Que faire lorsque le patient n'observe pas une prescription ?

Emmanuelle BUISSON, Juriste spécialisée en droit de la santé

La situation d'indiscipline du patient face aux prescriptions formulées par le médecin peut poser problème à ce dernier dans la mesure où le malade ne peut pas être suivi correctement. L'inobservance du patient va s'illustrer par exemple dans le non-respect ou l'irrégularité dans le suivi d'un traitement, dans l'absence de réalisation d'examens nécessaires, dans le non-respect de principes de précaution énoncés par le médecin (concernant l'hygiène de vie du patient, le tabac, la prise d'alcool, le suivi postopératoire...).
Afin de ne pas se retrouver dans une situation litigieuse, le médecin va devoir renouveler les tentatives afin de convaincre le patient de respecter ses prescriptions: en effet, en cas de litige, les magistrats seront attentifs aux efforts réalisés par le médecin afin de convaincre son patient. Il conviendra donc de préciser au patient les risques encourus en cas de non-respect de ses prescriptions. L'objectif pour le médecin est de ramener le patient à une meilleure observance afin de lui faire bénéficier des meilleurs soins adaptés à sa pathologie.
Deux options s'offrent au médecin : continuer de suivre ce patient "indiscipliné" ou refuser de poursuivre sa prise en charge. Il appartiendra alors au médecin d'apprécier les risques encourus par le patient du fait de son indiscipline afin d'adopter la meilleure attitude. Quelle peut être sa responsabilité dans chacune de ces situations ?
Si le médecin choisit de continuer de suivre le patient "indiscipliné", il ne doit pas se contenter de poursuivre sa prise en charge sans réagir : on pourrait alors lui reprocher son inaction face à l'indiscipline du patient, de ne pas l'avoir dirigé vers un confrère qui aurait pu être plus convaincant... Le médecin ne doit pas cautionner cette indiscipline : en ne pouvant donner au patient les soins adaptés du fait de l'inobservance de ce dernier, sa responsabilité peut être engagée en cas de survenue d'un incident. On pourrait ainsi lui reprocher d'avoir continué à suivre un patient alors qu'il ne disposait pas de tous les éléments pour travailler correctement (le patient refuse par exemple de réaliser un examen prescrit et le médecin peut difficilement travailler sans les résultats de cet examen).
Si le médecin choisit de ne plus suivre le patient, il devra vérifier que la continuité des soins est assurée pour ce dernier. Il l'informera qu'il ne souhaite plus le traiter et lui transmettra les coordonnées de confrères et/ou d'établissements susceptibles de le prendre en charge. Dans ce cas, le médecin entre dans le cadre de l'article 47 du Code de déontologie médicale l'autorisant à refuser des soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. Cependant, le médecin ne peut refuser de continuer à suivre ce patient si ce dernier se trouve en situation d'urgence, et il ne peut pas non plus "l'abandonner" sans soins, ce qui constituerait un comportement sanctionnable par les juridictions civiles, pénales (non-assistance à personne en péril) et ordinales.

09.08 UVD 06 F 0192 IN