Et sur le plan spirituel, comment allez-vous ?

Tenter de définir la spiritualité n’est pas tâche facile.Que dire lorsqu’il s’agit de la mesurer ? C’est pourtant un domaine où des cliniciens du Colorado se sont aventurés, pour tenter de clarifier les données existantes, en les complétant par une étude sur 60 patients de 75 ans en moyenne, atteints d’insuffisance cardiaque chronique de niveau NYHA classe II . Parmi eux, se trouvaient 19 déprimés, 8 cancéreux et 28 autres avec des antécédents d’infarctus du myocarde.
Selon ces auteurs, la spiritualité consiste en la recherche de transcendance, permettant à chacun de donner un sens à son existence, éventuellement liéé à des rituels d’ordre religieux, communs à une communauté.
Des recherches en ce sens avaient déjà établi des liens entre paix intérieure et qualité de vie, certains modèles corrélant spiritualité et santé. De même, la croyance en un dieu et les pratiques religieuses se sont trouvées associées à une diminution de la morbidité et de la mortalité, sans que la nature de ces relations puisse être clairement explicitée. Ces facteurs ont également été étudiés en parallèle avec des travaux sur l’existence de facteurs dépressifs.
C’est sur deux instruments de mesure validés que se fonde l’étude américaine : le Functional Assessment of Chronic Illness Therapy- Spiritual Well- Being (FACIT-sp), comprenant 12 items en 48 points, et le Ironson- Woods Spirituality/ Religiousness Index (IW) en 25 items. Le FACIT-sp s’applique au bien- être spirituel global, à l’harmonie de la vie intérieure. L’IW explore surtout la spiritualité sous l’angle des religions et de la vision bienveillante de l’autre. La Geriatric Depression Scale –short form (GDS-sf) évalue l’état spécifiquement psychologique, tandis que les mesures de qualité de vie répondent à l’échelle de Kansas City Cardiomyopathy questionnaire (KCCQ) en 100 points.
Les premières constatations découlant de ce travail mentionnent que les mesures de la spiritualité antérieurement réalisées ont, en fait, confondu plusieurs champs d’investigation. En effet, cette recherche montre clairement que le bien-être spirituel doit être distingué du confort psychologique et de son impact sur la qualité de vie. Ainsi, on ne peut pas affirmer que la condition spirituelle des déprimés n’est pas bonne, et inversement.
Cependant, lorsqu’un insuffisant cardiaque ressent une certaine désespérance, sans présenter de signes dépressifs, il peut s’agir d’une crise spirituelle, susceptible de bénéficier de l’assistance d’une communauté ou d’un prêtre. En combinant les réponses aux items des deux échelles choisies, on peut ainsi affiner le diagnostic différentiel déterminant les besoins spécifiques de chaque patient, surtout lorsqu’il est atteint de pathologie chronique grave.
Cette petite étude montre que, malgré la complexité de la conceptualisation et de la mesure de la spiritualité, il est possible de conduire des investigations dans ce champ, au profit du patient, en veillant à ne pas confondre bien-être psychologique et confort spirituel.

Dr Françoise Ponchie Gardelle
Beckelman DB et coll.: A comparison of two spirituality instruments and their relationship with depression and quality of life in chronic heart failure. J Pain Symptom Manage 2010;39:515-526