Leur consommation augmente les risques d'obésité, de diabète voire de certains cancers digestifs.
Les antibiotiques sont décidément un sujet de préoccupation pour les
scientifiques. Depuis des années, ils s'alarment de la diffusion des
résistances des bactéries à ces médicaments, et de leurs conséquences
pour la santé publique. Le constat a même conduit récemment des
professionnels de tous horizons et des spécialistes de l'environnement à
créer une Alliance francophone contre le développement des bactéries
multirésistantes. C'est un problème tout autre, mais aussi inquiétant
que pointe du doigt le Pr Martin Blaser de l'université de New York:
celui des liaisons dangereuses entre l'abus d'antibiotiques et la
croissance épidémique de maladies chroniques comme l'obésité, l'asthme
ou encore le diabète de type 1 (insulino-dépendant).
Dans un article publié dans la revue Nature du 25 août, titré «Arrêtez
le massacre des bactéries bénéfiques», ce spécialiste des maladies
infectieuses affirme qu'en moyenne un enfant habitant dans un pays
développé a reçu 10 à 20 cures d'antibiotiques avant ses 18 ans. Or,
insiste-t-il, il y a de plus en plus de preuves qu'une antibiothérapie,
même courte, peut modifier durablement voire définitivement la
composition de la flore intestinale. En clair, les antibiotiques
éliminent les «mauvaises» bactéries, responsables d'infections, mais
potentiellement aussi certains des germes utiles qui colonisent notre
tube digestif (*). Un remodelage qui pourrait avoir de sérieuses
conséquences à long terme. Premier exemple frappant : les Helicobacter
pylori. Au début du XXe siècle, ces bactéries étaient le germe dominant
dans l'estomac de la plupart des humains, écrit le Pr Blaser.
Actuellement, moins de 6% des enfants américains ou européens en sont
porteurs. «Une seule cure d'amoxicilline ou de macrolides, les
antibiotiques les plus couramment prescrits dans les infections
respiratoires ou les otites infantiles, peut éradiquer les Helicobacter
pylori dans 20 à 50% des cas», note ce spécialiste.
Certes, cette évolution a de bons côtés puisque les Helicobacter sont un
facteur de risque des ulcères et des cancers de l'estomac. Mais le
revers de la médaille pourrait bien être l'augmentation de fréquence
d'un autre trouble digestif, le reflux gastro-œsophagien, et d'allergies
tels l'asthme ou le rhume des foins. De grandes études ont observé que
les individus non porteurs d'Helicobacter sont plus susceptibles de
développer diverses allergies, relève ainsi le Pr Blaser. D'autres
travaux, chez des enfants, ont suggéré que le risque de maladies
inflammatoires du tube digestif était proportionnel au nombre de fois où
ils avaient pris des antibiotiques.
Les antibactériens pourraient aussi être impliqués dans la vague
actuelle d'obésité, par le biais de la modification de la flore
intestinale qu'ils induisent. Les éleveurs savent depuis longtemps que
de petites doses de ces médicaments, administrées au long cours,
permettent d'accélérer la prise de poids des animaux sans les nourrir
davantage. C'est pourquoi les antibiotiques sont largement utilisés dans
les élevages américains comme facteurs de croissance (cette pratique a
été en revanche interdite en Europe). «Plus les antibiotiques sont
commencés tôt, plus leurs effets sont marqués», souligne le Pr Blaser
qui pense qu'il en va de même chez l'homme. Chez des souris, ce
chercheur a en tout cas pu démontrer que les antibiotiques induisent des
modifications des graisses tissulaires, et ce qu'ils soient délivrés
avec les mêmes modalités que dans les élevages ou à forte dose sur une
période courte, comme pour traiter une infection aiguë.
«Il devient de plus en plus évident que la flore intestinale joue un
rôle capital comme moteur de certaines maladies telles l'obésité ou les
cancers colorectaux», confirme le Pr Patrick Berche, microbiologiste à
l'hôpital Necker (Paris).
Face à ces nouvelles menaces, le Pr Blaser appelle à limiter au maximum
le recours aux antibiotiques dans la petite enfance, et même pendant la
vie intra-utérine. Il propose aussi de développer des produits
spécifiques aidant à stabiliser la flore microbienne et de concevoir des
antibiotiques avec un spectre d'action étroit, pour minimiser leurs
effets collatéraux sur les bactéries digestives. Le microbiologiste
américain suggère même d'inoculer aux enfants certaines souches
d'Helicobacter pour prévenir le risque d'asthme, puis de les éliminer
ensuite avec des antibiotiques pour réduire les risques d'ulcère et de
cancer de l'estomac. Cette hypothèse laisse toutefois sceptique le Pr
Berche.
Les antibiotiques sont décidément un sujet de préoccupation pour les
scientifiques. Depuis des années, ils s'alarment de la diffusion des
résistances des bactéries à ces médicaments, et de leurs conséquences
pour la santé publique. Le constat a même conduit récemment des
professionnels de tous horizons et des spécialistes de l'environnement à
créer une Alliance francophone contre le développement des bactéries
multirésistantes. C'est un problème tout autre, mais aussi inquiétant
que pointe du doigt le Pr Martin Blaser de l'université de New York:
celui des liaisons dangereuses entre l'abus d'antibiotiques et la
croissance épidémique de maladies chroniques comme l'obésité, l'asthme
ou encore le diabète de type 1 (insulino-dépendant).
Dans un article publié dans la revue Nature du 25 août, titré «Arrêtez
le massacre des bactéries bénéfiques», ce spécialiste des maladies
infectieuses affirme qu'en moyenne un enfant habitant dans un pays
développé a reçu 10 à 20 cures d'antibiotiques avant ses 18 ans. Or,
insiste-t-il, il y a de plus en plus de preuves qu'une antibiothérapie,
même courte, peut modifier durablement voire définitivement la
composition de la flore intestinale. En clair, les antibiotiques
éliminent les «mauvaises» bactéries, responsables d'infections, mais
potentiellement aussi certains des germes utiles qui colonisent notre
tube digestif (*). Un remodelage qui pourrait avoir de sérieuses
conséquences à long terme. Premier exemple frappant : les Helicobacter
pylori. Au début du XXe siècle, ces bactéries étaient le germe dominant
dans l'estomac de la plupart des humains, écrit le Pr Blaser.
Actuellement, moins de 6% des enfants américains ou européens en sont
porteurs. «Une seule cure d'amoxicilline ou de macrolides, les
antibiotiques les plus couramment prescrits dans les infections
respiratoires ou les otites infantiles, peut éradiquer les Helicobacter
pylori dans 20 à 50% des cas», note ce spécialiste.
Certes, cette évolution a de bons côtés puisque les Helicobacter sont un
facteur de risque des ulcères et des cancers de l'estomac. Mais le
revers de la médaille pourrait bien être l'augmentation de fréquence
d'un autre trouble digestif, le reflux gastro-œsophagien, et d'allergies
tels l'asthme ou le rhume des foins. De grandes études ont observé que
les individus non porteurs d'Helicobacter sont plus susceptibles de
développer diverses allergies, relève ainsi le Pr Blaser. D'autres
travaux, chez des enfants, ont suggéré que le risque de maladies
inflammatoires du tube digestif était proportionnel au nombre de fois où
ils avaient pris des antibiotiques.
Les antibactériens pourraient aussi être impliqués dans la vague
actuelle d'obésité, par le biais de la modification de la flore
intestinale qu'ils induisent. Les éleveurs savent depuis longtemps que
de petites doses de ces médicaments, administrées au long cours,
permettent d'accélérer la prise de poids des animaux sans les nourrir
davantage. C'est pourquoi les antibiotiques sont largement utilisés dans
les élevages américains comme facteurs de croissance (cette pratique a
été en revanche interdite en Europe). «Plus les antibiotiques sont
commencés tôt, plus leurs effets sont marqués», souligne le Pr Blaser
qui pense qu'il en va de même chez l'homme. Chez des souris, ce
chercheur a en tout cas pu démontrer que les antibiotiques induisent des
modifications des graisses tissulaires, et ce qu'ils soient délivrés
avec les mêmes modalités que dans les élevages ou à forte dose sur une
période courte, comme pour traiter une infection aiguë.
«Il devient de plus en plus évident que la flore intestinale joue un
rôle capital comme moteur de certaines maladies telles l'obésité ou les
cancers colorectaux», confirme le Pr Patrick Berche, microbiologiste à
l'hôpital Necker (Paris).
Face à ces nouvelles menaces, le Pr Blaser appelle à limiter au maximum
le recours aux antibiotiques dans la petite enfance, et même pendant la
vie intra-utérine. Il propose aussi de développer des produits
spécifiques aidant à stabiliser la flore microbienne et de concevoir des
antibiotiques avec un spectre d'action étroit, pour minimiser leurs
effets collatéraux sur les bactéries digestives. Le microbiologiste
américain suggère même d'inoculer aux enfants certaines souches
d'Helicobacter pour prévenir le risque d'asthme, puis de les éliminer
ensuite avec des antibiotiques pour réduire les risques d'ulcère et de
cancer de l'estomac. Cette hypothèse laisse toutefois sceptique le Pr
Berche.
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