Il y a 24 ans, le 4 juin 1986, le Dr Saadeddine Zmerli a effectué la première transplantation d’organes réalisée en Tunisie, celle du rein, dans le service d’Urologie de l’Hôpital Charles Nicolle. Il nous retrace ici l’historique de la greffe rénale dans le monde et en Tunisie. Il nous parle aussi des transplantations rénales et le point de vue juridique et de la greffe cardiaque et hépatique et d’autres questions : Interview.
Le Temps : Quelques mots sur l’historique de la greffe rénale
Dr Saadeddine Zmerli
Tout d’abord il convient de rappeler que la transplantation est le terme médical pour désigner cette opération chirurgicale, consistant à remplacer un organe malade par un organe sain, appelé « greffon » ou « transplant » et provenant d'un donneur vivant ou décédé. Ainsi, pour le rein, le foie, le cœur ou le poumon, on parlera de transplantation rénale, hépatique, cardiaque ou pulmonaire. Alors que la greffe désigne une opération chirurgicale intéressant des tissus ou des cellules. On parlera de greffe de cornée et non de transplantation de cornée.
L’usage a prévalu sur la définition médicale et le mot greffe est utilisé également pour les transplantations d’organes.
Quant à l’historique de la transplantation rénale, elle a été la première transplantation d’organe réalisée dans le monde.
Boston et Paris sont les villes phares de la greffe rénale entre donneurs vivants. En 1954, Murray, Merill et Harrisson (Boston) réussissent la première transplantation rénale entre vrais jumeaux. Rapidement suivis par Jean Wayse et Jean Auvert (Necker), René Kuss Cochin).
S'ensuivront d'autres greffes réussies entre vrais jumeaux.
Cependant, en dehors de la gémellarité vraie, les greffes échouent, le problème d’incompatibilité biologique est dès lors posé.
Le rejet du transplant correspondait en fait à une réaction immunitaire acquise de l’hôte.
En 1959 Jean Hamburger à Paris (Necker) et John Merill à Boston ont l'idée d'irradier les receveurs avec les rayons X pour annihiler leurs réactions immunitaires réussissant ainsi les premières greffes réalisées entre faux jumeaux.
En 1962, à Boston, est réalisée la première transplantation du rein d’un donneur décédé. Le patient survit pendant 21 mois, grâce à un nouveau médicament immunosuppresseur, l'azathioprine, utilisé en association avec les corticoïdes. En 1966, grâce à l’avènement de nouveaux immunosuppresseurs (ciclosporine) les indications de la transplantation rénale reposent désormais sur des bases plus précises et plus solides.
A cette époque, en ma qualité de chef de clinique assistant du Professeur Roger Couvelaire dans le service d’urologie de l’hôpital Necker, j’ai eu la chance de participer aux toutes premières greffes rénales réalisées à Paris, de présenter un film sur la transplantation rénale entre jumeaux identiques au Congrès d’urologie de 1962 et de publier sur l’homotransplantation rénale, en association à de grands noms de l’Ecole Médicale Française, Jean Hamburger, Jean Crosnier, Jean Auvert, Jacques Cukier, Jean Dormont.
Au cours de la même période, attaché à l’unité de recherche chirurgicales et urologiques, j’ai effectué avec Jean Auvert, son directeur, une cinquantaine d’autogreffes chez le chien qui nous ont permis de déterminer le degré de température assurant la plus longue survie du rein prélevé. Le critère obtenu, 4 degrés Celsius, fut adopté comme norme internationale.
L’historique en Tunisie ?
La première transplantation d’organes réalisée en Tunisie est celle du rein que j’ai effectuée le 4 juin 1986 dans le service d’Urologie de l’Hôpital Charles Nicolle..
Sept ans plus tard, en 1993, le docteur Mohamed Fourati réalisait la première transplantation cardiaque et le docteur Ridha Bel Hadj Hamida réalisait la prem ière transplantation hépatique, en 1998.
La réussite de la transplantation nécessite la coopération d’autres disciplines.
Ainsi, pour la greffe rénale, nous pouvions compter sur l’expérience et la coopération du Professeur Ben Ayed pour la prise en charge le suivi et le traitement immuno-dépresseur des transplantés et celle de Khaled Ayed pour la définition biologique du donneur et du receveur.
Après le service d’Urologie de l’Hôpital Charles Nicolle, 4 nouveaux centres sont entrés en lice : le service de transplantation d’organes de l’hôpital militaire en 1993, les services d’urologie de Sfax en 1995, celui de Monastir en 1996 et enfin celui de Sousse en 2007, respectivement dirigés par Jamel Manaa, Nebil Mehri, Hamadi Saad et Ali Mosbah.
Votre expérience en Tunisie?
En réussissant le 4 juin 1986 la première greffe rénale en Tunisie je réalisais enfin un vieux souhait.
Depuis, en l’espace de trois ans j’ai réalisé 65 transplantations rénales, les premières transplantations d’organes en Tunisie, sans aucune aide étrangère, assisté uniquement de mes élèves Mohsen Ayed, Mounir Ouakdi, et Mohamed Chebil qui allaient devenir les futurs transplanteurs
Cette expérience a fait l’objet de plusieurs publications scientifiques.
L’évènement a suscité un immense enthousiasme auprès des jeunes médecins et des jeunes chirurgiens cherchant désormais à se familiariser avec cette conquête nouvelle qu’est la greffe d’organes.
Cette révolution a, dans le même temps, interpellé notre conscience de médecin, de citoyen et de musulman sur des questions nouvelles et complexes relevant de la bioéthique.
A l’époque, la seule réglementation juridique pour les prélèvements d’organes, le décret beylical du 19 juillet 1952, ne concernait que les personnes décédées et ignorait la mort cérébrale dont le concept était alors méconnu.
Le prélèvement d’organes sur le vivant, quant à lui, n’avait aucun substrat légal. Or les greffes étaient, pour la plupart 56 fois sur 65, réalisées à partir de donneurs vivants, nous renvoyant à ce vide juridique qui devait soulever de lourds problèmes de responsabilité.
Nous nous étions également entourés de précautions par rapport aux donneurs qui étaient parfaitement informés des risques qu'ils encouraient et auxquels nous demandions un engagement certifié par l’autorité publique en l’occurrence auprès des mairies.
Pour certains juristes, toutes ces précautions restaient insuffisantes et aléatoires, de ce fait, le transplanteur c'est-à-dire le chirurgien était vulnérable au regard de la loi.
Convaincus que notre action, considérée par les autorités religieuses du pays comme une bonne action (hassana), un acte miséricordieux conforme aux préceptes islamiques, était en complète harmonie avec notre conscience de médecin et conforme à l'éthique médicale, nous avons pris en charge la chirurgie de la greffe rénale en la pratiquant de manière totalement transparente et humanitaire, valorisant le don et le libre choix de la famille. Nous assumions ainsi une double et lourde responsabilité, vis-à-vis du donneur, d’une part, dont il fallait assurer le pronostic vital et vis-à-vis du receveur, d’autre part, auquel il fallait garantir le succès de la greffe.
Quant au prélèvement du rein sur une personne décédée nous l’avons pratiqué neuf fois, après avoir obtenu le consentement sans réserve de tous les membres de la famille et cela dans les circonstances pesantes que l’on peut imaginer. En effet celui à qui on envisage de prélever un organe, alors même qu’il est en état de mort cérébrale, sous assistance respiratoire et sous perfusion afin que les organes soient préservés, apparaît à sa famille comme encore vivant.
Cette nouvelle vision de la mort est mal appréhendée par les membres de la famille. Sollicités en plein désarroi, en pleine douleur, les parents souhaiteraient ne pas avoir à prendre une responsabilité qui aurait dû revenir au décédé.
En dépit de cette situation des plus délicates, là encore nous nous sommes toujours attachés à expliquer aux familles le caractère irréversible de l’atteinte cérébrale, tout en leur manifestant notre compassion et notre attachement au respect de la personne humaine, de son intégrité physique et notre volonté de soigner, de sauver une vie humaine grâce à leur concours.
Au terme de notre série, les résultats obtenus en tous points comparables à ceux présentés par les centres européens, ont suscité un écho des plus sécurisants auprès du corps médical et de l’opinion publique et établi la confiance des patients en attente d’être greffés.
Nous pouvions conclure que la greffe assurait une qualité de vie meilleure que celle de l’hémodialysé et une survie plus longue et de meilleure qualité pour les greffes à partir de donneur vivant. De nombreuses publications sont venues confirmer nos conclusions.
Tout au long de cette expérience, nous nous sommes efforcés de favoriser le développement des compétences et d’assurer la formation des futurs transplanteurs qui allaient assumer la continuité de la greffe rénale en obéissant aux règles éthiques.
La loi a-t-elle répondu à ces objectifs ?
Tout d’abord, le statut juridique du donneur vivant a assuré la protection légale du donneur et du transplanteur. Sur le plan pratique, la loi a favorisé la greffe entre vivants. L’hôpital Charles Nicolle qui en réalisait annuellement avant la loi, une quinzaine en effectue actuellement une trentaine.
Les résultats concernant le transplant cadavérique sont plus mitigés, La moyenne annuelle des greffes à partir de donneurs en état de mort cérébrale stagne désespérément autour de la quinzaine. Sur un total de 873 transplantations rénales effectuées depuis juin 1986, 224 ont été réalisées avec un transplant cadavérique soit 26% seulement contre 95 % en France. Ainsi l’ambiguïté législative du consentement présumé et les problèmes soulevés par la mort encéphalique se sont traduits dans la réalité tunisienne par un manque d’adhésion à cette pratique de prélèvement post-mortem.
Malgré les progrès réalisés l’activité en transplantation rénale ne couvre pas nos besoins pour juguler l’inflation du nombre annuel des nouveaux dialysés estimé à 350.
Deux actions permettront de pallier ce manque. En premier lieu, le renforcement des équipes pour permettre la réalisation d’une cinquantaine de greffes par an et par service et la mise en activité de 2 nouveaux centres l’un à Tunis, l’autre à Kairouan permettront de doubler le nombre des greffés.
La deuxième c’est la mise en place progressive du consentement et du refus explicites. La situation des dialysés en attente, rendu dramatique par la pénurie d’organes a fait de la greffe d’organes un problème de santé publique et un problème de société.
Après une indispensable campagne d’explication et de sensibilisation, le citoyen sera appelé à exprimer librement son choix, donner ses organes ou refuser, lors de l’attribution ou du renouvellement de la carte d’identité nationale (CIN).
La transplantation rénale, qui a ouvert la voie à la greffe cardiaque et hépatique sept et douze ans plus tard constitue un acquis important de la médecine moderne, que nous devons défendre avec constance et détermination contre toutes les dérives, en obéissant aux règles éthiques dont le maitre mot est le respect de la personne humaine.
Recueillis par Néjib SASSI
Le Temps : Quelques mots sur l’historique de la greffe rénale
Dr Saadeddine Zmerli
Tout d’abord il convient de rappeler que la transplantation est le terme médical pour désigner cette opération chirurgicale, consistant à remplacer un organe malade par un organe sain, appelé « greffon » ou « transplant » et provenant d'un donneur vivant ou décédé. Ainsi, pour le rein, le foie, le cœur ou le poumon, on parlera de transplantation rénale, hépatique, cardiaque ou pulmonaire. Alors que la greffe désigne une opération chirurgicale intéressant des tissus ou des cellules. On parlera de greffe de cornée et non de transplantation de cornée.
L’usage a prévalu sur la définition médicale et le mot greffe est utilisé également pour les transplantations d’organes.
Quant à l’historique de la transplantation rénale, elle a été la première transplantation d’organe réalisée dans le monde.
Boston et Paris sont les villes phares de la greffe rénale entre donneurs vivants. En 1954, Murray, Merill et Harrisson (Boston) réussissent la première transplantation rénale entre vrais jumeaux. Rapidement suivis par Jean Wayse et Jean Auvert (Necker), René Kuss Cochin).
S'ensuivront d'autres greffes réussies entre vrais jumeaux.
Cependant, en dehors de la gémellarité vraie, les greffes échouent, le problème d’incompatibilité biologique est dès lors posé.
Le rejet du transplant correspondait en fait à une réaction immunitaire acquise de l’hôte.
En 1959 Jean Hamburger à Paris (Necker) et John Merill à Boston ont l'idée d'irradier les receveurs avec les rayons X pour annihiler leurs réactions immunitaires réussissant ainsi les premières greffes réalisées entre faux jumeaux.
En 1962, à Boston, est réalisée la première transplantation du rein d’un donneur décédé. Le patient survit pendant 21 mois, grâce à un nouveau médicament immunosuppresseur, l'azathioprine, utilisé en association avec les corticoïdes. En 1966, grâce à l’avènement de nouveaux immunosuppresseurs (ciclosporine) les indications de la transplantation rénale reposent désormais sur des bases plus précises et plus solides.
A cette époque, en ma qualité de chef de clinique assistant du Professeur Roger Couvelaire dans le service d’urologie de l’hôpital Necker, j’ai eu la chance de participer aux toutes premières greffes rénales réalisées à Paris, de présenter un film sur la transplantation rénale entre jumeaux identiques au Congrès d’urologie de 1962 et de publier sur l’homotransplantation rénale, en association à de grands noms de l’Ecole Médicale Française, Jean Hamburger, Jean Crosnier, Jean Auvert, Jacques Cukier, Jean Dormont.
Au cours de la même période, attaché à l’unité de recherche chirurgicales et urologiques, j’ai effectué avec Jean Auvert, son directeur, une cinquantaine d’autogreffes chez le chien qui nous ont permis de déterminer le degré de température assurant la plus longue survie du rein prélevé. Le critère obtenu, 4 degrés Celsius, fut adopté comme norme internationale.
L’historique en Tunisie ?
La première transplantation d’organes réalisée en Tunisie est celle du rein que j’ai effectuée le 4 juin 1986 dans le service d’Urologie de l’Hôpital Charles Nicolle..
Sept ans plus tard, en 1993, le docteur Mohamed Fourati réalisait la première transplantation cardiaque et le docteur Ridha Bel Hadj Hamida réalisait la prem ière transplantation hépatique, en 1998.
La réussite de la transplantation nécessite la coopération d’autres disciplines.
Ainsi, pour la greffe rénale, nous pouvions compter sur l’expérience et la coopération du Professeur Ben Ayed pour la prise en charge le suivi et le traitement immuno-dépresseur des transplantés et celle de Khaled Ayed pour la définition biologique du donneur et du receveur.
Après le service d’Urologie de l’Hôpital Charles Nicolle, 4 nouveaux centres sont entrés en lice : le service de transplantation d’organes de l’hôpital militaire en 1993, les services d’urologie de Sfax en 1995, celui de Monastir en 1996 et enfin celui de Sousse en 2007, respectivement dirigés par Jamel Manaa, Nebil Mehri, Hamadi Saad et Ali Mosbah.
Votre expérience en Tunisie?
En réussissant le 4 juin 1986 la première greffe rénale en Tunisie je réalisais enfin un vieux souhait.
Depuis, en l’espace de trois ans j’ai réalisé 65 transplantations rénales, les premières transplantations d’organes en Tunisie, sans aucune aide étrangère, assisté uniquement de mes élèves Mohsen Ayed, Mounir Ouakdi, et Mohamed Chebil qui allaient devenir les futurs transplanteurs
Cette expérience a fait l’objet de plusieurs publications scientifiques.
L’évènement a suscité un immense enthousiasme auprès des jeunes médecins et des jeunes chirurgiens cherchant désormais à se familiariser avec cette conquête nouvelle qu’est la greffe d’organes.
Cette révolution a, dans le même temps, interpellé notre conscience de médecin, de citoyen et de musulman sur des questions nouvelles et complexes relevant de la bioéthique.
A l’époque, la seule réglementation juridique pour les prélèvements d’organes, le décret beylical du 19 juillet 1952, ne concernait que les personnes décédées et ignorait la mort cérébrale dont le concept était alors méconnu.
Le prélèvement d’organes sur le vivant, quant à lui, n’avait aucun substrat légal. Or les greffes étaient, pour la plupart 56 fois sur 65, réalisées à partir de donneurs vivants, nous renvoyant à ce vide juridique qui devait soulever de lourds problèmes de responsabilité.
Nous nous étions également entourés de précautions par rapport aux donneurs qui étaient parfaitement informés des risques qu'ils encouraient et auxquels nous demandions un engagement certifié par l’autorité publique en l’occurrence auprès des mairies.
Pour certains juristes, toutes ces précautions restaient insuffisantes et aléatoires, de ce fait, le transplanteur c'est-à-dire le chirurgien était vulnérable au regard de la loi.
Convaincus que notre action, considérée par les autorités religieuses du pays comme une bonne action (hassana), un acte miséricordieux conforme aux préceptes islamiques, était en complète harmonie avec notre conscience de médecin et conforme à l'éthique médicale, nous avons pris en charge la chirurgie de la greffe rénale en la pratiquant de manière totalement transparente et humanitaire, valorisant le don et le libre choix de la famille. Nous assumions ainsi une double et lourde responsabilité, vis-à-vis du donneur, d’une part, dont il fallait assurer le pronostic vital et vis-à-vis du receveur, d’autre part, auquel il fallait garantir le succès de la greffe.
Quant au prélèvement du rein sur une personne décédée nous l’avons pratiqué neuf fois, après avoir obtenu le consentement sans réserve de tous les membres de la famille et cela dans les circonstances pesantes que l’on peut imaginer. En effet celui à qui on envisage de prélever un organe, alors même qu’il est en état de mort cérébrale, sous assistance respiratoire et sous perfusion afin que les organes soient préservés, apparaît à sa famille comme encore vivant.
Cette nouvelle vision de la mort est mal appréhendée par les membres de la famille. Sollicités en plein désarroi, en pleine douleur, les parents souhaiteraient ne pas avoir à prendre une responsabilité qui aurait dû revenir au décédé.
En dépit de cette situation des plus délicates, là encore nous nous sommes toujours attachés à expliquer aux familles le caractère irréversible de l’atteinte cérébrale, tout en leur manifestant notre compassion et notre attachement au respect de la personne humaine, de son intégrité physique et notre volonté de soigner, de sauver une vie humaine grâce à leur concours.
Au terme de notre série, les résultats obtenus en tous points comparables à ceux présentés par les centres européens, ont suscité un écho des plus sécurisants auprès du corps médical et de l’opinion publique et établi la confiance des patients en attente d’être greffés.
Nous pouvions conclure que la greffe assurait une qualité de vie meilleure que celle de l’hémodialysé et une survie plus longue et de meilleure qualité pour les greffes à partir de donneur vivant. De nombreuses publications sont venues confirmer nos conclusions.
Tout au long de cette expérience, nous nous sommes efforcés de favoriser le développement des compétences et d’assurer la formation des futurs transplanteurs qui allaient assumer la continuité de la greffe rénale en obéissant aux règles éthiques.
La loi a-t-elle répondu à ces objectifs ?
Tout d’abord, le statut juridique du donneur vivant a assuré la protection légale du donneur et du transplanteur. Sur le plan pratique, la loi a favorisé la greffe entre vivants. L’hôpital Charles Nicolle qui en réalisait annuellement avant la loi, une quinzaine en effectue actuellement une trentaine.
Les résultats concernant le transplant cadavérique sont plus mitigés, La moyenne annuelle des greffes à partir de donneurs en état de mort cérébrale stagne désespérément autour de la quinzaine. Sur un total de 873 transplantations rénales effectuées depuis juin 1986, 224 ont été réalisées avec un transplant cadavérique soit 26% seulement contre 95 % en France. Ainsi l’ambiguïté législative du consentement présumé et les problèmes soulevés par la mort encéphalique se sont traduits dans la réalité tunisienne par un manque d’adhésion à cette pratique de prélèvement post-mortem.
Malgré les progrès réalisés l’activité en transplantation rénale ne couvre pas nos besoins pour juguler l’inflation du nombre annuel des nouveaux dialysés estimé à 350.
Deux actions permettront de pallier ce manque. En premier lieu, le renforcement des équipes pour permettre la réalisation d’une cinquantaine de greffes par an et par service et la mise en activité de 2 nouveaux centres l’un à Tunis, l’autre à Kairouan permettront de doubler le nombre des greffés.
La deuxième c’est la mise en place progressive du consentement et du refus explicites. La situation des dialysés en attente, rendu dramatique par la pénurie d’organes a fait de la greffe d’organes un problème de santé publique et un problème de société.
Après une indispensable campagne d’explication et de sensibilisation, le citoyen sera appelé à exprimer librement son choix, donner ses organes ou refuser, lors de l’attribution ou du renouvellement de la carte d’identité nationale (CIN).
La transplantation rénale, qui a ouvert la voie à la greffe cardiaque et hépatique sept et douze ans plus tard constitue un acquis important de la médecine moderne, que nous devons défendre avec constance et détermination contre toutes les dérives, en obéissant aux règles éthiques dont le maitre mot est le respect de la personne humaine.
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