Unité de réanimation pédiatrique, hôpital Sud, CHU, 16, boulevard de Bulgarie, BP 90347, 35203 Rennes cedex 2, France
b Service de néonatologie, hôpital Trousseau, AP–HP, 75571 Paris cedex 12, France
c Maternité, hôpital Necker–Enfants-Malades, AP–HP, 75015 Paris, France
d Service de néonatologie, hôpital Robert-Debré, AP–HP, 75935 Paris cedex 19, France
e Hôpital Bichat–Claude-Bernard, 75018 Paris, France
f Service de réanimation néonatale et pédiatrique, hôpital de Bicêtre, 78, avenue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre, France
g Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Bichat–Claude-Bernard, AP–HP, 75018 Paris, France
h Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Trousseau, 75571 Paris cedex 12, France
i Service de réanimation pédiatrique, hôpital Necker–Enfants-Malades, 75015 Paris, France
j Service de médecine néonatale, AP–HM, université de la Méditerranée, 13385 Marseille, FranceReceived 20 July 2009;
accepted 4 January 2010.
Available online 4 March 2010.
Résumé
Les soins palliatifs peuvent être entrepris dès la salle de naissance chez les nouveau-nés atteints de malformations fatales et incurables, ou chez certains nouveau-nés extrêmement prématurés à la limite de la viabilité pour lesquels les chances de survie sont nulles. La prise en charge exclut tout geste agressif et tout geste de réanimation intempestif, au profit d’une installation confortable et du traitement éventuel de la douleur. En milieu de réanimation la prise en charge palliative sous-entend l’arrêt d’un certain nombre de thérapeutiques de soutien vital. L’arrêt de la ventilation artificielle, la prise en charge de la dyspnée et des gasps ainsi que l’optimisation de l’environnement matériel et humain est abordé. Les différents techniques à éviter et les soins et traitements à mettre en œuvre sont analysés. La poursuite des soins palliatifs peut ensuite avoir lieu dans les services de suites de couches où elle est encore rare mais devrait se développer ou en néonatalogie, voire même à domicile, en s’appuyant sur les réseaux spécialisés de soins palliatifs ou sur les équipes mobiles d’accompagnement et de soins palliatifs, les retours à l’hôpital étant possibles à tout moment.
1. La mise en œuvre pratique des soins palliatifs dans les différents lieux de soins
1.1. La salle de naissance
En dehors des situations où le pronostic a pu être établi de façon certaine avant la naissance ou des situations à la limite de la viabilité, la mise en place de soins palliatifs dès la salle de naissance est exceptionnelle.
1.1.1. Naissance vivante d’un enfant atteint d’une pathologie grave et incurable dont la mère n’a pas demandé l’interruption médicale de grossesse (IMG)
Lorsque les parents n’ont pas choisi l’IMG, ils imaginent souvent que l’enfant va décéder peu de temps après la naissance, les pathologies « graves et incurables » pouvant autoriser l’IMG étant très généralement assimilées par eux à des pathologies létales à court terme. Or, ces pathologies « graves et incurables » ne sont pas toujours fatales à court terme et peuvent exposer l’enfant à une vie prolongée difficile, même si la notion de « qualité de vie » est éminemment subjective. Il est quasiment impossible d’établir une liste de malformations d’évolution sûrement fatale, en dehors de l’hypoplasie pulmonaire en rapport avec une agénésie rénale bilatérale et de certaines formes majeures d’hypoplasie du cœur gauche. Des tentatives ont eu lieu dans ce sens mais cette démarche est très sujette à discussion. La durée de vie de l’enfant pourra donc être plus ou moins longue (quelques minutes, quelques heures, plusieurs jours ou plusieurs mois) mais toujours imprévisible, et les parents doivent en être informés.
1.1.2. Naissance aux limites de la viabilité
Aux limites de la viabilité, la conduite dépend du terme, des facteurs pronostiques associés et des discussions qui ont pu avoir lieu entre professionnels et parents sur la conduite à tenir. Les bonnes conditions de prise de décision sont réunies lorsque la naissance a lieu en centre de type 3, après un délai entre l’admission de la mère à la maternité et la naissance suffisant pour avoir permis l’instauration d’un dialogue avec elle et son compagnon. Lorsque les éléments de pronostic défavorable sont réunis avec une marge d’incertitude faible, il est possible d’élaborer avant la naissance une démarche programmée « définitive », dans l’hypothèse où la naissance surviendrait à très court terme. Les professionnels de maternité (sages-femmes, obstétriciens, pédiatres et anesthésistes), sont d’ailleurs confrontés à la même problématique en deçà de la limite de viabilité : les enfants extrêmement immatures naissant vivants avant 22 semaines, et dont les chances de survie sont nulles quoi qu’on fasse, devraient pouvoir bénéficier aussi d’une approche palliative indispensable pour que les parents perçoivent que ces bébés sont bien reconnus et pris en charge comme des êtres humains.
1.1.3. Prise en charge en salle de naissance
La présence du pédiatre reste incontournable en salle de naissance, car c’est l’examen du nouveau-né qui permet de confirmer les anomalies décrites avant la naissance ou la grande immaturité tout en appréciant les fonctions vitales du nouveau-né.
L’insuffisance des grandes fonctions vitales (absence de respiration autonome, voire d’activité cardiaque suffisante ; score d’Apgar nul), conduit à s’abstenir de toute manœuvre de réanimation en salle de naissance et à entrer d’emblée dans la phase terminale des soins palliatifs.
En cas de détresse respiratoire, il est possible d’envisager une sédation et c’est l’intensité de la dyspnée qui conditionnera la voie d’administration du traitement. En cas de dyspnée sévère la voie veineuse permet d’améliorer rapidement le confort des enfants en toute fin de vie. Les voies sublinguale et digestive semblent moins rapidement efficaces, tandis que la voie intrarectale à la naissance semble présenter une biodisponibilité aléatoire et imprévisible,
Dans les cas où le décès est à l’évidence proche on essaye de ne pas retarder le contact des parents avec leur enfant. Si besoin on privilégiera la pose d’un cathéter ou d’un cathéter court au niveau de la veine ombilicale, car c’est une voie d’abord fiable, non douloureuse et de durée d’utilisation prolongée. Si un traitement médicamenteux est nécessaire, le même traitement que celui des enfants pour lesquels la ventilation mécanique est arrêtée est préconisé (voir ci-après).
En cas de décès rapide en salle de naissance, que garde-t-on après la mort : une photo, des cheveux, une empreinte de la main ou du pied ? Que propose-t-on aux parents ? Il n’y a bien sûr aucune réponse stéréotypée. Les propositions les plus diverses n’ont qu’un but : ancrer ce bébé dans l’humanité. Les moyens d’y parvenir importent peu s’ils sont reconnus par les parents comme une démarche humaniste et non la projection de positions personnelles.
Dans les cas où l’adaptation du nouveau-né est correcte, laissant présager d’un temps de vie plus long, la prise en charge de l’enfant privilégie à la fois son confort, (maintien de la température, prévention et traitement de la douleur) tout en préservant le contact avec ses parents, si ceux-ci le souhaitent. Lorsque cela est possible, il semble d’ailleurs intéressant de privilégier le temps en salle de naissance qui réunit à la fois les parents et l’enfant avant que les contraintes de l’hospitalisation de l’enfant ne les séparent. En effet, le service de néonatalogie est en général plus habitué à gérer les situations de fin de vie que les structures de maternité. Dès la salle de naissance, il y a lieu de s’interroger sur la pertinence de tout geste pratiqué (pose d’une sonde gastrique, d’une voie veineuse, d’une surveillance par cardiomoniteur…).
1.2. Pendant l’hospitalisation en milieu de réanimation ou soins intensifs
1.2.1. Prise en charge de la douleur et de l’inconfort
1.2.1.1. La limitation des gestes inconfortables ou douloureux
La limitation des gestes inconfortables ou douloureux est la règle : si la pose d’une sonde gastrique est en principe à éviter, la mise en aspiration digestive d’un enfant en occlusion peut être bénéfique en évitant les vomissements. On peut être amené par la situation clinique et symptomatique à pratiquer divers gestes médicaux qui, hors du contexte, pourraient sembler inutilement agressifs. Le moment dans lequel s’inscrit la situation a également son importance dans les gestes pratiqués : le monitorage cardiorespiratoire est souvent inopportun si l’enfant doit mourir sous peu ; en revanche, lors d’un arrêt des thérapeutiques actives, certains parents comprennent mal qu’on suspende totalement le monitorage et qu’on passe l’enfant de la couveuse au berceau, alors que d’autres font cette demande pour raison d’intimité ou de confort.
1.2.1.2. Une attention particulière doit être portée à toute situation d’inconfort
Une attention particulière doit être portée à toute situation d’inconfort y compris lorsqu’elle n’a rien de spécifique par rapport à la pathologie de l’enfant (bosse sérosanguine, hématomes, fracture de clavicules, mobilisation douloureuse). Dans ces situations, le recours à la voie orale pour les administrations médicamenteuses doit être privilégié. L’emploi de la succion non nutritive, l’administration de solutions orales sucrées, contribuent à la lutte contre la douleur et doivent être maintenus dans le cadre des soins palliatifs. Avant d’administrer des analgésiques morphiniques, on a recours aux antalgiques de palier I donnés per os. L’utilisation de morphine peut accélérer le processus de fin de vie en provoquant une hypoventilation voire des apnées (principe du double effet) et les parents doivent en être informés. Les traitements sont adaptés à la douleur évaluée par des grilles (cf. supra), associées à l’observation des soignants et des parents.
Les « analgésiques morphiniques » constituent la base du traitement et leur utilisation repose sur la titration. Un bolus précédant la mise en route d’une perfusion continue permet d’obtenir un effet antalgique plus rapide. Du fait de son pouvoir antalgique, de sa longue demi-vie et de ses moindres effets secondaires (rigidité thoracique), on préfère la morphine. En cas de persistance d’un inconfort, la dose sera augmentée par titration, après administration d’un nouveau bolus. Aucune augmentation des doses n’est nécessaire si l’enfant semble confortable avec la dose administrée. La tolérance induite par ces médicaments peut cependant amener à augmenter la posologie au bout de quelques jours. En l’absence de voie veineuse, mais surtout en fonction de la situation clinique, la morphine peut être utilisée par voie sous-cutanée. La voie intramusculaire, douloureuse en elle-même, sera évitée. Le chlorhydrate de morphine peut être donné per os toutes les 4 à 6 h ou en intrarectal à la dose de 0,2 à 0,5 mg /kg par jour ; par voie intraveineuse, intramusculaire, sous-cutanée toutes les 2 à 4 h à la dose 0,05 à 0,1 mg/kg, ou en intraveineuse continue à la dose de 0,01 à 0,02 mg/kg par heure.
1.2.1.3. La sédation
La sédation a donné lieu à la rédaction de recommandations de la Société française d’anesthésie pédiatrique (SFAP) dont certaines s’appliquent aux nouveau-nés.
L’« utilisation de sédatifs anxiolytiques » comme les benzodiazépines est intéressante en association avec un antalgique. Comme les morphiniques, elles sont source de dépression respiratoire. Le midazolam est administré intraveineux en bolus de 0,03 à 0,1 mg/kg ou en continu à 0,05 mg/kg par heure ou encore à la dose de 0,2 à 0,3 mg intrarectal. L’administration de diazépam est possible en injection intraveineuse (potentiellement douloureuse) ou per os ou intrarectal à la dose de 0,3 à 0,5 mg/kg.
La « kétamine » a d’excellentes propriétés analgésiques aussi bien pour les douleurs aiguës que chroniques. Elle préserve la respiration spontanée. On peut être gêné par les phénomènes d’émergence (à type d’hallucination), mal évalués chez le nouveau-né et par l’hypersécrétion des glandes salivaires et bronchiques, risque limité par l’administration préalable d’atropine (0,01 à 0,02 mg/kg). La kétamine a une excellente tolérance par voie veineuse (0,5 à 2 mg/kg) chez le nouveau-né ou par voie digestive (2 à 5 mg/kg per os ou intrarectal) et permet de diminuer les doses de morphine.
1.2.1.4. Diverses situations cliniques
L’arrêt de la ventilation mécanique peut se faire de 2 façons :
• arrêt progressif de la ventilation mécanique accompagné éventuellement de la mise sous un traitement antalgique avant l’extubation, en utilisant la titration afin d’éviter tout inconfort de l’enfant (sensation d’étouffement) ;
• extubation première avec début de l’analgésie sans retard après l’extubation, si des signes d’inconfort de l’enfant apparaissent.
Deux situations délicates peuvent être rencontrées lors de l’arrêt de ventilation mécanique.
La « dyspnée sévère » correspond à la perception d’une sensation d’inconfort liée à une respiration inefficace. Trois composantes sont individualisées chez l’adulte : « manque d’air », sensation d’une accentuation du travail respiratoire, constriction pulmonaire. Des analogies entre perception de la douleur et de la dyspnée existent. Chez l’enfant en fin de vie, elle est très inconfortable. Chez le nouveau-né, des données suggèrent la présence d’un inconfort. Son évaluation n’est pas simple, mais dans le doute l’utilisation d’un morphinique permet au moins la prise en charge de la composante douloureuse du phénomène.
Les « gasps » réflexes posent surtout la question de l’existence ou non d’une douleur associée. Ils sont perçus comme une source d’inconfort majeure par la majorité des parents qui y assistent. Mais l’existence d’une douleur ressentie apparaît très peu probable au vu de la physiologie. Devant l’impossibilité d’en apporter la preuve formelle, le débat est autant éthique que médical.
D’autres situations cliniques peuvent nécessiter une prise en charge particulière et des traitements médicamenteux en soins palliatifs comme par exemple une décompensation cardiaque sévère, des convulsions, des vomissements.
1.2.2. L’optimisation de l’environnement matériel, humain et affectif
Les parents sont sollicités pour participer aux soins de confort de leur enfant. Les soignants les accompagnent la plupart du temps dans ce moment. L’humanité et le respect de la dignité de l’enfant passent aussi souvent pour les parents par son habillage. Les parents pourront amener les vêtements de leur choix ou, en l’absence de vêtements adaptés à la taille de l’enfant, certaines équipes ont fait preuve d’imagination pour créer ou obtenir des vêtements spécialement conçus pour les enfants prématurés. Dans ce cas, les vêtements seront choisis par les parents et l’habillage de l’enfant assuré par eux ou en leur présence si l’enfant est porteur de matériel et si les parents sont craintifs. Il faudra cependant vérifier que cela contient l’enfant et par-là même le sécurise, et s’assurer que cela ne le gêne pas.
L’environnement humain est composé par la famille de l’enfant et par les professionnels du service. La fratrie est généralement acceptée dans les services. Le retentissement des visites sur le psychisme des frères et sœurs est le plus souvent bénéfique ; il faut y être attentif, d’autant plus quand ils n’ont pas atteint l’âge de verbaliser leurs affects. Dans certains lieux, une réflexion a mené à ouvrir les unités à la fratrie si elle le demande (par la parole ou non), dès lors que les parents sont tous les 2 en accord avec cette demande et que la visite est préparée et suivie. D’autres unités ont une approche plus directe mais insistent sur l’importance des explications qui doivent entourer ces visites, qu’elles proviennent des soignants ou des parents. Le manque d’évaluation objective de ces pratiques rend les recommandations difficiles à formuler. Lorsque les parents ne restent pas ou ne peuvent pas rester auprès de leur enfant nouveau-né, l’avant et l’après visite de la fratrie pose souvent problème, car peu de services disposent d’une salle de jeux avec une professionnelle qui prend le relais des parents. Or, ceux-ci souhaitent la plupart de temps rencontrer leur enfant nouveau-né avant d’introduire la fratrie, tout comme ils souhaitent encore un petit moment avec l’enfant nouveau-né après la visite pour une séparation en douceur.
1.3. Les autres lieux éventuels et leurs problèmes spécifiques : suites de couches, service de néonatologie, à domicile
Des soins palliatifs peuvent parfois être mis en œuvre en dehors de la salle de naissance ou de l’unité de réanimation ou soins intensifs après réflexion et discussion d’équipe.
Lorsque l’enfant qui a été pris en charge de manière palliative en salle de naissance survit au-delà de quelques heures, se pose le problème de son transfert en « suites de couches » à côté de sa mère ou en « service de néonatalogie ». De nombreux secteurs de suites de couches sont inadaptés actuellement à la prise en charge optimale du nouveau-né en soins palliatifs près de sa mère : présence pédiatrique discontinue, environnement architectural peu propice, présence proche d’autres familles vivant un heureux événement. Toutefois, si les équipes ont un véritable souhait de continuer la prise en charge palliative commencée en salle de naissance, rien ne s’y oppose. Pour la famille, le fait de ne pas changer de lieu ni d’équipe est un facteur très rassurant. Le transfert en néonatalogie reste souvent la solution privilégiée si la poursuite des soins palliatifs en maternité pose problème. Là encore, c’est surtout la réflexion et la formation des équipes soignantes qui sera le garant d’une prise en charge optimale. Si le contact avec le pédiatre et les soignants a pu être anticipé au cours des discussions prénatales par exemple, cela sera également un facteur de réassurance pour les parents.
Si l’état de l’enfant est compatible avec un « retour à domicile » au bout de quelques jours, on peut s’appuyer, dans l’idéal et selon les conditions locales, sur l’équipe du réseau de soins palliatifs pédiatriques ou sur l’équipe mobile de soins palliatifs, voire sur une équipe d’hospitalisation à domicile, qui viendra rencontrer la famille et les soignants à l’hôpital pour assurer un transfert programmé de qualité. Les parents savent qu’ils pourront toujours revenir à l’hôpital dans une unité où les professionnels sont au courant de leur histoire, si la situation à domicile devient difficilement supportable pour eux. Il n’est pas rare que plusieurs allers-retours émaillent ainsi la période palliative, dans les cas d’hypoplasie sévère du cœur gauche, par exemple. Si l’équipe reste adaptée en permanence à l’état de l’enfant et que la famille bénéficie d’un soutien psychologique actif (de l’équipe d’abord, éventuellement soutenue par les psychologues ou pédopsychiatres), les parents peuvent trouver une certaine sérénité dans la certitude que l’enfant ne souffre pas et qu’ils peuvent s’appuyer en permanence sur des professionnels disponibles.
2. Comment progresser dans le domaine des soins palliatifs chez le nouveau-né
2.1. Organisation
2.1.1. L’organisation administrative des soins palliatifs chez l’adulte
La circulaire de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) no 2002-98 du 2 février 2002 a défini les principes d’organisation des soins palliatifs et a tenté de fournir des éléments de définition des différents types de prise en charge tant à domicile qu’en établissement de santé ainsi que les modalités de mise en œuvre par les Agences régionales d’hospitalisation (ARH). Elle rappelle que la pratique des soins palliatifs concerne tous les services de soins, qui doivent : élaborer un projet de service en soins palliatifs, nommer des référents internes au service, et assurer une formation et un soutien des soignants, ainsi qu’une réflexion sur l’accueil et l’accompagnement des familles. La création d’équipes mobiles de soins palliatifs permet, par une action transversale au sein d’un établissement de santé, d’assurer une mission de « conseil » en soins palliatifs, de soutien et de formation auprès des équipes soignantes.
2.1.2. Qu’en est-il chez le nouveau-né ?
On estime qu’il y a environ 600 enfants par an en France qui décèdent chaque année entre 1 mois et 1 an d’une affection dont l’origine se trouve dans la période périnatale. L’idée d’une individualisation d’unités de soins palliatifs semble peu pertinente en néonatologie. En revanche, les services prenant en charge des nouveau-nés sont confrontés à la majorité des décès avant 1 an et cela rend incontournable pour ces équipes la démarche d’élaboration d’un projet de service en soins palliatifs telle qu’elle est définie dans la circulaire du 2 février. Lors du retour à domicile, le soutien offert aux parents sur le plan psychosocial et financier, de même que la possibilité d’un retour à l’hôpital en cas de besoin sont essentiels.
2.1.3. La tarification à l’activité (« T2A ») en néonatologie
La période néonatale correspond à la Classification majeure de diagnostics (CMD) 15 : nouveau-nés, prématurés. En période néonatale le critère principal initial est le poids puis le mode de sortie (décès ou sortie vivant). Il est globalement plus intéressant d’entrer un diagnostic principal (DP) dans la CMD 15, puisqu’il permet pour les unités ayant une autorisation (réanimation, soins intensifs, néonatologie…), d’obtenir un forfait journalier en complément du Groupe homogène de séjours (GHS), qui valorise considérablement le séjour.
Le système de la tarification à l’activité (T2A) ne permet pas le cumul des GHS. Ainsi la codification du DP « nouveau-né, prématuré » (CMD 15) est toujours mieux valorisée qu’un DP « soins palliatifs » même avec des actes. Par ailleurs, il n’existe pas de co-morbidité « nouveau-né » attribuable à ce GHS. Il est donc toujours plus intéressant financièrement d’avoir un code d’entrée CMD 15. Du fait du tarif forfaitaire, il n’y a pas de possibilité actuelle de valoriser l’activité de soins palliatifs néonatals en T2A dans des services de réanimation et soins intensifs. Tout au plus peut-on la recenser pour qu’elle apparaisse dans le rapport annuel d’activité.
2.2. Formation
Des enseignements spécifiques devraient aborder la période périnatale et être plus largement diffusés pour répondre aux fortes attentes des équipes. Des programmes d’enseignement spécifiques aux soins palliatifs existent (Diplôme inter-universitaire [DIU] ou Diplôme d’études spéciales complémentaires [DESC] de soins palliatifs), cependant, ils englobent tout le champ de la médecine ou ne consacrent qu’une petite partie de leur programme à la population pédiatrique et encore moins néonatale. Les connaissances indispensables à l’abord des soins palliatifs en néonatalogie sont communes à de nombreux autres domaines de la pratique périnatale : processus de deuil et spécificités du deuil périnatal, loi du 22 avril 2005, douleur, enjeux psychologiques. Les professionnels de la période périnatale devraient en principe avoir abordé dès leur formation initiale la problématique de leur identification personnelle aux parents et aux mères en particulier . Dans les services exposés, des groupes de parole devraient permettre d’identifier les causes profondes des tensions rencontrées. À côté d’un enseignement théorique formalisé, l’organisation de tables rondes, de séances de reprise de dossiers difficiles et les revues de mortalité-morbidité permettront de faire avancer la réflexion et la maturité de l’équipe. Un temps d’analyse des pratiques, pour reprendre à distance les situations vécues, permet de maintenir dans la durée la cohésion de l’équipe et de progresser ensemble dans la gestion de ces moments difficiles. L’appropriation par les équipes du concept de soins palliatifs chez le nouveau-né, l’inscription de cette démarche dans le projet de service et sa déclinaison dans le quotidien des soins, sont un préalable à l’implication de chacun.
2.3. Recherche
Le développement des soins palliatifs en période néonatale passe par le développement de programmes de recherche spécifique. L’évaluation des pratiques professionnelles est un préalable à l’élaboration d’un programme de recherche. Il est recommandé de développer les indicateurs qualitatifs dans les soins palliatifs en néonatalogie : pourcentage de malades pour lesquels un plan de soins interdisciplinaire a été élaboré, évaluation de la gestion de la douleur et des symptômes, satisfaction de la famille et des soignants, pourcentage de patients pour lesquels les buts (du malade et) de la famille sont consignés. Des indicateurs pourraient également être issus de l’analyse de la procédure collégiale dans les dossiers, de la transcription des entretiens famille–soignants, de la réalisation d’enquêtes de satisfaction auprès des soignants, voire auprès des familles, après un temps de latence difficile lui-même à évaluer. Les techniques utilisées en sciences humaines comme les entretiens semi-directifs filmés et analysés pourraient peut-être s’appliquer à ce domaine, mais les médecins n’y sont généralement guère formés. Le temps semble venu de passer du simple recueil d’opinion au recueil d’observations permettant des approches de portée générale. La formalisation de ces pratiques reste à faire.
3. Conclusion
La mise en œuvre des soins palliatifs est possible dans de nombreux lieux géographiques à partir du moment où cette pratique s’appuie sur une équipe formée et désireuse de mettre ses compétences au service de l’enfant, de la mère, et du couple.
3.1. Conclusion générale du Groupe de réflexion sur les soins palliatifs en période néonatale
L’ambition de notre groupe était de parcourir les possibilités ouvertes par l’apparition des soins palliatifs en périnatalogie. La reconnaissance des situations d’obstination déraisonnable avérée ou potentielle rencontrées chez le nouveau-né impose aux néonatalogistes comme aux autres médecins de respecter la démarche décisionnelle en 3 temps que prescrit de fait la loi du 22 avril 2005 : caractérisation d’une obstination déraisonnable, décision de renoncement thérapeutique et mise en œuvre de soins palliatifs. Si les conditions sont remplies, cette loi permet aux néonatalogistes de développer leurs conduites dans le cadre légal, ce qui n’était pas toujours le cas dans les décennies précédentes. Les difficultés rencontrées tiennent pour une part à la nouveauté du concept dans cette tranche d’âge et aussi à la diversité des approches précédemment organisées au fil des ans dans les services, ainsi qu’à la fréquence des situations d’incertitude en période néonatale où la caractérisation de l’obstination déraisonnable n’est pas évidente.
Bien que l’on ne dispose pas en France d’enquête détaillée récente en la matière, l’application de la loi du 22 avril 2005 dans les services de néonatalogie a accompagné une évolution déjà perceptible depuis quelques années et marquée par :
• une volonté des néonatalogistes d’inscrire désormais leurs pratiques dans le cadre de la loi ;
• une maturation de la réflexion dans le domaine de la fin de vie au sein des équipes concernées ;
• une évolution vers plus de transparence et de collégialité lors des discussions et des décisions dans ce domaine ;
• la proposition plus fréquente d’une prise en charge de type « soins palliatifs » chez les patients dont la fin de vie a pu être anticipée ;
• l’association plus importante des familles à la réflexion et aux décisions.
C’est probablement ce qu’avait voulu le législateur. Reste à développer l’enseignement et la recherche clinique dans ces domaines, afin que les équipes concernées puissent disposer de critères d’évaluation permettant de guider leurs orientations futures.
b Service de néonatologie, hôpital Trousseau, AP–HP, 75571 Paris cedex 12, France
c Maternité, hôpital Necker–Enfants-Malades, AP–HP, 75015 Paris, France
d Service de néonatologie, hôpital Robert-Debré, AP–HP, 75935 Paris cedex 19, France
e Hôpital Bichat–Claude-Bernard, 75018 Paris, France
f Service de réanimation néonatale et pédiatrique, hôpital de Bicêtre, 78, avenue du Général-Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre, France
g Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Bichat–Claude-Bernard, AP–HP, 75018 Paris, France
h Service de gynécologie-obstétrique, hôpital Trousseau, 75571 Paris cedex 12, France
i Service de réanimation pédiatrique, hôpital Necker–Enfants-Malades, 75015 Paris, France
j Service de médecine néonatale, AP–HM, université de la Méditerranée, 13385 Marseille, FranceReceived 20 July 2009;
accepted 4 January 2010.
Available online 4 March 2010.
Résumé
Les soins palliatifs peuvent être entrepris dès la salle de naissance chez les nouveau-nés atteints de malformations fatales et incurables, ou chez certains nouveau-nés extrêmement prématurés à la limite de la viabilité pour lesquels les chances de survie sont nulles. La prise en charge exclut tout geste agressif et tout geste de réanimation intempestif, au profit d’une installation confortable et du traitement éventuel de la douleur. En milieu de réanimation la prise en charge palliative sous-entend l’arrêt d’un certain nombre de thérapeutiques de soutien vital. L’arrêt de la ventilation artificielle, la prise en charge de la dyspnée et des gasps ainsi que l’optimisation de l’environnement matériel et humain est abordé. Les différents techniques à éviter et les soins et traitements à mettre en œuvre sont analysés. La poursuite des soins palliatifs peut ensuite avoir lieu dans les services de suites de couches où elle est encore rare mais devrait se développer ou en néonatalogie, voire même à domicile, en s’appuyant sur les réseaux spécialisés de soins palliatifs ou sur les équipes mobiles d’accompagnement et de soins palliatifs, les retours à l’hôpital étant possibles à tout moment.
1. La mise en œuvre pratique des soins palliatifs dans les différents lieux de soins
1.1. La salle de naissance
En dehors des situations où le pronostic a pu être établi de façon certaine avant la naissance ou des situations à la limite de la viabilité, la mise en place de soins palliatifs dès la salle de naissance est exceptionnelle.
1.1.1. Naissance vivante d’un enfant atteint d’une pathologie grave et incurable dont la mère n’a pas demandé l’interruption médicale de grossesse (IMG)
Lorsque les parents n’ont pas choisi l’IMG, ils imaginent souvent que l’enfant va décéder peu de temps après la naissance, les pathologies « graves et incurables » pouvant autoriser l’IMG étant très généralement assimilées par eux à des pathologies létales à court terme. Or, ces pathologies « graves et incurables » ne sont pas toujours fatales à court terme et peuvent exposer l’enfant à une vie prolongée difficile, même si la notion de « qualité de vie » est éminemment subjective. Il est quasiment impossible d’établir une liste de malformations d’évolution sûrement fatale, en dehors de l’hypoplasie pulmonaire en rapport avec une agénésie rénale bilatérale et de certaines formes majeures d’hypoplasie du cœur gauche. Des tentatives ont eu lieu dans ce sens mais cette démarche est très sujette à discussion. La durée de vie de l’enfant pourra donc être plus ou moins longue (quelques minutes, quelques heures, plusieurs jours ou plusieurs mois) mais toujours imprévisible, et les parents doivent en être informés.
1.1.2. Naissance aux limites de la viabilité
Aux limites de la viabilité, la conduite dépend du terme, des facteurs pronostiques associés et des discussions qui ont pu avoir lieu entre professionnels et parents sur la conduite à tenir. Les bonnes conditions de prise de décision sont réunies lorsque la naissance a lieu en centre de type 3, après un délai entre l’admission de la mère à la maternité et la naissance suffisant pour avoir permis l’instauration d’un dialogue avec elle et son compagnon. Lorsque les éléments de pronostic défavorable sont réunis avec une marge d’incertitude faible, il est possible d’élaborer avant la naissance une démarche programmée « définitive », dans l’hypothèse où la naissance surviendrait à très court terme. Les professionnels de maternité (sages-femmes, obstétriciens, pédiatres et anesthésistes), sont d’ailleurs confrontés à la même problématique en deçà de la limite de viabilité : les enfants extrêmement immatures naissant vivants avant 22 semaines, et dont les chances de survie sont nulles quoi qu’on fasse, devraient pouvoir bénéficier aussi d’une approche palliative indispensable pour que les parents perçoivent que ces bébés sont bien reconnus et pris en charge comme des êtres humains.
1.1.3. Prise en charge en salle de naissance
La présence du pédiatre reste incontournable en salle de naissance, car c’est l’examen du nouveau-né qui permet de confirmer les anomalies décrites avant la naissance ou la grande immaturité tout en appréciant les fonctions vitales du nouveau-né.
L’insuffisance des grandes fonctions vitales (absence de respiration autonome, voire d’activité cardiaque suffisante ; score d’Apgar nul), conduit à s’abstenir de toute manœuvre de réanimation en salle de naissance et à entrer d’emblée dans la phase terminale des soins palliatifs.
En cas de détresse respiratoire, il est possible d’envisager une sédation et c’est l’intensité de la dyspnée qui conditionnera la voie d’administration du traitement. En cas de dyspnée sévère la voie veineuse permet d’améliorer rapidement le confort des enfants en toute fin de vie. Les voies sublinguale et digestive semblent moins rapidement efficaces, tandis que la voie intrarectale à la naissance semble présenter une biodisponibilité aléatoire et imprévisible,
Dans les cas où le décès est à l’évidence proche on essaye de ne pas retarder le contact des parents avec leur enfant. Si besoin on privilégiera la pose d’un cathéter ou d’un cathéter court au niveau de la veine ombilicale, car c’est une voie d’abord fiable, non douloureuse et de durée d’utilisation prolongée. Si un traitement médicamenteux est nécessaire, le même traitement que celui des enfants pour lesquels la ventilation mécanique est arrêtée est préconisé (voir ci-après).
En cas de décès rapide en salle de naissance, que garde-t-on après la mort : une photo, des cheveux, une empreinte de la main ou du pied ? Que propose-t-on aux parents ? Il n’y a bien sûr aucune réponse stéréotypée. Les propositions les plus diverses n’ont qu’un but : ancrer ce bébé dans l’humanité. Les moyens d’y parvenir importent peu s’ils sont reconnus par les parents comme une démarche humaniste et non la projection de positions personnelles.
Dans les cas où l’adaptation du nouveau-né est correcte, laissant présager d’un temps de vie plus long, la prise en charge de l’enfant privilégie à la fois son confort, (maintien de la température, prévention et traitement de la douleur) tout en préservant le contact avec ses parents, si ceux-ci le souhaitent. Lorsque cela est possible, il semble d’ailleurs intéressant de privilégier le temps en salle de naissance qui réunit à la fois les parents et l’enfant avant que les contraintes de l’hospitalisation de l’enfant ne les séparent. En effet, le service de néonatalogie est en général plus habitué à gérer les situations de fin de vie que les structures de maternité. Dès la salle de naissance, il y a lieu de s’interroger sur la pertinence de tout geste pratiqué (pose d’une sonde gastrique, d’une voie veineuse, d’une surveillance par cardiomoniteur…).
1.2. Pendant l’hospitalisation en milieu de réanimation ou soins intensifs
1.2.1. Prise en charge de la douleur et de l’inconfort
1.2.1.1. La limitation des gestes inconfortables ou douloureux
La limitation des gestes inconfortables ou douloureux est la règle : si la pose d’une sonde gastrique est en principe à éviter, la mise en aspiration digestive d’un enfant en occlusion peut être bénéfique en évitant les vomissements. On peut être amené par la situation clinique et symptomatique à pratiquer divers gestes médicaux qui, hors du contexte, pourraient sembler inutilement agressifs. Le moment dans lequel s’inscrit la situation a également son importance dans les gestes pratiqués : le monitorage cardiorespiratoire est souvent inopportun si l’enfant doit mourir sous peu ; en revanche, lors d’un arrêt des thérapeutiques actives, certains parents comprennent mal qu’on suspende totalement le monitorage et qu’on passe l’enfant de la couveuse au berceau, alors que d’autres font cette demande pour raison d’intimité ou de confort.
1.2.1.2. Une attention particulière doit être portée à toute situation d’inconfort
Une attention particulière doit être portée à toute situation d’inconfort y compris lorsqu’elle n’a rien de spécifique par rapport à la pathologie de l’enfant (bosse sérosanguine, hématomes, fracture de clavicules, mobilisation douloureuse). Dans ces situations, le recours à la voie orale pour les administrations médicamenteuses doit être privilégié. L’emploi de la succion non nutritive, l’administration de solutions orales sucrées, contribuent à la lutte contre la douleur et doivent être maintenus dans le cadre des soins palliatifs. Avant d’administrer des analgésiques morphiniques, on a recours aux antalgiques de palier I donnés per os. L’utilisation de morphine peut accélérer le processus de fin de vie en provoquant une hypoventilation voire des apnées (principe du double effet) et les parents doivent en être informés. Les traitements sont adaptés à la douleur évaluée par des grilles (cf. supra), associées à l’observation des soignants et des parents.
Les « analgésiques morphiniques » constituent la base du traitement et leur utilisation repose sur la titration. Un bolus précédant la mise en route d’une perfusion continue permet d’obtenir un effet antalgique plus rapide. Du fait de son pouvoir antalgique, de sa longue demi-vie et de ses moindres effets secondaires (rigidité thoracique), on préfère la morphine. En cas de persistance d’un inconfort, la dose sera augmentée par titration, après administration d’un nouveau bolus. Aucune augmentation des doses n’est nécessaire si l’enfant semble confortable avec la dose administrée. La tolérance induite par ces médicaments peut cependant amener à augmenter la posologie au bout de quelques jours. En l’absence de voie veineuse, mais surtout en fonction de la situation clinique, la morphine peut être utilisée par voie sous-cutanée. La voie intramusculaire, douloureuse en elle-même, sera évitée. Le chlorhydrate de morphine peut être donné per os toutes les 4 à 6 h ou en intrarectal à la dose de 0,2 à 0,5 mg /kg par jour ; par voie intraveineuse, intramusculaire, sous-cutanée toutes les 2 à 4 h à la dose 0,05 à 0,1 mg/kg, ou en intraveineuse continue à la dose de 0,01 à 0,02 mg/kg par heure.
1.2.1.3. La sédation
La sédation a donné lieu à la rédaction de recommandations de la Société française d’anesthésie pédiatrique (SFAP) dont certaines s’appliquent aux nouveau-nés.
L’« utilisation de sédatifs anxiolytiques » comme les benzodiazépines est intéressante en association avec un antalgique. Comme les morphiniques, elles sont source de dépression respiratoire. Le midazolam est administré intraveineux en bolus de 0,03 à 0,1 mg/kg ou en continu à 0,05 mg/kg par heure ou encore à la dose de 0,2 à 0,3 mg intrarectal. L’administration de diazépam est possible en injection intraveineuse (potentiellement douloureuse) ou per os ou intrarectal à la dose de 0,3 à 0,5 mg/kg.
La « kétamine » a d’excellentes propriétés analgésiques aussi bien pour les douleurs aiguës que chroniques. Elle préserve la respiration spontanée. On peut être gêné par les phénomènes d’émergence (à type d’hallucination), mal évalués chez le nouveau-né et par l’hypersécrétion des glandes salivaires et bronchiques, risque limité par l’administration préalable d’atropine (0,01 à 0,02 mg/kg). La kétamine a une excellente tolérance par voie veineuse (0,5 à 2 mg/kg) chez le nouveau-né ou par voie digestive (2 à 5 mg/kg per os ou intrarectal) et permet de diminuer les doses de morphine.
1.2.1.4. Diverses situations cliniques
L’arrêt de la ventilation mécanique peut se faire de 2 façons :
• arrêt progressif de la ventilation mécanique accompagné éventuellement de la mise sous un traitement antalgique avant l’extubation, en utilisant la titration afin d’éviter tout inconfort de l’enfant (sensation d’étouffement) ;
• extubation première avec début de l’analgésie sans retard après l’extubation, si des signes d’inconfort de l’enfant apparaissent.
Deux situations délicates peuvent être rencontrées lors de l’arrêt de ventilation mécanique.
La « dyspnée sévère » correspond à la perception d’une sensation d’inconfort liée à une respiration inefficace. Trois composantes sont individualisées chez l’adulte : « manque d’air », sensation d’une accentuation du travail respiratoire, constriction pulmonaire. Des analogies entre perception de la douleur et de la dyspnée existent. Chez l’enfant en fin de vie, elle est très inconfortable. Chez le nouveau-né, des données suggèrent la présence d’un inconfort. Son évaluation n’est pas simple, mais dans le doute l’utilisation d’un morphinique permet au moins la prise en charge de la composante douloureuse du phénomène.
Les « gasps » réflexes posent surtout la question de l’existence ou non d’une douleur associée. Ils sont perçus comme une source d’inconfort majeure par la majorité des parents qui y assistent. Mais l’existence d’une douleur ressentie apparaît très peu probable au vu de la physiologie. Devant l’impossibilité d’en apporter la preuve formelle, le débat est autant éthique que médical.
D’autres situations cliniques peuvent nécessiter une prise en charge particulière et des traitements médicamenteux en soins palliatifs comme par exemple une décompensation cardiaque sévère, des convulsions, des vomissements.
1.2.2. L’optimisation de l’environnement matériel, humain et affectif
Les parents sont sollicités pour participer aux soins de confort de leur enfant. Les soignants les accompagnent la plupart du temps dans ce moment. L’humanité et le respect de la dignité de l’enfant passent aussi souvent pour les parents par son habillage. Les parents pourront amener les vêtements de leur choix ou, en l’absence de vêtements adaptés à la taille de l’enfant, certaines équipes ont fait preuve d’imagination pour créer ou obtenir des vêtements spécialement conçus pour les enfants prématurés. Dans ce cas, les vêtements seront choisis par les parents et l’habillage de l’enfant assuré par eux ou en leur présence si l’enfant est porteur de matériel et si les parents sont craintifs. Il faudra cependant vérifier que cela contient l’enfant et par-là même le sécurise, et s’assurer que cela ne le gêne pas.
L’environnement humain est composé par la famille de l’enfant et par les professionnels du service. La fratrie est généralement acceptée dans les services. Le retentissement des visites sur le psychisme des frères et sœurs est le plus souvent bénéfique ; il faut y être attentif, d’autant plus quand ils n’ont pas atteint l’âge de verbaliser leurs affects. Dans certains lieux, une réflexion a mené à ouvrir les unités à la fratrie si elle le demande (par la parole ou non), dès lors que les parents sont tous les 2 en accord avec cette demande et que la visite est préparée et suivie. D’autres unités ont une approche plus directe mais insistent sur l’importance des explications qui doivent entourer ces visites, qu’elles proviennent des soignants ou des parents. Le manque d’évaluation objective de ces pratiques rend les recommandations difficiles à formuler. Lorsque les parents ne restent pas ou ne peuvent pas rester auprès de leur enfant nouveau-né, l’avant et l’après visite de la fratrie pose souvent problème, car peu de services disposent d’une salle de jeux avec une professionnelle qui prend le relais des parents. Or, ceux-ci souhaitent la plupart de temps rencontrer leur enfant nouveau-né avant d’introduire la fratrie, tout comme ils souhaitent encore un petit moment avec l’enfant nouveau-né après la visite pour une séparation en douceur.
1.3. Les autres lieux éventuels et leurs problèmes spécifiques : suites de couches, service de néonatologie, à domicile
Des soins palliatifs peuvent parfois être mis en œuvre en dehors de la salle de naissance ou de l’unité de réanimation ou soins intensifs après réflexion et discussion d’équipe.
Lorsque l’enfant qui a été pris en charge de manière palliative en salle de naissance survit au-delà de quelques heures, se pose le problème de son transfert en « suites de couches » à côté de sa mère ou en « service de néonatalogie ». De nombreux secteurs de suites de couches sont inadaptés actuellement à la prise en charge optimale du nouveau-né en soins palliatifs près de sa mère : présence pédiatrique discontinue, environnement architectural peu propice, présence proche d’autres familles vivant un heureux événement. Toutefois, si les équipes ont un véritable souhait de continuer la prise en charge palliative commencée en salle de naissance, rien ne s’y oppose. Pour la famille, le fait de ne pas changer de lieu ni d’équipe est un facteur très rassurant. Le transfert en néonatalogie reste souvent la solution privilégiée si la poursuite des soins palliatifs en maternité pose problème. Là encore, c’est surtout la réflexion et la formation des équipes soignantes qui sera le garant d’une prise en charge optimale. Si le contact avec le pédiatre et les soignants a pu être anticipé au cours des discussions prénatales par exemple, cela sera également un facteur de réassurance pour les parents.
Si l’état de l’enfant est compatible avec un « retour à domicile » au bout de quelques jours, on peut s’appuyer, dans l’idéal et selon les conditions locales, sur l’équipe du réseau de soins palliatifs pédiatriques ou sur l’équipe mobile de soins palliatifs, voire sur une équipe d’hospitalisation à domicile, qui viendra rencontrer la famille et les soignants à l’hôpital pour assurer un transfert programmé de qualité. Les parents savent qu’ils pourront toujours revenir à l’hôpital dans une unité où les professionnels sont au courant de leur histoire, si la situation à domicile devient difficilement supportable pour eux. Il n’est pas rare que plusieurs allers-retours émaillent ainsi la période palliative, dans les cas d’hypoplasie sévère du cœur gauche, par exemple. Si l’équipe reste adaptée en permanence à l’état de l’enfant et que la famille bénéficie d’un soutien psychologique actif (de l’équipe d’abord, éventuellement soutenue par les psychologues ou pédopsychiatres), les parents peuvent trouver une certaine sérénité dans la certitude que l’enfant ne souffre pas et qu’ils peuvent s’appuyer en permanence sur des professionnels disponibles.
2. Comment progresser dans le domaine des soins palliatifs chez le nouveau-né
2.1. Organisation
2.1.1. L’organisation administrative des soins palliatifs chez l’adulte
La circulaire de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) no 2002-98 du 2 février 2002 a défini les principes d’organisation des soins palliatifs et a tenté de fournir des éléments de définition des différents types de prise en charge tant à domicile qu’en établissement de santé ainsi que les modalités de mise en œuvre par les Agences régionales d’hospitalisation (ARH). Elle rappelle que la pratique des soins palliatifs concerne tous les services de soins, qui doivent : élaborer un projet de service en soins palliatifs, nommer des référents internes au service, et assurer une formation et un soutien des soignants, ainsi qu’une réflexion sur l’accueil et l’accompagnement des familles. La création d’équipes mobiles de soins palliatifs permet, par une action transversale au sein d’un établissement de santé, d’assurer une mission de « conseil » en soins palliatifs, de soutien et de formation auprès des équipes soignantes.
2.1.2. Qu’en est-il chez le nouveau-né ?
On estime qu’il y a environ 600 enfants par an en France qui décèdent chaque année entre 1 mois et 1 an d’une affection dont l’origine se trouve dans la période périnatale. L’idée d’une individualisation d’unités de soins palliatifs semble peu pertinente en néonatologie. En revanche, les services prenant en charge des nouveau-nés sont confrontés à la majorité des décès avant 1 an et cela rend incontournable pour ces équipes la démarche d’élaboration d’un projet de service en soins palliatifs telle qu’elle est définie dans la circulaire du 2 février. Lors du retour à domicile, le soutien offert aux parents sur le plan psychosocial et financier, de même que la possibilité d’un retour à l’hôpital en cas de besoin sont essentiels.
2.1.3. La tarification à l’activité (« T2A ») en néonatologie
La période néonatale correspond à la Classification majeure de diagnostics (CMD) 15 : nouveau-nés, prématurés. En période néonatale le critère principal initial est le poids puis le mode de sortie (décès ou sortie vivant). Il est globalement plus intéressant d’entrer un diagnostic principal (DP) dans la CMD 15, puisqu’il permet pour les unités ayant une autorisation (réanimation, soins intensifs, néonatologie…), d’obtenir un forfait journalier en complément du Groupe homogène de séjours (GHS), qui valorise considérablement le séjour.
Le système de la tarification à l’activité (T2A) ne permet pas le cumul des GHS. Ainsi la codification du DP « nouveau-né, prématuré » (CMD 15) est toujours mieux valorisée qu’un DP « soins palliatifs » même avec des actes. Par ailleurs, il n’existe pas de co-morbidité « nouveau-né » attribuable à ce GHS. Il est donc toujours plus intéressant financièrement d’avoir un code d’entrée CMD 15. Du fait du tarif forfaitaire, il n’y a pas de possibilité actuelle de valoriser l’activité de soins palliatifs néonatals en T2A dans des services de réanimation et soins intensifs. Tout au plus peut-on la recenser pour qu’elle apparaisse dans le rapport annuel d’activité.
2.2. Formation
Des enseignements spécifiques devraient aborder la période périnatale et être plus largement diffusés pour répondre aux fortes attentes des équipes. Des programmes d’enseignement spécifiques aux soins palliatifs existent (Diplôme inter-universitaire [DIU] ou Diplôme d’études spéciales complémentaires [DESC] de soins palliatifs), cependant, ils englobent tout le champ de la médecine ou ne consacrent qu’une petite partie de leur programme à la population pédiatrique et encore moins néonatale. Les connaissances indispensables à l’abord des soins palliatifs en néonatalogie sont communes à de nombreux autres domaines de la pratique périnatale : processus de deuil et spécificités du deuil périnatal, loi du 22 avril 2005, douleur, enjeux psychologiques. Les professionnels de la période périnatale devraient en principe avoir abordé dès leur formation initiale la problématique de leur identification personnelle aux parents et aux mères en particulier . Dans les services exposés, des groupes de parole devraient permettre d’identifier les causes profondes des tensions rencontrées. À côté d’un enseignement théorique formalisé, l’organisation de tables rondes, de séances de reprise de dossiers difficiles et les revues de mortalité-morbidité permettront de faire avancer la réflexion et la maturité de l’équipe. Un temps d’analyse des pratiques, pour reprendre à distance les situations vécues, permet de maintenir dans la durée la cohésion de l’équipe et de progresser ensemble dans la gestion de ces moments difficiles. L’appropriation par les équipes du concept de soins palliatifs chez le nouveau-né, l’inscription de cette démarche dans le projet de service et sa déclinaison dans le quotidien des soins, sont un préalable à l’implication de chacun.
2.3. Recherche
Le développement des soins palliatifs en période néonatale passe par le développement de programmes de recherche spécifique. L’évaluation des pratiques professionnelles est un préalable à l’élaboration d’un programme de recherche. Il est recommandé de développer les indicateurs qualitatifs dans les soins palliatifs en néonatalogie : pourcentage de malades pour lesquels un plan de soins interdisciplinaire a été élaboré, évaluation de la gestion de la douleur et des symptômes, satisfaction de la famille et des soignants, pourcentage de patients pour lesquels les buts (du malade et) de la famille sont consignés. Des indicateurs pourraient également être issus de l’analyse de la procédure collégiale dans les dossiers, de la transcription des entretiens famille–soignants, de la réalisation d’enquêtes de satisfaction auprès des soignants, voire auprès des familles, après un temps de latence difficile lui-même à évaluer. Les techniques utilisées en sciences humaines comme les entretiens semi-directifs filmés et analysés pourraient peut-être s’appliquer à ce domaine, mais les médecins n’y sont généralement guère formés. Le temps semble venu de passer du simple recueil d’opinion au recueil d’observations permettant des approches de portée générale. La formalisation de ces pratiques reste à faire.
3. Conclusion
La mise en œuvre des soins palliatifs est possible dans de nombreux lieux géographiques à partir du moment où cette pratique s’appuie sur une équipe formée et désireuse de mettre ses compétences au service de l’enfant, de la mère, et du couple.
3.1. Conclusion générale du Groupe de réflexion sur les soins palliatifs en période néonatale
L’ambition de notre groupe était de parcourir les possibilités ouvertes par l’apparition des soins palliatifs en périnatalogie. La reconnaissance des situations d’obstination déraisonnable avérée ou potentielle rencontrées chez le nouveau-né impose aux néonatalogistes comme aux autres médecins de respecter la démarche décisionnelle en 3 temps que prescrit de fait la loi du 22 avril 2005 : caractérisation d’une obstination déraisonnable, décision de renoncement thérapeutique et mise en œuvre de soins palliatifs. Si les conditions sont remplies, cette loi permet aux néonatalogistes de développer leurs conduites dans le cadre légal, ce qui n’était pas toujours le cas dans les décennies précédentes. Les difficultés rencontrées tiennent pour une part à la nouveauté du concept dans cette tranche d’âge et aussi à la diversité des approches précédemment organisées au fil des ans dans les services, ainsi qu’à la fréquence des situations d’incertitude en période néonatale où la caractérisation de l’obstination déraisonnable n’est pas évidente.
Bien que l’on ne dispose pas en France d’enquête détaillée récente en la matière, l’application de la loi du 22 avril 2005 dans les services de néonatalogie a accompagné une évolution déjà perceptible depuis quelques années et marquée par :
• une volonté des néonatalogistes d’inscrire désormais leurs pratiques dans le cadre de la loi ;
• une maturation de la réflexion dans le domaine de la fin de vie au sein des équipes concernées ;
• une évolution vers plus de transparence et de collégialité lors des discussions et des décisions dans ce domaine ;
• la proposition plus fréquente d’une prise en charge de type « soins palliatifs » chez les patients dont la fin de vie a pu être anticipée ;
• l’association plus importante des familles à la réflexion et aux décisions.
C’est probablement ce qu’avait voulu le législateur. Reste à développer l’enseignement et la recherche clinique dans ces domaines, afin que les équipes concernées puissent disposer de critères d’évaluation permettant de guider leurs orientations futures.
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