilise presque quotidiennement, et qu’il sait qu’il peut être utilisé chez l’enfant. Le représentant du Conseil Départemental de l’Ordre qui organisait cette rencontre, a tenu à indiquer qu’il avait fait quelques recherches confirmant qu’il existait bien une pratique habituelle de prescription de cet antibiotique aux enfants. D'ailleurs, celui prescrit par le pédiatre fait partie de la même famille, disposant, lui, de l’AMM pour les enfants de cet âge. Le médecin généraliste a admis avoir été "léger" dans sa pratique, et qu’il aurait notamment dû vérifier le dosage à prescrire pour une jeune patiente de 4 ans, ce qui l’aurait conduit à choisir un autre produit. Devant cette attitude plus modeste et les explications fournies, la mère a retiré sa plainte. Pour une fois, une conciliation a été possible au niveau départemental, la découverte de l’absence de mise en danger de la fillette y étant pour beaucoup.
LES CONSEILS PRATIQUES
Quelles sont les règles applicables dans une telle affaire ? Il s’agit essentiellement de deux articles du Code de déontologie médicale, insérés dans le Code de la santé publique.
D'une part, l'article R. 4127-8 prévoit la liberté de prescription : "Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu'il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit, sans négliger son devoir d'assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l'efficacité des soins. Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles".
D'autre part, l’article R. 4127-40 du même Code en précise la limite : "Le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié". Ceci oblige à une évaluation permanente de ses pratiques et à entretenir périodiquement ses connaissances, notamment dans le domaine de la thérapeutique, qui évolue si vite.
Précisons enfin que la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, a introduit l’article L. 5121-12-1 du Code de la santé publique prévoyant la possibilité de prescrire hors AMM, mais uniquement si aucune solution ayant l’AMM n’est envisageable, et si l’indication fait partie d’une Recommandation Temporaire d'Utilisation (RTU) ou si le prescripteur la juge indispensable.
Si la pharmacienne a parfaitement rempli sa mission en bloquant cette prescription hors AMM anormale - puisque d’autres traitements ayant l’AMM chez les enfants de cet âge étaient possibles -, elle l’a fait de manière brutale, et ses propos à l’égard du prescripteur auraient pu être plus modérés. Elle savait en effet parfaitement que cette famille d’antibiotiques était admise pour soigner les otites des enfants de 4 ans, et que le médecin généraliste avait juste choisi la mauvaise référence. Mais il est vrai que l’attitude initiale du médecin traitant n’a pas non plus été très conciliante…
Ce litige, même s’il s’est finalement terminé par une conciliation, montre l’importance de la rigueur et du dialogue quand on prescrit, ce qui pourrait éviter bien des incompréhensions.
0417 UVD 13 F 2949 IN
Des grands-parents accueillent leur petite-fille de 4 ans pendant les vacances qui, dès son arrivée par avion, se plaint d’avoir mal aux oreilles. Mettant cela sur le compte de la mauvaise pressurisation de l’avion et de l’émotion liée à ce premier voyage seule, ils la rassurent et ne tiennent pas compte de ses plaintes.
Elle se réveille plusieurs fois dans la nuit, disant avoir mal aux oreilles, ce qui conduit les grands-parents à prendre sa température le lendemain matin : 39° C. Ils téléphonent alors à leur médecin traitant, en fin de carrière et à orientation plutôt gériatrique, qui n’est pas inquiet et conseille uniquement l’administration d'un antalgique antipyrétique.
Si la température baisse effectivement, sans néanmoins descendre en dessous de 38° C, les douleurs aux oreilles persistent, selon la petite fille, ce qui amène ses grands-parents à rappeler leur médecin traitant, le matin suivant. Sur leur insistance, et comme ils ne connaissent aucun autre généraliste, et encore moins de pédiatre, il accepte de recevoir l’enfant en consultation en fin de matinée. L’examen à l’otoscope montre une otite bilatérale très franche. Sans même consulter son dictionnaire Vidal®, alors qu’il n’a pas l’habitude de soigner des enfants, il prescrit ce qu’il connaît bien, c’est-à-dire un antibiotique d’une ancienne génération, en se contentant de donner la moitié de la dose qu’il prescrit habituellement à ses patients âgés.
Les grands-parents se rendent immédiatement à leur pharmacie, qu’ils connaissent là aussi de longue date, pour obtenir rapidement le traitement. C’est "leur" pharmacienne qui les reçoit et fait ainsi connaissance de leur petite-fille. Elle sourcille tout de suite sur la prescription, l’antibiotique choisi n’ayant pas l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) pour les enfants de 4 ans. C’est alors qu’elle dit aux grands-parents : "Ce traitement ne convient pas aux enfants". Elle téléphone au prescripteur qui ne comprend pas sa réticence à la délivrance de cet antibiotique, et refuse d’envoyer une nouvelle ordonnance. Il lui dit qu’il a été déjà "bien gentil" d’accepter de soigner cet enfant et que, dans ces conditions, elle n’a qu’à "se débrouiller".
Après avoir dit cela aux grands-parents, la pharmacienne ne pouvait plus délivrer cet antibiotique ; il a été alors décidé de contacter par téléphone les parents de la fillette afin de connaître leur décision. En fin de compte, ceux-ci ont faxé l’ordonnance du pédiatre pour le traitement de l’otite précédente, en promettant d’obtenir de sa part une nouvelle ordonnance, identique, et de la faxer dès réception. La pharmacienne a exécuté cette ancienne prescription qui, elle, correspondait à l’AMM, ce qui a enfin permis de soigner la jeune patiente.
La mère de celle-ci, furieuse de l’attitude du médecin traitant de ses beaux-parents, lui a écrit un courrier recommandé dans lequel elle lui reproche d’avoir fait courir un grave danger à sa fille, heureusement évité grâce à la vigilance de la pharmacienne. Le praticien n’a pas daigné répondre à la mère qui a alors saisi le Conseil Départemental de l’Ordre des Médecins. Celui-ci a proposé aux deux parties une tentative de conciliation, l’absence de dommage rendant celle-ci envisageable.
Lors de cette rencontre, le médecin généraliste a expliqué qu’il avait agi uniquement "en dépannage" pour les grands-parents qu’il connait de longue date, ne se sentant pas à l’aise dans les soins aux enfants. S’il n’a pas ouvert son dictionnaire Vidal®, c’est parce qu’il connait parfaitement cet antibiotique, qu’il utilise presque quotidiennement, et qu’il sait qu’il peut être utilisé chez l’enfant. Le représentant du Conseil Départemental de l’Ordre qui organisait cette rencontre, a tenu à indiquer qu’il avait fait quelques recherches confirmant qu’il existait bien une pratique habituelle de prescription de cet antibiotique aux enfants. D'ailleurs, celui prescrit par le pédiatre fait partie de la même famille, disposant, lui, de l’AMM pour les enfants de cet âge. Le médecin généraliste a admis avoir été "léger" dans sa pratique, et qu’il aurait notamment dû vérifier le dosage à prescrire pour une jeune patiente de 4 ans, ce qui l’aurait conduit à choisir un autre produit. Devant cette attitude plus modeste et les explications fournies, la mère a retiré sa plainte. Pour une fois, une conciliation a été possible au niveau départemental, la découverte de l’absence de mise en danger de la fillette y étant pour beaucoup.
LES CONSEILS PRATIQUES
Quelles sont les règles applicables dans une telle affaire ? Il s’agit essentiellement de deux articles du Code de déontologie médicale, insérés dans le Code de la santé publique.
D'une part, l'article R. 4127-8 prévoit la liberté de prescription : "Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu'il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit, sans négliger son devoir d'assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l'efficacité des soins. Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles".
D'autre part, l’article R. 4127-40 du même Code en précise la limite : "Le médecin doit s'interdire, dans les investigations et interventions qu'il pratique comme dans les thérapeutiques qu'il prescrit, de faire courir au patient un risque injustifié". Ceci oblige à une évaluation permanente de ses pratiques et à entretenir périodiquement ses connaissances, notamment dans le domaine de la thérapeutique, qui évolue si vite.
Précisons enfin que la loi du 29 décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, a introduit l’article L. 5121-12-1 du Code de la santé publique prévoyant la possibilité de prescrire hors AMM, mais uniquement si aucune solution ayant l’AMM n’est envisageable, et si l’indication fait partie d’une Recommandation Temporaire d'Utilisation (RTU) ou si le prescripteur la juge indispensable.
Si la pharmacienne a parfaitement rempli sa mission en bloquant cette prescription hors AMM anormale - puisque d’autres traitements ayant l’AMM chez les enfants de cet âge étaient possibles -, elle l’a fait de manière brutale, et ses propos à l’égard du prescripteur auraient pu être plus modérés. Elle savait en effet parfaitement que cette famille d’antibiotiques était admise pour soigner les otites des enfants de 4 ans, et que le médecin généraliste avait juste choisi la mauvaise référence. Mais il est vrai que l’attitude initiale du médecin traitant n’a pas non plus été très conciliante…
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