PRUDENCE OBLIGE : L’EMPLOI DES STATINES CHEZ LES FEMMES
de Harriet Rosenberg Danielle Allard
Action pour la protection de la santé des femmes
Juin 2007
de Harriet Rosenberg Danielle Allard
Action pour la protection de la santé des femmes
Juin 2007
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Efficacité des statines chez la femme
Question clinique
Cette
étude souligne la pauvreté de données sur des critères de jugement
forts quant à un traitement par statines chez des femmes aussi bien en
prévention primaire qu’en prévention secondaire.
Suites en bref...
Cette
rubrique de Minerva vous propose un bref résumé de nouvelles études
concernant des sujets précédemment traités dans Minerva. Le comité de
rédaction estime que l’information nouvelle ne nécessite pas une analyse
développée de la publication tout en justifiant une mise au courant de
nos lecteurs, en recadrant ces nouvelles données dans la précédente
évaluation publiée par nos soins.
L’efficacité des
statines chez les femmes présentant une hypercholestérolémie reste un
sujet de débat. Une méta-analyse a évalué l’efficacité des statines pour
les femmes, en majorité à haut risque, en termes de prévention
d’événements cardiovasculaires (critère composite) : RR 0,82 (IC à 95%
de 0,76 à 0,88) (1). Une analyse secondaire des données de l’étude LIPID
(2) en prévention secondaire (haut risque) montre une réduction
significative des événements cardiovasculaires pour l’ensemble de la
population (hommes et femmes) mais ne peut, par manque de puissance, le
montrer pour le sous-groupe des femmes. Dans l’étude ALLHAT, la
population est constituée de 50% de femmes présentant une
hypercholestérolémie limitée et une hypertension artérielle (3,4). Cette
étude ne montre pas de bénéfice significatif pour le critère de
jugement primaire. L’analyse de toutes les études évaluant l’efficacité
des statines montre que leur protocole initial n’a jamais tenu compte
d’une stratification par sexe. Une récente étude effectuée au Japon (5)
inclut 7 939 sujets présentant une hypercholestérolémie isolée, dont 5
336 femmes. L’intervention évaluée est l’administration d’une faible
dose de pravastatine (10 ou 20 mg par jour) en sus d’un régime versus
régime seul. La première analyse, qui se limite aux femmes, tient compte
de toutes les femmes incluses, et montre une différence statistiquement
significative pour le critère de jugement primaire (premier événement
cardiovasculaire survenu). Si le risque est diminué, le seuil de la
signification statistique n’est cependant pas atteint. Les auteurs n’en
croient pas leurs yeux et recommandent, sans sourciller, d’associer au
régime une faible dose de pravastatine en prévention cardiovasculaire
chez des femmes présentant une élévation isolée de la cholestérolémie.
Cette conclusion est hâtive et incorrecte. L’extrapolabilité des
résultats d’une étude effectuée dans une population japonaise à une
population européenne est aussi en question.
Conclusion
Cette
étude souligne la pauvreté de données sur des critères de jugement
forts quant à un traitement par statines chez des femmes aussi bien en
prévention primaire qu’en prévention secondaire.
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Prudence oblige: L’emploi des statines chez les femmes
Publié: Printemps/été 2008
Harriet G. Rosenberg et Danielle Allard
D’Action pour la protection de la santé des femmes
Les
statines sont une classe de médicaments sur ordonnance conçus pour
faire baisser le taux de cholestérol. Les principales statines sont le
Lipitor (nom générique de l’atorvastatine), le Crestor (rosuvastatine),
le Mevacor (lovastatine), le Pravacol (pravastatine), le Zocor
(simvastatine) et le Lescol (fluvastatine).
La prescription de
ces médicaments est justifiée par l’hypothèse du cholestérol, selon
laquelle les médicaments capables de faire baisser le taux de
cholestérol total (TC) ou celui de cholestérol LDL (souvent appelé «
mauvais » cholestérol) ou bien de faire monter le taux de cholestérol
LHD (« bon » cholestérol) préviendront les cardiopathies. La mesure de
la baisse de cholestérol est ce qu’on appelle un « substitut de
paramètre », ce qui est différent de la mesure des paramètres mesurables
objectifs de la diminution des cardiopathies ou des décès en raison de
ces maladies. Souvent, le fait d’avoir du cholestérol est quasiment
perçu comme un problème de santé. Toutefois, celui-ci assure de
nombreuses fonctions vitales dans le corps : il maintient la structure
de la paroi cellulaire, est essentiel à la synthèse des hormones et de
la vitamine D, à la production du sel biliaire et à la digestion, aux
fonctions cérébrales et neuronales. Vital au développement du fœtus,
c’est également un composant essentiel du lait maternel.
Au cours
des 20 dernières années, une classe de médicaments capables de faire
baisser le taux de cholestérol, les statines, sont devenus les produits
pharmaceutiques les plus largement prescrits au monde. Au Canada, les
femmes représentent la moitié des trois millions de personnes prenant
des statines chaque jour.
Harriet Rosenberg et Danielle Allard,
chercheuses à Action pour la protection de la santé des femmes (APSF),
ont récemment étudié l’efficacité et la sécurité des statines pour les
femmes du Canada. Cherchant sur quelles données s’appuie l’emploi de
cette classe de médicaments fréquemment prescrits, elles ont trouvé que
la prudence s’impose.
En 2006, 23,6 millions de prescriptions de
statines, s’élevant à un montant de 2 milliards de dollars, ont été
délivrées au Canada. Pour 2007, on prévoyait une augmentation des ventes
de statines s’accompagnant de gains mondiaux allant de 30 à 33
milliards de dollars (USD). Enfin, le Lipitor est le produit
pharmaceutique le plus vendu au Canada; ses ventes mondiales ont atteint
12,9 milliards de dollars (USD) en 2005.
Dans leur rapport,
Prudence oblige : l’emploi des statines chez les femmes, Rosenberg et
Allard examinent attentivement les preuves existantes sur lesquelles se
fonde l’utilisation des statines et discutent des données de recherche
qui remettent en question l’hypothèse du cholestérol (voir encadré), en
particulier chez les femmes.
Les cardiopathies se manifestent de
manières très différentes chez les hommes et les femmes. Ces dernières
présentant des symptômes différents, moins susceptibles d’être reconnus,
il est par conséquent possible qu’elles ne reçoivent pas de soins
d’urgence en temps opportun; le risque de mortalité, après un infarctus,
est donc en général plus élevé parmi elles. Cela est particulièrement
vrai pour les jeunes femmes. Les cardiopathies sont souvent décrites
comme la principale cause de mortalité chez les femmes, mais cela n’est
vrai que pour celles de plus de 80 ans : les femmes âgées de 30 à 79 ans
mourront fort probablement d’un cancer. Les hommes, en revanche, sont
bien plus susceptibles d’être victimes, plus jeunes, de cardiopathies et
d’un accident cérébral vasculaire. Chez les femmes, le taux de
mortalité attribuable aux cardiopathies ne représente actuellement que
la moitié de celui des hommes.
Dans un passé récent, ces
différences étaient expliquées par des théories sur les variations
hormonales entre les hommes et les femmes – théories qui ont conduit à
la prescription répandue de l’hormonothérapie aux femmes en ménopause,
afin de les protéger des cardiopathies. Toutefois, en 2002, l’innovante
Women’s Health Initiative [Initiative pour la santé des femmes] a testé
cette hypothèse et constaté que le contraire était vrai; plus récemment
encore, des preuves supplémentaires ont associé l’hormonothérapie à un
risque accru de cancer du sein.
Les facteurs de risque associés
aux cardiopathies sont nombreux, notamment le tabagisme, le régime
alimentaire, la pauvreté et l’exposition aux polluants de
l’environnement; ils sont modifiables. Toutefois, le cholestérol est
devenu le risque le plus important et le plus redouté, peut-être parce
que c’est le seul pouvant être commodément traité en prenant un
comprimé.
La première statine a été le Mevacor, fabriqué par
Merck et officiellement approuvé en 1987, parce qu’il réduisait le taux
de cholestérol chez les personnes atteintes d’une affection rare,
l’hypercholestérolémie familiale. Depuis lors, son utilisation s’est
largement étendue à de plus grandes populations, à mesure que baissaient
les niveaux de cholestérol cibles. Six autres statines ont été
approuvées pour la vente, au Canada; l’une d’elles, le Baycol, a été
volontairement retirée du marché en 2001, après avoir été associée à 50
décès, au moins, survenus dans le monde entier et provoqués par un
désordre musculaire grave et potentiellement fatal.
L’une des
revues les plus approfondies portant sur les femmes et les essais
cliniques de statines a été entreprise en 2004, par Walsh et Pignone.
Ces derniers ont évalué les données de tous les essais cliniques
significatifs de médicaments hypocholestérolémiants (tant les
préparations à base de statine que celles sans) sur les femmes. La revue
de plus de 1500 articles les a amenés à conclure que, chez les femmes
ne souffrant pas de cardiopathie, la réduction de la cholestérolémie ne
fait pas baisser le taux de mortalité ou de mortalité totale. Ils ont
également remarqué qu’il n’existe pas suffisamment de preuves pour
savoir si elle réduit le nombre de crises cardiaques ou d’attaques non
mortelles.
L’analyse effectuée à l’Université de la
Colombie-Britannique par des chercheurs de la Therapeutics Initiative,
dans laquelle 10 990 femmes en tout ont été examinées, n’a pas permis
d’établir la preuve que la thérapie aux statines réduisait l’incidence
des problèmes coronariens chez les femmes ne souffrant pas de
cardiopathie.
De plus, un aperçu récemment publié dans la revue
médicale The Lancet en 2007 (et cité dans Our Bodies Ourselves:
Menopause) a également mis l’accent sur le fait qu’aucun essai clinique
n’a montré le bienfait de la thérapie aux statines, pour les femmes ne
souffrant pas déjà de cardiopathie ou de diabète. Les chercheurs
remettent en question ce qui justifie les directives d’utilisation des
statines chez cette importante population de femmes (75 % des
utilisatrices), directives fondées sur une recherche que même leurs
auteurs qualifient de « déficiente en général » en ce qui concerne les
femmes, et extrapolée des données relatives aux hommes.
D’après
l’enquête de Walsh et Pignone, il a été prouvé que l’utilisation des
statines réduisait l’incidence des problèmes et décès coronariens, mais
pas le taux de mortalité global, chez les femmes souffrant de problèmes
cardiaques préexistants. Cela est inquiétant puisqu’un déclin de décès
coronariens semble avoir été inversé par un nombre égal ou même par une
augmentation des décès dus à d’autres causes. Les chercheurs n’ont pas
été en mesure d’étudier l’ensemble de cette question car, pour beaucoup
des essais, seules les données relatives aux décès dus à une
cardiopathie sont publiées, et non les décès d’autres origines, ce qui
rend impossible une analyse plus détaillée.
Une revue différente,
examinant trois essais dans lesquels les femmes souffrant de problèmes
cardiaques préexistants sont représentées, a montré une réduction des
problèmes cardiaques de seulement 0,8 % par an sur une période de cinq
ans, chez les femmes, et aucun déclin des taux de mortalité globale.
Au
cours des deux dernières décennies, aux États-Unis et au Canada, les
lignes directrices ont recommandé la thérapie aux statines, pour des
populations toujours plus importantes; mais les chercheurs ont remis en
question les données scientifiques sous-tendant l’hypothèse selon
laquelle « moins, c’est mieux ». Les critiques ont fait ressortir que
les directives d’utilisation de préparations à base de statines, chez
les femmes, sont peu consistantes. Ils expriment, en outre, leur
inquiétude quant à un possible conflit d’intérêt, susceptible de biaiser
les recommandations des rédacteurs des lignes directrices – dont la
majorité ont des liens financiers avec les fabricants de statines.
Des préoccupations concernant l’innocuité
Les
statines ont été décrites comme étant « tellement sans danger qu’il en
faudrait dans l’eau potable ». Il est pourtant on ne peut plus difficile
d’évaluer l’innocuité de la thérapie aux statines pour les femmes,
faute d’analyse tenant compte des différences entre les sexes en
recherche. De plus, toutes les données relatives aux réactions
indésirables graves observées n’ont été publiées que pour deux des 14
principaux essais de préparations à base de statines, en dépit des
demandes répétées des chercheurs. Il est urgent d’accéder à ces données
non publiées, afin d’évaluer totalement les risques, de même que les
bienfaits, de ce type de médicament.
Il existe de nombreux
groupes en ligne d’ex-utilisatrices de statines et de leurs partenaires,
décrivant des expériences de déficience cognitive et mémorielle,
notamment l’amnésie, des épisodes dépressifs, des problèmes d’humeur,
une irritabilité particulièrement exacerbée, des cas de neuropathie
périphérique, des douleurs musculaires et une intolérance à l'exercice,
de la faiblesse et de la fatigue, des problèmes de glycémie, ainsi que
la mise en évidence de conditions génétiques sous-jacentes (p. ex. la
maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique) qui sont
invalidantes ou marquent à vie.
Depuis 2004, Beatrice Golomb,
Ph.D. et ses collègues de l’Université de Californie (San Diego)
réunissent de l’information sur les problèmes en relation avec les
statines, notamment l’amnésie, l’humeur et le comportement violent ou
agressif. Leur travail a permit d’établir des associations entre le
comportement agressif et l’utilisation de statines, qui n’avaient pas
été vues lors des essais cliniques. Leur recherche les a amenés à la
conclusion que certaines utilisatrices de statines ayant des problèmes
d’humeur et de mémoire souffraient également de problèmes et de
faiblesse musculaires, ce qui affectait leur aptitude à entreprendre des
programmes d’exercices à efficacité éprouvée dans la prévention des
maladies de cœur. Ils ont estimé que, alors que les essais cliniques
peuvent faire état de 1 % à 7 % de patientes ayant des réactions
indésirables à ces médicaments, le nombre des réactions indésirables à
l’utilisation des statines pouvaient s’approcher de 15 %.
Il
existe une autre préoccupation pour les femmes - l’insuffisance de
recherches sur l’inquiétante association entre l’exposition aux statines
et le cancer du sein. En plus d’antécédents d’association entre les
hypocholestérolémiants et le cancer, deux essais sur les statines ont
montré une augmentation statistiquement significative du cancer du sein.
En outre, un aperçu de cinq essais, dans lesquels était examiné le
risque de cancer du sein, ont montré un excédent non statistiquement
significatif de 33 % de cancers du sein chez les femmes exposées aux
statines, par rapport à celles prenant des placebos. Des recherches
complémentaires sont nécessaires, afin d’évaluer l’effet à long terme de
l’utilisation des statines et sa relation avec le cancer du sein et
d’autres cancers. La recherche orientée sur la double exposition aux
statines et à l’hormonothérapie des femmes en ménopause est
particulièrement préoccupante. Le peu de recherches existant
actuellement sur la combinaison des statines avec l’hormonothérapie ont
montré un risque élevé de cancer du sein.
Dans Prudence oblige :
l’emploi des statines chez les femmes, Rosenberg et Allard ont évalué
l’impact de l’utilisation des statines chez les femmes, en partant de
l’hypothèse que, si on prescrit un médicament à une femme pour prévenir
les maladies de cœur, les raisons de le faire doivent s’appuyer sur des
données de la plus haute qualité et des plus crédibles possible. Il faut
disposer de la preuve solide du bienfait par rapport au danger et de
l’analyse minutieuse de tout effet indésirable grave pouvant survenir
dans l’immédiat, après des années ou des décennies d’utilisation ou bien
lorsque le médicament est pris en combinaison avec d’autres,
communément prescrits aux femmes.
En d’autres termes, une
Canadienne devrait pouvoir prendre un comprimé, en ayant la certitude
que ses bienfaits et son innocuité ont été testés sur une femme comme
elle et qu’elle est très susceptible d’en tirer un bienfait évident pour
sa santé et sa longévité.
Ces auteures déclarent que, en ce qui
concerne l’utilisation des statines, ces attentes n’ont pas été
satisfaites. Elles ont plutôt découvert un modèle de surestimation du
bienfait et de sous-estimation de la nocivité – en bref, la prudence
s’impose.
Harriet G. Rosenberg, Ph.D., est professeure agrégée au
programme santé et société de l’Université York, où elle mène des
recherches sur les femmes et la santé. Danielle Allard est doctorante à
la faculté des études sur l’information de l’Université de Toronto. Elle
est adjointe à la recherche à Action pour la protection de la santé des
femmes.
Le rapport complet, Prudence oblige : l’emploi des
statines chez les femmes, se trouve sur le site Web d’Action pour la
protection de la santé des femmes : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Autres :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ... riger.html
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ... cteur.html
Documentation:
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