Martine MANDEREAU, Avocat à la Cour
Entre 16 heures et 17 heures, un enfant, âgé de 8 mois, chute de sa table à langer à plat ventre sur le carrelage. Il pleure. Madame X. sa mère, appelle le médecin généraliste le plus proche de son domicile. La secrétaire de ce dernier la rassure et lui dit qu'elle peut aller faire des radios pour être tranquillisée.
Madame X. ne va pas chez le radiologue, mais emmène son enfant à la clinique où exerce le pédiatre qui le suit. En son absence, l'enfant est examiné par "deux dames" pendant 15 minutes. Elles rassurent la mère, et lui disent de rentrer chez elle.
Peu rassurée, Madame X. va au cabinet de radiologie du Docteur Z.
La radio est réalisée à 17 heures 45. L'enfant pleure lorsqu'on le mobilise. Le commentaire oral du radiologue précise qu'il n'y a rien, mais que l'enfant doit voir un médecin. Il donne à la mère une lettre cachetée.
La mère de l'enfant accompagnée de son mari, retourne chez le médecin généraliste vers 18 heures 30. Ce dernier les reçoit. Le père précise qu'il trouve son fils amorphe et dans un état anormal. Le médecin généraliste examine les radios, regarde les pupilles de l'enfant qui reste dans les bras de son père. Il conseille de ramener l'enfant chez lui car il est fatigué, et de lui donner de l'acide acétylsalicylique.
Les parents rentrent et, lorsque la mère veut changer son enfant vers 19 heures, il se laisse complètement aller, ne s'agite pas. Elle le recouche et, le surveillant, constate que la respiration est saccadée. Il est mou et a les yeux révulsés.
Il est 20 heures 30 lorsqu'elle appelle le SAMU. L'enfant est emmené à l'hôpital et y décède à 21 heures 50.
Un scanner effectué post-mortem indique : "Contusion hémorragique frontale droite, volumineux hématome extra-dural pariétal droit avec engagement sous-falciforme majeur et semble-t-il engagement sous-tentoriel minime. Minime trait de fracture pariétal droit plus céphalothorax en regard".
Un compte-rendu d'autopsie, effectué trois jours plus tard précise : "L'enfant est décédé d'un engagement cérébral secondaire à un hématome extra-dural traumatique accidentel".
Dires des médecins et de leur conseils
Le médecin généraliste indique que, lors de l'appel initial, il n'y avait pas de signe clinique alarmant, que sa secrétaire avait conseillé d'aller au service des urgences du centre hospitalier et qu'elle avait appelé ledit service. Il indique avoir reçu la famille et l'enfant en fin d'après-midi vers 18 heures 50, et avoir regardé les radiographies. Il a suggéré une hospitalisation qui aurait été refusée car l'enfant ne pleurait plus. Il a conseillé une surveillance clinique et l'appel du médecin de garde en cas de modification de l'état de santé.
Il dit n'avoir commis aucune faute.
La faute résulterait d'une erreur de diagnostic (fracture du crâne) qui serait imputable au seul radiologue.
Il rejette aussi la faute sur la clinique qui a laissé deux de ses préposées examiner l'enfant et donner un avis médical sans avoir les compétences pour le faire.
Il précise que ces fautes respectives ont une relation de causalité avec le dommage subi par l'enfant car il aurait alors dû être hospitalisé en urgence et faire l'objet d'une intervention neurochirurgicale.
Il reproche aux parents de ne pas avoir suivi son conseil de se rendre au centre hospitalier, conseil transmis par sa secrétaire.
Le radiologue confirme son interprétation des radiographies en précisant que, sur le cliché temporo-occipital transversal qu'il effectuait, l'image pouvait être aussi une image traumatique. Il n'a pas poussé plus loin ses investigations radiographiques, ni effectué un examen clinique. Il a conseillé de voir le médecin et de lui montrer les radiographies.
À l'appui de sa demande principale de mise hors de cause, le radiologue certifie avoir rempli son obligation de moyen en alertant les parents sur la possibilité d'une lésion traumatique et sur la nécessité d'une surveillance de l'évolution clinique du jeune enfant. Il stigmatise la légèreté de la clinique qui a laissé l'enfant être examiné par du personnel non compétent, et celle du médecin généraliste qui a procédé à un examen insuffisant de l'enfant. Il considère qu'en supposant sa propre responsabilité retenue, elle ne devrait intervenir que partiellement.
Le Docteur S. représentant la clinique, n'a pas fait de commentaire au moment de l'expertise judiciaire, mais a demandé à ce que la clinique soit mise hors de cause.
Il a sollicité un partage de responsabilité entre le médecin généraliste et le radiologue en laissant éventuellement à la charge des parents une partie de leur préjudice.
Conclusions de l'expert
L'expert conclut en précisant que le décès de l'enfant est secondaire à un engagement cérébral, secondaire à un hématome extradural en regard de la fracture pariétale droite.
Le diagnostic de fracture n'a pas été fait par le radiologue qui n'a pas fait d'incidence complémentaire.
Le diagnostic de fracture n'a pas été fait par le Docteur Y. qui a examiné la radio et qui n'a pas été suffisamment attentif à l'examen clinique de l'enfant.
Il conclut donc que l'enfant est décédé d'une absence de diagnostic radiologique et clinique de son traumatisme crânien.
Jugement du tribunal de grande instance
Le Tribunal a condamné, in solidum, pour leur faute et leur manquement, le médecin généraliste, le radiologue et la clinique, car les diverses erreurs et négligences ont concouru à la réalisation du préjudice et ont empêché que le diagnostic d'hématome extradural soit fait à temps et que les mesures d'intervention nécessitées par l'état de santé de l'enfant soient prises.
Le médecin généraliste a été condamné pour ne pas avoir examiné l'enfant avec suffisamment de soins, pour ne pas avoir prêté suffisamment attention aux signes d'endormissement, et pour ne pas avoir prêté une attention soutenue à l'examen radiographique.
Le radiologue a été condamné pour ne pas avoir fait le diagnostic de fracture du crâne et pour avoir établi un compte-rendu insuffisamment explicite.
La clinique a été condamnée pour avoir laissé "deux dames" examiner l'enfant en l'absence de médecin, et pour avoir fourni des informations non sérieusement contredites et plutôt rassurantes.
Le Tribunal a reconnu l'absence de responsabilité des parents dans la mesure où ils ont apporté à leur enfant toute l'attention et toutes les diligences normales. La réparation du préjudice n'a pas porté sur le préjudice moral consécutif au décès de l'enfant, mais sur la perte de chance de survie par absence de diagnostic.
Le Tribunal a condamné in solidum le radiologue, le médecin généraliste et la clinique à payer à la famille la somme de 15 490 € (environ 100 000 francs) à titre de dommages-intérêts. Le montant de la réparation a été répartie à la hauteur de 60% à la charge du radiologue, 30% à la charge du médecin généraliste, et 10% à la charge de la clinique.
Entre 16 heures et 17 heures, un enfant, âgé de 8 mois, chute de sa table à langer à plat ventre sur le carrelage. Il pleure. Madame X. sa mère, appelle le médecin généraliste le plus proche de son domicile. La secrétaire de ce dernier la rassure et lui dit qu'elle peut aller faire des radios pour être tranquillisée.
Madame X. ne va pas chez le radiologue, mais emmène son enfant à la clinique où exerce le pédiatre qui le suit. En son absence, l'enfant est examiné par "deux dames" pendant 15 minutes. Elles rassurent la mère, et lui disent de rentrer chez elle.
Peu rassurée, Madame X. va au cabinet de radiologie du Docteur Z.
La radio est réalisée à 17 heures 45. L'enfant pleure lorsqu'on le mobilise. Le commentaire oral du radiologue précise qu'il n'y a rien, mais que l'enfant doit voir un médecin. Il donne à la mère une lettre cachetée.
La mère de l'enfant accompagnée de son mari, retourne chez le médecin généraliste vers 18 heures 30. Ce dernier les reçoit. Le père précise qu'il trouve son fils amorphe et dans un état anormal. Le médecin généraliste examine les radios, regarde les pupilles de l'enfant qui reste dans les bras de son père. Il conseille de ramener l'enfant chez lui car il est fatigué, et de lui donner de l'acide acétylsalicylique.
Les parents rentrent et, lorsque la mère veut changer son enfant vers 19 heures, il se laisse complètement aller, ne s'agite pas. Elle le recouche et, le surveillant, constate que la respiration est saccadée. Il est mou et a les yeux révulsés.
Il est 20 heures 30 lorsqu'elle appelle le SAMU. L'enfant est emmené à l'hôpital et y décède à 21 heures 50.
Un scanner effectué post-mortem indique : "Contusion hémorragique frontale droite, volumineux hématome extra-dural pariétal droit avec engagement sous-falciforme majeur et semble-t-il engagement sous-tentoriel minime. Minime trait de fracture pariétal droit plus céphalothorax en regard".
Un compte-rendu d'autopsie, effectué trois jours plus tard précise : "L'enfant est décédé d'un engagement cérébral secondaire à un hématome extra-dural traumatique accidentel".
Dires des médecins et de leur conseils
Le médecin généraliste indique que, lors de l'appel initial, il n'y avait pas de signe clinique alarmant, que sa secrétaire avait conseillé d'aller au service des urgences du centre hospitalier et qu'elle avait appelé ledit service. Il indique avoir reçu la famille et l'enfant en fin d'après-midi vers 18 heures 50, et avoir regardé les radiographies. Il a suggéré une hospitalisation qui aurait été refusée car l'enfant ne pleurait plus. Il a conseillé une surveillance clinique et l'appel du médecin de garde en cas de modification de l'état de santé.
Il dit n'avoir commis aucune faute.
La faute résulterait d'une erreur de diagnostic (fracture du crâne) qui serait imputable au seul radiologue.
Il rejette aussi la faute sur la clinique qui a laissé deux de ses préposées examiner l'enfant et donner un avis médical sans avoir les compétences pour le faire.
Il précise que ces fautes respectives ont une relation de causalité avec le dommage subi par l'enfant car il aurait alors dû être hospitalisé en urgence et faire l'objet d'une intervention neurochirurgicale.
Il reproche aux parents de ne pas avoir suivi son conseil de se rendre au centre hospitalier, conseil transmis par sa secrétaire.
Le radiologue confirme son interprétation des radiographies en précisant que, sur le cliché temporo-occipital transversal qu'il effectuait, l'image pouvait être aussi une image traumatique. Il n'a pas poussé plus loin ses investigations radiographiques, ni effectué un examen clinique. Il a conseillé de voir le médecin et de lui montrer les radiographies.
À l'appui de sa demande principale de mise hors de cause, le radiologue certifie avoir rempli son obligation de moyen en alertant les parents sur la possibilité d'une lésion traumatique et sur la nécessité d'une surveillance de l'évolution clinique du jeune enfant. Il stigmatise la légèreté de la clinique qui a laissé l'enfant être examiné par du personnel non compétent, et celle du médecin généraliste qui a procédé à un examen insuffisant de l'enfant. Il considère qu'en supposant sa propre responsabilité retenue, elle ne devrait intervenir que partiellement.
Le Docteur S. représentant la clinique, n'a pas fait de commentaire au moment de l'expertise judiciaire, mais a demandé à ce que la clinique soit mise hors de cause.
Il a sollicité un partage de responsabilité entre le médecin généraliste et le radiologue en laissant éventuellement à la charge des parents une partie de leur préjudice.
Conclusions de l'expert
L'expert conclut en précisant que le décès de l'enfant est secondaire à un engagement cérébral, secondaire à un hématome extradural en regard de la fracture pariétale droite.
Le diagnostic de fracture n'a pas été fait par le radiologue qui n'a pas fait d'incidence complémentaire.
Le diagnostic de fracture n'a pas été fait par le Docteur Y. qui a examiné la radio et qui n'a pas été suffisamment attentif à l'examen clinique de l'enfant.
Il conclut donc que l'enfant est décédé d'une absence de diagnostic radiologique et clinique de son traumatisme crânien.
Jugement du tribunal de grande instance
Le Tribunal a condamné, in solidum, pour leur faute et leur manquement, le médecin généraliste, le radiologue et la clinique, car les diverses erreurs et négligences ont concouru à la réalisation du préjudice et ont empêché que le diagnostic d'hématome extradural soit fait à temps et que les mesures d'intervention nécessitées par l'état de santé de l'enfant soient prises.
Le médecin généraliste a été condamné pour ne pas avoir examiné l'enfant avec suffisamment de soins, pour ne pas avoir prêté suffisamment attention aux signes d'endormissement, et pour ne pas avoir prêté une attention soutenue à l'examen radiographique.
Le radiologue a été condamné pour ne pas avoir fait le diagnostic de fracture du crâne et pour avoir établi un compte-rendu insuffisamment explicite.
La clinique a été condamnée pour avoir laissé "deux dames" examiner l'enfant en l'absence de médecin, et pour avoir fourni des informations non sérieusement contredites et plutôt rassurantes.
Le Tribunal a reconnu l'absence de responsabilité des parents dans la mesure où ils ont apporté à leur enfant toute l'attention et toutes les diligences normales. La réparation du préjudice n'a pas porté sur le préjudice moral consécutif au décès de l'enfant, mais sur la perte de chance de survie par absence de diagnostic.
Le Tribunal a condamné in solidum le radiologue, le médecin généraliste et la clinique à payer à la famille la somme de 15 490 € (environ 100 000 francs) à titre de dommages-intérêts. Le montant de la réparation a été répartie à la hauteur de 60% à la charge du radiologue, 30% à la charge du médecin généraliste, et 10% à la charge de la clinique.
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