Hystérectomie sur utérus gravide
M Meddoun
C Racinet
Résumé. – L’hystérectomie sur utérus gravide correspond à une hystérectomie totale ou subtotale effectuée
pendant la période gravidopuerpérale.
Les progrès de la réanimation et de l’antibiothérapie ont rendu caduque un grand nombre d’indications,
mais, comme autrefois, persistent les indications pour sauvetage maternel. Cependant, l’utilisation des
prostaglandines dans les atonies utérines et le recours récent à l’embolisation des vaisseaux pelviens ont
considérablement réduit l’incidence de cette intervention.
Les fréquences extrêmes se situent de 0,4‰à 2,8‰des accouchements.
Les indications sont classées en « nécessaires » (anomalies placentaires, hémorragie incontrôlable, rupture
utérine) ou « opportunes » (pathologies gynécologiques associées à la grossesse). En cas d’indication de
nécessité, on peut se contenter le plus souvent d’une hystérectomie subtotale avec conservation annexielle,
dont la réalisation est rendue aisée par l’oedème gravidique. L’essentiel est de ne jamais différer sa réalisation.
En cas d’indication d’opportunité, c’est le plus souvent une césarienne-hystérectomie par incision
transversale transrectale selon Mouchel.
Les complications hémorragiques et urinaires sont toujours à craindre et doivent faire l’objet d’une prévention
de tous les instants.
2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : hystérectomie, césarienne, césarienne-hystérectomie, grossesse, accouchement, post-partum,
hémorragie obstétricale, rupture utérine, anomalies placentaires.
Définition
On entend par hystérectomie sur utérus gravide toute hystérectomie
totale ou subtotale réalisée pendant la période gravidopuerpérale.
Nous limitons notre étude à la période périnatale s’étendant de la
28e semaine d’aménorrhée jusqu’à la fin de la première semaine du
post-partum. En deçà et au-delà de ces limites, les conditions de
l’hystérectomie rejoignent celles de la période non gravide.
Évolution des idées
En 1866, Storer [21] réalise la première hystérectomie après césarienne
sur une patiente vivant aux États-Unis. La patiente meurt 3 jours
après l’intervention.
En 1876, Porro [15] décrit la fameuse opération qui l’a immortalisé, et
après laquelle mère et enfant survécurent (hystérectomie subtotale
avec extériorisation du moignon cervical).
L’évolution des idées [13, 15, 19, 21, 22] permet de rendre compte en partie
de la disparité qui règne dans la fréquence de cette intervention.
Initialement, l’hystérectomie sur utérus gravide était réalisée pour
une indication de sauvetage maternel lié à des conditions
Mamoun Meddoun : Médecin attaché, service de gynécologie-obstétrique, hôpital Sud, CHU de Grenoble,
38130E´chirolles, France.
Claude Racinet : Professeur émérite de gynécologie-obstétrique, Le Clos, 38320 Brié-et-Angonnes, France.
hémorragiques et infectieuses, voire à une pathologie médicale
sévère, comme par exemple la tuberculose pulmonaire.
C’est vers les années 1950 qu’apparaît l’inflation américaine de
l’intervention, qui est expliquée par la demande accrue de
stérilisation et l’opportunité de réaliser celle-ci de façon radicale et
définitive au décours d’une césarienne. Cette tendance s’est
manifestée également dans d’autres pays comme l’Allemagne et
Israël, mais n’a jamais eu droit de cité en France. Il faut signaler que
l’indication de césarienne-hystérectomie pour stérilisation est
actuellement en diminution dans les pays qui la prônaient.
Les progrès de la réanimation et de l’antibiothérapie ont rendu
caduque un grand nombre d’indications, mais comme autrefois,
persistent les indications pour sauvetage maternel. Cependant,
l’utilisation des prostaglandines dans les atonies utérines et le
recours récent à l’embolisation des vaisseaux pelviens ont
considérablement réduit l’incidence de cette intervention.
Il convient, néanmoins, de conserver cette intervention dans le
programme d’enseignement des étudiants en spécialité. Elle doit se
réaliser dans un environnement contrôlé avec l’aide d’un opérateur
expérimenté. Il est important que ne tombe pas dans l’oubli une
technique qui peut rendre d’éminents services.
Fréquence
Il n’existe aucun consensus sur les indications de cette intervention,
ce qui explique l’extrême variabilité de la fréquence de l’indication.
L’interrogation du fichier de données Medline nous a permis de
sélectionner les grandes séries rapportées dans les années 1990 avec
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 41-905
41-905
Toute référence à cet article doit porter la mention : Meddoun M et Racinet C. Hystérectomie sur utérus gravide. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Techniques chirurgicales
- Gynécologie, 41-905, 2001, 10 p.
référence au nombre d’accouchements et de césariennes (tableau I).
Les fréquences extrêmes se situent de 0,4 ‰[6] à 2,8 ‰[10] des
accouchements, soit un rapport de 1 à 14.
La seule série française rapportée [19] ne concerne que quatre cas
d’hystérectomie en urgence, ce qui témoigne du caractère de plus
en plus marginal de cette intervention en France.
Indications
Nous conserverons la classification classique [18] en indications de
nécessité et d’opportunité.
INDICATIONS DE NÉCESSITÉ
Elles sont représentées par quatre rubriques, par ordre de fréquence
décroissante. Elles ont évolué récemment, avec une croissance très
nette des anomalies placentaires et une réduction concomitante des
ruptures et des atonies utérines. (tableau II).
¦ Anomalies placentaires
L’accroissement du taux des césariennes a entraîné une importance
accrue des insertions vicieuses du placenta de type accreta ou
percreta au niveau des cicatrices utérines.
Ces anomalies placentaires représentent actuellement plus de 40 %
des indications d’hystérectomie de nécessité, soit un doublement du
taux en 10-15 ans. En effet, le massage utérin, les ocytociques (même
les analogues des prostaglandines), les tamponnements et la suture
hémostatique sont souvent des méthodes dépassées par l’importance
du saignement. L’embolisation des vaisseaux n’étant pas facilement
disponible, ces saignements obligent finalement à une hystérectomie
d’hémostase.
¦ Hémorragie incontrôlable
Elle représente presque un tiers des indications. Dans le passé, la
plupart des hystérectomies de la période péripartale étaient réalisées
pour un saignement en relation avec un décollement placentaire.
Cette indication a maintenant beaucoup diminué, avec une meilleure
connaissance du mécanisme des hémorragies par coagulopathie et
la possibilité d’un traitement médical adapté.
Il est maintenant exceptionnel d’avoir à enlever l’utérus atteint d’un
syndrome de Couvelaire. Seule l’atonie utérine du post-partum reste
une indication non exceptionnelle d’hystérectomie après échec des
manoeuvres conservatrices habituelles, notamment l’utilisation des
prostaglandines et de l’embolisation pelvienne.
¦ Rupture utérine
L’augmentation des taux de césariennes a pour corollaire une
élévation simultanée des cas de rupture de la cicatrice utérine lors
d’une grossesse ultérieure, traités de plus de façon conservatrice.
Sur les séries récentes, cette condition représente environ 15 % des
indications [20, 24].
Seules les cicatrices verticales, corporéales ou segmentocorporéales,
comportent un risque réel de rupture en cours de travail, voire en
fin de grossesse. Les cicatrices segmentaires transversales sont
beaucoup moins dangereuses, et leur risque de rupture beaucoup
mieux contrôlé.
La rupture utérine franche en plein myomètre, évitable par une
césarienne prophylactique, est une urgence absolue qui peut faire
discuter l’hystérectomie d’hémostase volontiers subtotale, ou la
simple suture assortie de stérilisation tubaire. La rupture d’une
cicatrice segmentaire conduit plus souvent à une réparation aisée
après résection des tissus cicatriciels fibreux, et ne représente plus
une indication d’hystérectomie, sauf en cas d’insertion placentaire
défectueuse plus ou moins accreta, qui prime sur la rupture.
La rupture spontanée d’un utérus intact et les ruptures utérines
provoquées par un traumatisme sont des événements très
délabrants, mais qui heureusement sont des circonstances
actuellement exceptionnelles, nécessitant parfois une
césarienne-hystérectomie.
¦ Causes diverses
La chorioamniotite sévère peut être encore une indication très rare
d’hystérectomie. Les traitements médicaux tels qu’antibiothérapie
adaptée, les drainages avec extrapéritonisation, permettent
théoriquement d’éviter l’hystérectomie. Celle-ci n’est indiquée que
dans des situations, là aussi très exceptionnelles, où l’utérus est
devenu un véritable abcès.
INDICATIONS D’OPPORTUNITÉ
Les indications d’opportunité sont principalement réalisées pour une
pathologie gynécologique associée lorsqu’il existe simultanément
une indication pour césarienne.
Il s’agit essentiellement d’utérus polymyomateux ou de néoplasie
cervicale intraépithéliale. Cette dernière indication est en fait très
discutable, car on peut éventuellement préférer une conisation après
la période du post-partum. Dans certains cas où la surveillance est
difficile, voire impossible à réaliser, il peut être préférable de
programmer une césarienne-hystérectomie qui permet de réaliser
dans un même temps opératoire le traitement de la néoplasie
intracervicale.
Tableau I. – Fréquence des hystérectomies sur utérus gravide.
Auteurs Période Nombre des accouchements Fréquence des césariennes Fréquence des hystérectomies
Stanco [20] 1985-1990 94 615 13 996 (14,8 %) 123 (1,3 ‰)
Lau [9] 1984-1994 73 819 12 032 (16,3 %) 52 (0,7 ‰)
Chanrachakul [4] 1985-1994 80 266 ? 48 (0,6 ‰)
Konrad [10] 1990-1995 12 227 2 708 (22 %) 34 (2,8 ‰)
Chew [6] 1986-1996 35 700 ? 14 (0,4 ‰)
Powolny [16] 1985-1997 13 636 746 (5,5 %) 15 (1,1 ‰)
Wong [23] 1993-1997 15 474 ? 7 (0,45 ‰)
Tableau II. – Indications des hystérectomies de nécessité.
Auteurs Nombre de cas Rupture utérine
Hémorragie
incontrôlable Anomalies placentaires Divers
Powolny [16] 15 1 (7 %) 3 (20 %) 8 (53 %) 3 (20 %)
Stanco [20] 123 14 (11 %) 39 (32 %) 61 (50 %) 39 (32 %)
Zorlu [24] 67 14 (21 %) 28 (42 %) 17 (25 %) 8 (12 %)
Lau [11] 52 3 (6 %) 10 (19 %) 27 (52 %) 11 (21 %)
Chanrachakul [4] 48 9 (19 %) 22 (46 %) 13 (27 %) 4 (8 %)
Total 305 41 (13 %) 102 (33 %) 126 (41 %) 65 (21 %)
41-905 Hystérectomie sur utérus gravide Techniques chirurgicales
2
Il a également été proposé de réaliser des césariennes-hystérectomies
chez des patientes présentant des troubles menstruels ou une
endométriose pelvienne sévère, ou encore une maladie
inflammatoire pelvienne. Ces conditions sont en réalité très
théoriques, car elles ne coexistent pratiquement pas avec la
possibilité de développement d’une grossesse.
Parmi les indications très controversées, on peut également citer
l’hystérectomie pour cicatrice utérine défectueuse, qui pourrait
rendre dangereuse une éventuelle grossesse ultérieure. En fait, il
nous paraît préférable de réparer ces cicatrices en les réséquant et
en réalisant une stérilisation tubaire.
L’indication de césarienne-hystérectomie pour stérilisation féminine
a été responsable d’une élévation importante de la fréquence de
l’intervention, particulièrement aux États-Unis. Cette indication est
maintenant très controversée.
La justification théorique de cette indication est l’existence d’une
incidence élevée d’hystérectomies pour des pathologies
gynécologiques variées, chez les patientes qui ont subi une
césarienne associée à une stérilisation tubaire. On peut cependant
critiquer le fait d’enlever un organe pour éviter qu’il ne développe
ultérieurement une pathologie hypothétique.
Plauché [14] retient comme indication persistante de la césariennehystérectomie
le désir de stérilisation exprimé par la patiente, ainsi
que l’existence d’une indication obstétricale indiscutable et d’une
pathologie gynécologique associée.
Bases anatomiques
L’utérus gravide présente des modifications volumétriques et
structurales conditionnant des rapports plus étendus, une
hypervascularisation intrinsèque et extrinsèque et l’individualisation
à terme du segment inférieur, résultant de l’amincissement cervicoisthmique.
L’hystérectomie sur utérus gravide doit s’adapter à cette
nouvelle situation.
SEGMENT INFÉRIEUR
C’est la formation du segment inférieur qui va bouleverser
l’anatomie de la région, expliquant certains aspects techniques de
l’hystérectomie sur utérus gravide. Mais le segment inférieur luimême
présente une cinétique de développement qui impose des
« astuces » chirurgicales appropriées.
« Ce n’est pas une entité anatomique définie « (Lacomme) car, de
forme et de taille très variables, il se constitue à partir du sixième
mois chez la nullipare, beaucoup plus tard chez la multipare, aux
dépens de l’isthme et de la partie supérieure du col utérin. Le
segment inférieur correspond à la partie amincie de l’utérus gravide
à terme, comprise entre le corps et le col utérin [9].
Le développement du segment inférieur entraîne les éléments
anatomiques qui lui sont habituellement contigus et plus ou moins
adhérents par l’intermédiaire du tissu conjonctif sous-péritonéal.
Il est recouvert étroitement par le fascia présegmentaire, émanation
du fascia précervical. Cette lame blanc nacré est parfois difficilement
individualisable.
Les artères du segment inférieur sont essentiellement des branches
des artères cervicovaginales [9]. Elles sont peu nombreuses, sinueuses
et de direction transversale.
RAPPORTS ANTÉRIEURS
Le péritoine pelvien se moule, en dehors de la grossesse, sur les
reliefs de la vessie, du rectum, de l’utérus et des annexes.
Tout en étant solidaire de la face supérieure de la vessie, du corps
utérin et de la face antérieure du rectum, il est libre et décollable au
niveau du cul-de-sac vésico-utérin.
Au cours des 6 premiers mois, l’accroissement du volume de la
cavité utérine se fait exclusivement aux dépens du corps utérin. Les
rapports ne sont pas modifiés.
Au troisième trimestre, la distension isthmique déplace vers le haut
le repli vésico-utérin. Le péritoine revêt la plus grande partie du
segment inférieur et est aisément décollable.
Pendant le travail, le cul-de-sac vésico-utérin accentue encore son
ascension, et la moitié inférieure du segment inférieur est alors en
rapport avec la face postérieure de la vessie dont elle reste
facilement clivable (fig 1).
L’ascension de la vessie n’est pas due seulement aux variations
topographiques du péritoine. Lors de l’ampliation vésicale, la face
supérieure de cet organe ne peut trouver place au-dessus du pubis,
et la face antérieure du segment inférieur répond ainsi presque en
totalité à la face postérieure de la vessie, le cul-de-sac vésico-utérin
étant peu profond, d’où la nécessité d’une vidange vésicale par
sonde urinaire pour assurer la sécurité de l’abord chirurgical de la
cavité péritonéale.
L’ascension vésicale est responsable d’un allongement de l’urètre.
RAPPORTS LATÉRAUX
Ils sont essentiels : leur connaissance conditionne la facilité de la
technique chirurgicale.
Le ligament large est épaissi et l’utérus est proche de la paroi
pelvienne.
¦ Rapports uretère-artère utérine
L’uretère, solidaire du péritoine, pénètre dans le pelvis en croisant
les vaisseaux iliaques primitifs à gauche et les vaisseaux iliaques
externes à droite. Il se trouve en arrière de l’artère utérine à gauche
et en avant de l’artère utérine à droite, qu’il va croiser selon un « X »
très allongé, de façon à se placer derrière l’artère utérine droite lors
de l’abord du feuillet postérieur du ligament large. Cette portion
rétroligamentaire est raccourcie en fin de grossesse.
Dans le paramètre (base du ligament large), l’uretère chemine en
avant et en dedans et croise le bord latéral du vagin à 15 mm
environ de ce dernier. L’uretère est à égale distance de la paroi et du
cul-de-sac latéral du vagin. L’artère utérine l’enjambe de dehors en
dedans pour gagner l’utérus et émettre peu après les artères
cervicovaginales (fig 2).
Le dôme vaginal distendu en fin de grossesse se rapproche de
l’uretère et entre en contact avec celui-ci sur toute sa face latérale.
L’uretère, solidement fixé à la paroi vésicale, ne contracte avec le
vagin que des rapports de contiguïté. Le tissu cellulaire dense
contenant l’uretère peut être latéralement décollé du segment
inférieur sans effusion de sang.
L’artère utérine s’étire, déroule ses spires, et ainsi augmente sa
longueur. Quand la délivrance est effectuée, elle se rétracte et
augmente alors de calibre.
L’expansion de l’utérus tend à accoler à sa paroi l’artère utérine et
ses branches ; la prise de contact de l’artère avec la paroi utérine est
plus en arrière à gauche qu’à droite du fait de la dextrorotation de
l’utérus.
1 Rapports antérieurs
du segment inférieur. 1.
Cul-de-sac vésico-utérin ;
2. segment inférieur ; 3.
vessie.
Techniques chirurgicales Hystérectomie sur utérus gravide 41-905
3
Le point de rencontre de l’artère utérine et du muscle utérin se
trouve ascensionné et se déplace latéralement.
Plus le segment inférieur s’étire en hauteur, plus l’artère tend à se
libérer de l’uretère et à s’éloigner du cul-de-sac vaginal (fig 3). Ainsi,
quand le segment inférieur est bien formé, son point déclive peut se
trouver à 2,5 cm du cul-de-sac vaginal. La crosse de l’utérine est à
environ 0,5 cm au-dessous du plan du détroit supérieur. L’étirement
du segment inférieur tend donc à rapprocher la crosse de l’utérine
de la pince hémostatique de l’opérateur, et à l’éloigner de l’uretère
et du vagin.
L’origine de la branche cervicovaginale de l’artère utérine et son
point de pénétration isthmique remontent de telle façon que cette
artère perd tout contact avec l’uretère.
Dès l’évacuation utérine, les vaisseaux reprennent un trajet proche
de la disposition habituelle.
Selon Couvelaire : « une pince placée au ras de l’utérus, là où l’artère
va cesser d’être libre pour s’accrocher à l’utérus, se trouve en amont
des branches cervicovaginales, alors que sur l’utérus non puerpéral
elle est placée en aval de l’émergence des cervicovaginales. »
La plupart des veines du corps et du col aboutissent au tronc
collecteur latéro-utérin (plexus veineux), réalisant un véritable corps
caverneux qui englobe l’uretère.
¦ Pédicules tubo-ovariens
L’augmentation de calibre de l’artère ovarique va croissant de son
origine à sa terminaison pour atteindre dans la région sousannexielle
un calibre égal à celui de l’utérine et s’anastomose à plein
canal avec sa branche tubaire moyenne.
Les veines ovariques présentent un développement exceptionnel en
calibre et en longueur au cours du troisième trimestre.
¦ Pédicule funiculaire (ligament rond)
L’importance fonctionnelle de l’artère funiculaire est tout à fait
négligeable dans le cas de l’utérus gravide, mais l’hémostase du
ligament rond doit cependant être précise.
DÉBIT UTÉRIN
L’augmentation du débit pendant la grossesse est favorisée par
l’absence des spires artérielles et l’augmentation de la perméabilité
capillaire et veineuse. Ainsi, le débit passe d’environ 100 mL/min à
800 mL/min (troisième trimestre). Cette augmentation du débit
utérin explique l’importance du contrôle des pédicules
artérioveineux, dont l’hémostase approximative entraîne très
rapidement une déperdition sanguine majeure.
On ne doit cependant pas se laisser impressionner par ces énormes
dilatations vasculaires qui se développent dans tous les mésos
utérins.
Technique
Après la nécessaire évaluation préopératoire, nous envisageons la
description détaillée de la césarienne-hystérectomie, en reprenant
certains détails techniques destinés à éviter les complications
habituellement rencontrées. Nous envisageons ensuite
l’hystérectomie subtotale de nécessité, l’hystérectomie en « bloc » et
l’hystérectomie élargie.
ÉVALUATION PRÉOPÉRATOIRE
Il paraît nécessaire d’informer la patiente sur l’importance de
l’intervention, les risques et les conséquences de celle-ci, et, si la
patiente n’est pas en état de recevoir cette information, de la
transmettre à la famille. Cette précaution d’information préalable
devrait être étendue à toute femme devant subir une césarienne
itérative.
Un bilan de coagulation est évidemment nécessaire, ainsi qu’une
réserve de sang (au moins deux unités de culot globulaire s’il n’y a
pas urgence extrême). La transfusion sanguine est en effet encore
nécessaire dans la majorité des cas d’urgence, mais en fait rarement
requise dans les cas d’opportunité.
L’anesthésie péridurale ou la rachianesthésie [5] sont réalisables dans
près d’un tiers des cas. Dans la majorité des cas, l’urgence
commande l’anesthésie générale.
La mise en place d’une sonde vésicale de Foley et la préparation
abdominale et vaginale sont routinières.
TECHNIQUE OPÉRATOIRE
DE LA CÉSARIENNE-HYSTÉRECTOMIE
¦ Incision abdominale et césarienne
Le choix de l’incision est dicté par plusieurs facteurs :
– antécédents chirurgicaux ;
– adiposité pariétale ;
– degré d’urgence ;
– éventuellement, préférences de la patiente et/ou du chirurgien.
En pratique, le choix est limité à deux modalités :
– la laparotomie médiane sous-ombilicale (LMSO), prolongeable
éventuellement en latéro- et sus-ombilicale ;
– l’incision transverse de Mouchel [2] qui donne un abord presque
aussi satisfaisant que la LMSO.
L’incision de Pfannenstiel nous paraît donner un jour insuffisant.
L’incision de Joël Cohen est sujette à la même réserve.
Le péritoine pariétal est ouvert le plus haut possible et les
adhérences éventuelles sont libérées.
Après inspection de l’utérus et des annexes, un écarteur type Gosset
ou Ricard expose la moitié inférieure de l’utérus.
L’incision du péritoine viscéral est identique à la technique de
césarienne. Elle est cependant prolongée jusqu’aux ligaments ronds.
Après décollement vésico-utérin et pose d’une valve sus-pubienne,
2 Rapports de l’uretère
et de l’artère utérine en début
de grossesse. 1. Vessie ;
2. section du col ; 3. rectum
; 4. uretère ; 5. artère
utérine.
3 Modification des rapports
uretère-artère utérine
lors du développement
du segment inférieur. 1.
Vessie ; 2. section du col ; 3.
rectum ; 4. uretère ; 5. artère
utérine.
41-905 Hystérectomie sur utérus gravide Techniques chirurgicales
4
l’hystérotomie est effectuée dans le sens vertical, sans craindre une
éventuelle extension corporéale puisque l’utérus ne restera pas en
place.
L’extraction foetale et placentaire réalisée, cette incision est utilisée
pour repérer le col utérin, après hémostase rapide des berges de
l’incision par un surjet, chargeant la totalité de l’épaisseur des
berges. L’opérateur peut ensuite facilement mobiliser l’utérus à
volonté par traction digitale à travers cette incision (fig 4).
L’adjonction d’ocytociques est recommandée si l’hystérotomie a un
caractère hémorragique.
En cas d’hémorragie utérine excessive, Axelsson [1] préconise la pose
temporaire d’une ligature avec un lacs de caoutchouc passé à travers
les paramètres et enserrant le segment inférieur.
Après la césarienne, il est souvent nécessaire de refaire le bilan
anatomique et de redisposer des champs, voire de changer
d’écarteur.
¦ Hystérectomie
L’utérus est extériorisé par traction digitale (fig 4) et/ou par traction
bilatérale avec deux pinces de Dixon-Lovelace placées verticalement
au contact des bords latéraux de l’utérus sur une hauteur de 8 cm
environ (fig 5). Chaque pédicule est clampé avec une pince
hémostatique de Faure.
La première prise concerne le ligament rond droit à 2 cm de son
insertion utérine. Une deuxième prise est placée 2 cm plus loin. Une
section est effectuée entre les deux prises et l’hémostase appuyée est
immédiatement réalisée.
Le feuillet antérieur du ligament large est incisé jusqu’à rejoindre
l’incision péritonéale transversale réalisée lors de la césarienne
première (fig 5).
On exerce ensuite une traction utérine vers le haut permettant
d’exposer la face postérieure du ligament large et de sélectionner
une zone avasculaire.
L’ovaire est immobilisé par une pince en coeur et discrètement attiré
en dehors.
Si les annexes sont à conserver, deux pinces de Dixon-Lovelace sont
placées sur la trompe et le ligament propre de l’ovaire, de telle façon
que leurs extrémités soient situées dans la zone avasculaire.
Si l’on décide une castration, les clamps distaux sont placés sur le
ligament suspenseur de l’ovaire juste au contact du pôle
supéroexterne de l’ovaire. Le pédicule annexiel est alors sectionné
(fig 6). On réalise une ligature simple entre les pinces distales, et une
deuxième ligature appuyée qui transfixie le pédicule en dehors de
la deuxième pince distale (fig 7).
Les vaisseaux utérins sont maintenant abordés. Avec la pointe des
ciseaux, on incise, selon une direction oblique en bas et en dedans,
le feuillet postérieur du ligament large, puis on libère les éléments
périvasculaires. Il faut bien se garder de ne pas ouvrir les larges
veines para-utérines au cours de ce temps de dissection. L’utérus
est tracté au maximum vers le haut pour placer la pince de Faure
sur les vaisseaux utérins, le mors de cette pince devant aborder le
mur utérin selon un angle droit. La pince de Faure doit s’appuyer
sur le myomètre en s’aidant des doigts intra-utérins qui repèrent le
relief du col et exposent parfaitement le niveau de cette prise. Il n’y
a aucun risque d’atteinte urétérale si la prise reste au-dessus du col
(fig
.
Une pince est placée sur le retour vasculaire si la pince de Dixon-
Lovelace ne descend pas suffisamment.
4 Extériorisation de
l’utérus par traction digitale.
5 Section du ligament
rond et du péritoine antérieur.
6 Section des pédicules
utéro-ovarien et tubaire.
7 Double ligature distale des pédicules
utéro-ovarien et tubaire.
Techniques chirurgicales Hystérectomie sur utérus gravide 41-905
5
Le même protocole est alors réalisé à gauche, selon le même ordre
(pédicules funiculaire, annexiel ou ovarien et utérin). La libération
des pinces hémostatiques utérines est pratiquée en dernier, après
avoir dégagé aux ciseaux le bec des pinces de Faure. On pratique
une double ligature appuyée de chaque pédicule utérin.
Il est alors recommandé de bien inspecter toutes les ligatures pour
vérifier la qualité de l’hémostase.
La dissection vésicale est ensuite réalisée proche de la ligne médiane
pour minimiser les risques de saignement.
On utilise des ciseaux fins dont la concavité est tournée vers l’utérus
et l’on essaie de progresser dans le plan intrafascial. L’émanation du
fascia précervical est une lame plus ou moins résistante qui protège
contre les risques de blessures vésico-urétérales.
Après dissection suffisante de la vessie, on réalise une sectionligature
de proche en proche des éléments vasculofibreux de la base
du ligament large (ligature appuyée). La dernière prise est toujours
réalisée en dedans de la précédente.
La section-ligature des ligaments utérosacraux se fait de façon
conventionnelle, au mieux par une ligature appuyée.
Le cylindre utérovaginal est alors bien dégagé et l’on va pouvoir
procéder à la désolidarisation utérine.
Nous abordons alors une zone à risque septique élevé. Il est
nécessaire d’employer un matériel qui n’est utilisé que pour cette
phase chirurgicale (pinces, ciseaux, compresses, gants).
La section vaginale est débutée au niveau du mur postérieur. On
doit alors s’aider du palper entre pouce et index au-dessous de
l’hystérotomie pour bien délimiter le relief du col (fig 9). Parfois, il
faut avoir recours à deux doigts intravaginaux qui utilisent
l’hystérotomie et qui repoussent le vagin en arrière et vers le haut
afin d’identifier le lieu de l’incision à la partie haute du vagin.
Cette section est réalisée avec des ciseaux de Mayo ou au bistouri
électrique.
Une compresse abdominale peut être placée dans le cul-de-sac de
Douglas, permettant le plus souvent de collecter les sécrétions et
donc de limiter les souillures du champ opératoire.
Après section du mur postérieur, sur lequel on place une pince de
Museux, on complète l’incision latéralement et en avant, en ayant
soin de laisser au vagin toute sa longueur. Le mur antérieur est saisi
également par une pince de Museux.
On réalise l’ablation de la pièce qui est adressée en
anatomopathologie. La muqueuse vaginale est généralement mince
et facilement déchirée par les pinces si la traction est excessive.
Les prochains objectifs du chirurgien sont d’assurer une bonne
hémostase vaginale et de réaliser une bonne suspension vaginale
pour éviter le prolapsus génital.
À cet effet, la suture des angles vaginaux doit être particulièrement
soigneuse. Elle permet un rapprochement des murs antérolatéral et
postérolatéral du vagin, ainsi que des ligaments utérosacraux dans
un premier passage et du ligament rond lors du second passage
d’un point en « X » : l’efficacité de cette pratique n’a jamais été
évaluée. Le rapprochement des extrémités antérieures des
utérosacraux renforcerait le dispositif de suspension et diminuerait
le risque d’élytrocèle.
Les pédicules annexiels ne sont jamais incorporés dans la ligaturesuspension,
pour éviter le risque exceptionnel de grossesse après
hystérectomie !
La fermeture vaginale peut être réalisée par un surjet intéressant les
deux berges, ou de façon partielle autour d’un drain, après avoir
réalisé un surjet sur chacune des berges. Le drain utilisé peut être
une lame multitubulée fixée à une berge vaginale et ressortant par
le vagin. Celui-ci est laissé en place 24 à 48 heures.
Il faut ensuite réviser l’hémostase de chaque pédicule et contrôler le
reste de l’abdomen. La repéritonisation du pelvis ne s’impose qu’en
cas de drainage vaginal. Dans ce cas, les berges antérieure et
postérieure du péritoine sont prises dans un surjet débutant au
niveau d’un pédicule annexiel qui reste extrapéritonisé.
Il est important de réaliser un compte exact des compresses
abdominales et champs abdominaux à ce moment précis de
l’intervention et d’être intransigeant quant au nombre, une
compresse imbibée pouvant largement passer inaperçue.
Fermeture plan par plan de façon tout à fait conventionnelle.
¦ Complications de l’hystérectomie
Le tableau III donne la revue des complications publiées depuis
1990. Elles sont dominées par l’hémorragie per- et postopératoire, et
les complications urinaires, qui sont beaucoup moins fréquentes en
cas d’hystérectomie subtotale.
Prévention des complications hémorragiques
La compression aortique, la ligature élastique péricervicale, voire la
ligature des artères hypogastriques peuvent être utilisées (de façon
exceptionnelle) si l’hémorragie menace l’équilibre hémodynamique.
Une attention particulière doit être portée à l’hémostase des
pédicules utéro-ovariens et tubaires, où la rétraction d’un vaisseau
est la cause la plus fréquente des hémorragies postopératoires.
Le double clampage des pédicules et la ligature transfixiante
appuyée après le clamp distal assurent une bonne prévention de cet
accident.
8 Manière de réaliser
l’hémostase de l’artère utérine.
9 Repérage du relief cervical
par le palper bidigital.
41-905 Hystérectomie sur utérus gravide Techniques chirurgicales
6
La tranche vaginale peut également être le siège d’hémorragies
tardives. Une embolisation artérielle sélective est proposée en
premier lieu afin d’éviter une réintervention [8, 12]. En cas d’échec ou
d’impossibilité, la suture est réalisée et doit parfaitement inclure
l’épithélium vaginal afin d’être sûr de bien obturer les vaisseaux
sous-muqueux.
Prévention des blessures urinaires
La vessie et les uretères peuvent être blessés lors de la dissection ou
lors de la mise en place des pinces hémostatiques, ou encore lors de
la réalisation des sutures. Ce risque doit être toujours présent à
l’esprit lorsque l’on réalise une intervention chez une patiente ayant
eu des interventions antérieures ou des hématomes secondaires à
une rupture utérine. Le tissu aréolaire lâche situé entre le mur
postérieur de la vessie et la région segmentovaginale est en effet
souvent remplacé par un tissu très dense et fibreux. La dissection à
la compresse est formellement prohibée, et doit être réalisée
exclusivement avec des ciseaux fins travaillant essentiellement sur
la ligne médiane. Il est malgré tout possible de réaliser une effraction
vésicale, parfois facilement détectée, d’autres fois inapparente. Toute
dissection difficile doit s’accompagner d’un contrôle après réplétion
vésicale avec un colorant (bleu de méthylène). Les blessures du
dôme vésical sont en général simples à réparer avec un fil résorbable
en points séparés prenant la totalité de l’épaisseur de la vessie. La
vessie est ensuite drainée de façon continue par un cathéter de Foley
laissé en place pendant 1 semaine. Le défaut de reconnaissance
d’une plaie vésicale peut conduire à une fistule vésicovaginale
secondaire.
L’uretère peut être lésé à différents niveaux lors de cette
intervention : près du détroit supérieur lors de la ligature du
ligament infundibulopelvien, dans le ligament large si l’on procède
à une ligature de l’artère hypogastrique, et surtout, lors de
l’hémostase et de la ligature des vaisseaux utérins et des ligaments
cardinaux et utérosacraux.
Comme nous l’avons vu dans le rappel anatomique, la position de
l’uretère par rapport aux autres structures pelviennes n’est guère
modifiée dès que l’utérus a été vidé de son contenu ovulaire. Sur ce
terrain gravidique, il présente une atonie et une dilatation qui le
rendent en fait difficile à identifier. Lorsque l’on doit disséquer les
vaisseaux ovariens au niveau du ligament infundibulopelvien, audessus
d’un hématome qui dissocie le ligament large, on doit
prendre un grand soin d’identifier l’uretère pour éviter de
l’incorporer dans la ligature. Lors de la dissection des artères
hypogastriques, on doit également se rappeler qu’en ouvrant le
péritoine l’uretère reste plaqué contre le feuillet péritonéal médial. Il
peut toujours être assez facilement vu et palpé.
Le risque le plus important se situe au niveau des ligatures dans la
base du ligament large. La ligature haute des vaisseaux utérins met
théoriquement à l’abri de ce risque. Toutes les ligatures successives
sont ensuite faites en dedans et contre le mur utérin, ce qui a pour
effet d’éloigner toujours plus l’uretère de la zone dangereuse.
Finalement, le risque majeur se situe au niveau de la ligature des
ligaments utérosacraux, qui doivent être clampés et ligaturés de
façon élective. En dernier lieu, la suture des angles latéraux du vagin
représente l’ultime circonstance de blessure urétérale.
L’éventualité d’une blessure urétérale nécessite l’appel à un
consultant d’urologie en vue d’urétérostomie ou d’urétéro-néocystostomie.
HYSTÉRECTOMIE SUBTOTALE INTERANNEXIELLE
DE NÉCESSITÉ
Nous décrivons cette intervention dans le cadre d’une hémorragie
utérine incoercible, qu’elle succède à une césarienne ou qu’elle soit
décidée après un accouchement par voie basse.
Les différentes mesures conservatoires [17] ont été tentées et ont été
un échec :
– révision utérine et massage bimanuel ;
– traitements médicamenteux systémiques ou locaux ;
– cervicotorsion prolongée après voie basse ou ligature
périsegmentaire temporaire après voie haute ;
– ligatures électives selon Tsirulnikow ;
– ligature des artères hypogastriques.
Dans notre expérience, cette dernière technique donne des résultats
inconstants, contrairement aux données de la littérature.
Plus récemment, ont été proposées des techniques conservatrices
d’hémostase utérine. La technique de B-Lynch [3] est illustrée par la
figure 10. Celle de Ho Cho [7] réalise des sutures transfixiantes
disposées en carré en regard des zones hémorragiques.
En fait, pour chacun de ces temps, le premier principe fondamental
doit être impérativement respecté : il ne faut jamais différer
l’indication.
L’installation des troubles de la coagulation sanguine entraîne
l’échec des mesures conservatoires et la difficulté de l’hystérectomie
d’hémostase.
Tableau III. – Complications chirurgicales de la césariennehystérectomie.
Àpropos de 219 cas [4, 11, 20].
Nombre Pourcentage
Transfusion sanguine 194 89 %
CIVD 30 14 %
Lésions urinaires 15 7 %
Infections 35 16 %
Réintervention 15 7 %
Mortalité maternelle 4 2 %
CIVD : coagulation intravasculaire disséminée.
10 Technique d’hémostase utérine selon B-Lynch.
A. Vue antérieure.
*A
*B *C
B. Vue postérieure. C. Vue antérieure après serrage du fil.
Techniques chirurgicales Hystérectomie sur utérus gravide 41-905
7
¦ Principes
Trois principes dominent ce geste chirurgical facile :
– Ne pas retarder son exécution.
L’hystérectomie d’hémostase est un geste chirurgical simple et
salvateur, alors que la réanimation d’une coagulation intravasculaire
disséminée (CIVD) est complexe et de résultat inconstant.
– Toutes les ligatures doivent être appuyées, très serrées et doublées.
En effet, le retour veineux d’un utérus gravide emprunte des
vaisseaux de calibre impressionnant dont la taille régresse
rapidement en post-partum. Il convient, à notre sens, de se méfier
des fils dont le serrage est imparfait et dont le blocage sur le second
noeud est fréquent.
L’oedème des tissus est majeur après échec des mesures
conservatoires et domine le troisième principe.
– Ligatures aussi électives que possible.
En 48 heures, les tissus se désengorgent de leur oedème et les
ligatures flottent d’autant plus que les prises ont été larges.
¦ Technique
Abord
C’est celui d’une hystérectomie interannexielle conventionnelle.
En cas de césarienne antérieure, on repasse par la même voie :
LMSO, Pfannenstiel ou Mouchel. Si le Pfannenstiel s’avère trop
étroit, il est préférable de désinsérer les grands droits selon la
technique de De Cherney, plutôt que de réaliser une section
transrectale.
En cas de laparotomie primitive, nous conseillons une incision de
Mouchel. Nous n’avons pas d’expérience concernant l’incision de
Joël Cohen dans cette indication qui nécessite un abord large pour
une bonne exposition du pelvis.
La position jambes écartées de la patiente est avantageuse, comme
dans la ligature des artères hypogastriques, permettant à un
troisième opérateur de maintenir l’utérus extériorisé et plaqué contre
la symphyse pubienne. Cette compression symphysaire de l’utérus
pendant le geste opératoire permet une économie notable de sang.
Ligature des ligaments larges
Elle est menée pas à pas, sans avoir crainte d’être obsessionnel.
Les multiples veines du mésovarium et du mésosalpinx sont l’objet
d’hémostases individuelles.
La pince de Faure devrait être ici évitée et laisser place au fil serti
d’emblée ou au double passage du dissecteur de Razemont.
La ligature-section du ligament rond doit être réalisée au ras de ce
dernier du fait de sa vascularisation inhabituelle. Ce n’est qu’une
fois son hémostase parfaitement réalisée, et cet élément gardé en
attente pour la suspension ultérieure, qu’est réalisé ce qui suit.
Le péritoine est ouvert aux ciseaux fins, en ne cherchant pas à tout
prix son décollement large, responsable de plaies veineuses
dispendieuses de sang.
L’hémostase du retour utérin est assurée rapidement par la mise en
place, après les ligatures distales, d’une ou de deux pinces de
Dixon-Lovelace.
Ouverture du cul-de-sac vésico-utérin
Elle est étonnamment facile du fait de l’oedème tissulaire.
Les grosses veines prévésicales peuvent être négligées, mais la
courbure des ciseaux doit être dirigée sans danger vers le fascia
préutérin.
Il est inutile et dangereux de tenter la dissection du péritoine
postérieur au-dessus des ligaments utérosacraux, là où passent les
veines cervicovaginales postérieures.
Ligature des pédicules utérins
Elle est réalisée d’abord par une prise large par un point en « X » de
fil serti en piquant dans le muscle cervico-utérin 3 à 5 cm en dessus
de la ligne de réflexion de la vessie. Cette ligature étant faite, la
section est réalisée en dedans de cette ligature, puis l’artère utérine
est identifiée et liée à nouveau électivement sur pince.
Hystérotomie
Elle est menée comme lors d’une césarienne segmentaire
transversale.
La section latérale passe, bien entendu, au-dessus de l’hémostase
des pédicules utérins.
En arrière, cette section est prolongée de manière circulaire, sans se
soucier de l’hémostase des cervicovaginales postérieures qui sont
prises dans le temps suivant.
Suture
– Si le geste est satisfaisant et l’hémostase correcte, fermeture du
moignon cervicovaginal par points en « X » avec suspension aux
ligaments ronds.
– Si l’hémostase est douteuse, un surjet de godronnage de la tranche
est recommandé, avec mise en place d’un drain vaginal souspéritonéal
ou d’un drain de Redon intra-abdominal.
– Si l’hémostase est mauvaise, ce qui est le cas lorsqu’on a tardé à
poser l’indication, le salut de la patiente passe par l’installation d’un
drainage abdominal de Mikulicz serré, assorti d’un tamponnement
vaginal bien serré.
Repéritonisation
La péritonisation est fortement contestée, car son absence ne semble
pas délétère.
Fermeture pariétale
Elle est assurée plan par plan comme à l’accoutumée.
Le drainage prémusculaire est licite, du fait de la fréquence des
troubles de la coagulation pré- et postopératoires.
HYSTÉRECTOMIE EN « BLOC »
L’hystérectomie en « bloc » est le traitement héroïque des
physométries et autres infections et putréfactions endo-utérines. Elle
permet l’ablation de l’ensemble utérofoetal en « vase clos ».
L’incision cutanée est médiane et très longue pour permettre une
extériorisation facile de l’utérus. La section des ligaments ronds et
des ligaments suspenseurs de l’ovaire (la conservation annexielle
n’est pas possible) ne pose pas de problème particulier. L’artère
utérine est liée et coupée à 2 ou 3 cm du point où elle aborde
l’utérus : l’uretère ne risque rien, il en est séparé par toute la hauteur
du segment inférieur, étroitement appliqué, en général, sur la
présentation.
Libéré de ses attaches vasculaires, l’utérus monte aisément. On
décolle alors avec soin la vessie, découvrant la face antérieure du
canal génital qui doit être sectionné assez bas, à 1 ou 2 cm de la
limite inférieure de la présentation. Latéralement, au contraire, il y a
grand danger, et d’autant plus que le volume utérin rend assez
difficile la dissection du péritoine postérieur. Les deux uretères sont
portés en tireté, solidaires du feuillet postérieur du ligament large et
se rapprochant du bord latéral du vagin (cf fig 12).
L’artifice suivant permet d’agir en toute sécurité :
– repérage très exact d’un des bords latéraux immédiatement au
contact de la présentation ;
– les ciseaux fermés trouvent facilement, derrière la présentation, le
plus haut possible, le plan de clivage postérieur qui sépare le feuillet
séreux de l’utérus ;
– clampage du vagin (fig 11) jusqu’en son milieu : les clamps
urologiques coudés destinés au pédicule rénal sont assez commodes
pour cet usage ;
– section au bistouri au ras des clamps, en fixant la tranche vaginale
inférieure avec des pinces (en petit nombre) (fig 12) ;
41-905 Hystérectomie sur utérus gravide Techniques chirurgicales
8
– les deux clamps sont alors rabattus vers le haut, tandis que l’aide
maintient l’utérus qui n’est plus fixé que par le péritoine postérieur.
On peut alors, sans difficulté et sans aucun risque, couper ce feuillet
aussi haut qu’on le désire, sous contrôle de la vue (fig 12).
HYSTÉRECTOMIE ÉLARGIE
L’opération est d’une grande simplicité si l’on prend la précaution
de se débarrasser d’abord par hystérectomie subtotale d’un utérus
encombrant. La tranche segmentaire est solidement fixée par
quelques fils qui vont servir de tracteur tout au long de l’opération.
Le second principe est de faire monter le col restant par section
première des utérosacraux, ce qui permet l’abord de l’origine de
l’artère utérine et la dissection facile du paramètre et de la lame
vasculaire vésicovaginale (fig 13).
– Premier temps : isolement de l’uretère solidaire du feuillet
postérieur du ligament large.
– Second temps : l’uretère étant écarté en dehors, section sur pince
de haut en bas du ligament utérosacral. Même manoeuvre du côté
opposé.
– Troisième temps : le moignon cervical monte et expose toute la
longueur de l’artère utérine qui est liée à son origine.
La vessie est libérée de son pédicule vasculaire de dehors en dedans,
le trajet de l’uretère étant repéré au fur et à mesure. Dans sa zone
juxtavésicale, l’uretère est mis en évidence par décollement large de
la vessie sur la ligne médiane et mise sous valve, ce qui tend le
conduit urinaire et permet de le retrouver au bord du vagin.
Il ne reste plus en règle générale qu’à couper quelques tractus au
ras de la vessie et à refouler doucement l’uretère en le faisant glisser
vers le bas, jusqu’au-dessous du niveau choisi pour la section
vaginale.
Il est assez fréquent d’avoir à libérer enfin le col de solides attaches
sous-urétérales qui appartiennent à la région la plus bas située des
utérosacraux.
Conclusion
L’hystérectomie sur utérus gravide est une intervention rarement
pratiquée en France. Ses principales indications restent le traitement
d’hémorragies obstétricales incoercibles, soit à la suite d’une atonie, soit
à la suite de lésions traumatiques, ou plus fréquemment du fait
d’anomalies placentaires. Ces circonstances devenant de plus en plus
rares et la prise en charge des hémorragies étant plus souvent
radiologique, il n’est pas étonnant de constater la faible fréquence de
réalisation de cette intervention.
Il demeure néanmoins indispensable à tout gynécologue accoucheur de
savoir réaliser une telle intervention et d’en connaître parfaitement le
protocole. De temps à autre, cette intervention risque d’être le geste
salvateur incontournable.
Références ä
11 Clampage du vagin.
12 Temps terminal de
l’hystérectomie en « bloc ».
(Le trajet des uretères, solidaire
du feuillet postérieur
du ligament large, est indiqué
par un tireté).
13 Tactique opératoire en cas d’hystérectomie élargie. 1. Uretère contre le feuillet postérieur
du ligament large ; 2. section du ligament utérosacral ; 3. ligature de l’artère
utérine à son origine ; 4. visualisation de l’uretère au bord du vagin ; 5. vessie libérée ;
6. traction sur le moignon cervical.
Techniques chirurgicales Hystérectomie sur utérus gravide 41-905
9
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41-905 Hystérectomie sur utérus gravide Techniques chirurgicales
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