27/01/10
PAR Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé
Les faits
Dix jours après son retour d'un voyage d'affaires en Afrique du Sud avec un passage au Zimbabwe (impaludé), un patient de 58 ans présente de la fièvre, des céphalées et une dysphagie. Notons que le patient n'avait fait l'objet d'aucune prophylaxie antipaludéenne avant son voyage.
Suite à la constatation d'une gorge rouge, une antibiothérapie est prescrite par le médecin généraliste consulté qui n'est pas le médecin traitant habituel. Le patient informe le médecin qu'il s'est rendu en Afrique du Sud, qu'il n'a pas pris de chimioprophylaxie antipaludéenne, mais il ne mentionne pas son passage au Zimbabwe.
Le patient est dans un état stationnaire trois jours après cette consultation, mais présente toujours de la fièvre et des céphalées ; son épouse en informe le médecin généraliste par téléphone.
Le lendemain, le médecin fait hospitaliser le patient qui présente un syndrome méningé ; le diagnostic d'accès palustre est corroboré ; la parasitémie est forte à 15 %.
Hospitalisé en réanimation, le patient est dans un état confusionnel ; il présente une insuffisance rénale aiguë, une atteinte hépatique et une agitation motrice. Le patient subit une intubation, une ventilation et une dialyse. Présentant un tableau de défaillance multiviscérale compliqué par un choc septique d'origine nosocomiale, il décédera le jour même.
La procédure
L'expert judiciaire nommé commence par rappeler l'adage suivant : "il faut penser à un paludisme d'importation chaque fois qu'il existe une pathologie fébrile chez un voyageur de retour d'une zone d'endémie palustre". Il conclut que dans la mesure où le patient n'a pas informé son médecin de son passage en zone endémique, il est compréhensible que ce dernier "ait pu ne pas évoquer un accès palustre lors de sa première consultation". L'expert note toutefois que l'accès palustre constitue une urgence thérapeutique absolue et que "tout retard thérapeutique, même de 48 heures, est pénalisant, pouvant favoriser l'évolution vers une forme grave avec une mortalité qui reste de 10 à 15 %". L'expert rappelle qu'une "septicémie avec localisations multiviscérales a compliqué l'évolution d'un accès pernicieux sévère dont la gravité initiale a été responsable "d'une importante fragilisation de l'état général du patient". Il explique également que "la sévérité de l'accès palustre a contribué à amoindrir la résistance du patient et à favoriser les complications infectieuses". L'expert conclut que ces complications infectieuses n'ont pu être que très indirectement favorisées par "le retard de diagnostic de trois jours".
En 2004, le Tribunal de Grande Instance a retenu que la veuve et le fils du patient décédé ne rapportaient pas la preuve d'une faute commise par le médecin généraliste en lien avec le décès du patient ; ils ont donc été déboutés de l'ensemble de leurs demandes.
La Cour d'appel a cependant condamné en 2007 le médecin généraliste à verser 523 141 € au titre de l'indemnisation du préjudice économique de la veuve et du préjudice moral de cette dernière et de son fils. La Cour d'appel a en effet rappelé que des zones endémiques existent même en Afrique du Sud, comme cela a été souligné par l'expert, et que le médecin, alors informé du séjour de son patient dans ce pays, aurait dû être "particulièrement prudent et vigilant". Selon les magistrats, il aurait pu l'interroger précisément sur son parcours étant donné qu'une forme de paludisme est mortelle. Le médecin a donc commis une faute en n'agissant pas ainsi, "étant précisé qu'une simple prise de sang suffisait à établir le diagnostic".
La Cour a donc retenu que le patient a perdu, en raison de cette faute, une chance d'éviter le décès estimée à 80 %.
Ce que dit la loi
Le médecin doit mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour poser ou affiner un diagnostic ; il doit "toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés" (article R. 4127-33 du Code de la santé publique). Ainsi, le non diagnostic d'une pathologie sera considéré comme fautif si le médecin n'a pas raisonné correctement face aux symptômes présentés par le patient ou s'il n'a pas fait réaliser les examens complémentaires nécessaires qui auraient permis de poser le diagnostic, comme c'est le cas dans l'affaire commentée.
Les conseils
En amont d'un voyage dans un pays impaludé (ou affecté par des maladies endémiques), il est nécessaire de rappeler au patient la gravité de cette pathologie, lui expliquer qu'il faut être très prudent et lui délivrer des conseils afin de se protéger sur place (utilisation de répulsifs...).
Dans le cadre d'un patient présentant certains symptômes au retour d'un voyage d'un pays impaludé, le médecin "doit" penser au diagnostic de paludisme en prescrivant au patient les examens nécessaires pour que ce diagnostic puisse être rapidement confirmé ou infirmé, dans la mesure où un diagnostic précoce est primordial en la matière.
Le praticien doit questionner le patient pour obtenir plus d'informations sur la zone impaludée visitée, sur les symptômes présentés...
Si le diagnostic de paludisme est confirmé, il convient de prescrire le traitement adapté dans les plus brefs délais, voire de faire hospitaliser le patient lorsque c'est nécessaire.
Enfin, il convient de conserver dans le dossier médical du patient une trace écrite des informations et conseils délivrés avant un tel voyage, du traitement préventif prescrit, des symptômes présentés, des questions posées au patient et des réponses que ce dernier y aura apportées, et de la démarche diagnostique (examens prescrits, résultats...) et thérapeutique.
01.14 UVD 10 F 2023 IN
PAR Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé
Les faits
Dix jours après son retour d'un voyage d'affaires en Afrique du Sud avec un passage au Zimbabwe (impaludé), un patient de 58 ans présente de la fièvre, des céphalées et une dysphagie. Notons que le patient n'avait fait l'objet d'aucune prophylaxie antipaludéenne avant son voyage.
Suite à la constatation d'une gorge rouge, une antibiothérapie est prescrite par le médecin généraliste consulté qui n'est pas le médecin traitant habituel. Le patient informe le médecin qu'il s'est rendu en Afrique du Sud, qu'il n'a pas pris de chimioprophylaxie antipaludéenne, mais il ne mentionne pas son passage au Zimbabwe.
Le patient est dans un état stationnaire trois jours après cette consultation, mais présente toujours de la fièvre et des céphalées ; son épouse en informe le médecin généraliste par téléphone.
Le lendemain, le médecin fait hospitaliser le patient qui présente un syndrome méningé ; le diagnostic d'accès palustre est corroboré ; la parasitémie est forte à 15 %.
Hospitalisé en réanimation, le patient est dans un état confusionnel ; il présente une insuffisance rénale aiguë, une atteinte hépatique et une agitation motrice. Le patient subit une intubation, une ventilation et une dialyse. Présentant un tableau de défaillance multiviscérale compliqué par un choc septique d'origine nosocomiale, il décédera le jour même.
La procédure
L'expert judiciaire nommé commence par rappeler l'adage suivant : "il faut penser à un paludisme d'importation chaque fois qu'il existe une pathologie fébrile chez un voyageur de retour d'une zone d'endémie palustre". Il conclut que dans la mesure où le patient n'a pas informé son médecin de son passage en zone endémique, il est compréhensible que ce dernier "ait pu ne pas évoquer un accès palustre lors de sa première consultation". L'expert note toutefois que l'accès palustre constitue une urgence thérapeutique absolue et que "tout retard thérapeutique, même de 48 heures, est pénalisant, pouvant favoriser l'évolution vers une forme grave avec une mortalité qui reste de 10 à 15 %". L'expert rappelle qu'une "septicémie avec localisations multiviscérales a compliqué l'évolution d'un accès pernicieux sévère dont la gravité initiale a été responsable "d'une importante fragilisation de l'état général du patient". Il explique également que "la sévérité de l'accès palustre a contribué à amoindrir la résistance du patient et à favoriser les complications infectieuses". L'expert conclut que ces complications infectieuses n'ont pu être que très indirectement favorisées par "le retard de diagnostic de trois jours".
En 2004, le Tribunal de Grande Instance a retenu que la veuve et le fils du patient décédé ne rapportaient pas la preuve d'une faute commise par le médecin généraliste en lien avec le décès du patient ; ils ont donc été déboutés de l'ensemble de leurs demandes.
La Cour d'appel a cependant condamné en 2007 le médecin généraliste à verser 523 141 € au titre de l'indemnisation du préjudice économique de la veuve et du préjudice moral de cette dernière et de son fils. La Cour d'appel a en effet rappelé que des zones endémiques existent même en Afrique du Sud, comme cela a été souligné par l'expert, et que le médecin, alors informé du séjour de son patient dans ce pays, aurait dû être "particulièrement prudent et vigilant". Selon les magistrats, il aurait pu l'interroger précisément sur son parcours étant donné qu'une forme de paludisme est mortelle. Le médecin a donc commis une faute en n'agissant pas ainsi, "étant précisé qu'une simple prise de sang suffisait à établir le diagnostic".
La Cour a donc retenu que le patient a perdu, en raison de cette faute, une chance d'éviter le décès estimée à 80 %.
Ce que dit la loi
Le médecin doit mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour poser ou affiner un diagnostic ; il doit "toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés" (article R. 4127-33 du Code de la santé publique). Ainsi, le non diagnostic d'une pathologie sera considéré comme fautif si le médecin n'a pas raisonné correctement face aux symptômes présentés par le patient ou s'il n'a pas fait réaliser les examens complémentaires nécessaires qui auraient permis de poser le diagnostic, comme c'est le cas dans l'affaire commentée.
Les conseils
En amont d'un voyage dans un pays impaludé (ou affecté par des maladies endémiques), il est nécessaire de rappeler au patient la gravité de cette pathologie, lui expliquer qu'il faut être très prudent et lui délivrer des conseils afin de se protéger sur place (utilisation de répulsifs...).
Dans le cadre d'un patient présentant certains symptômes au retour d'un voyage d'un pays impaludé, le médecin "doit" penser au diagnostic de paludisme en prescrivant au patient les examens nécessaires pour que ce diagnostic puisse être rapidement confirmé ou infirmé, dans la mesure où un diagnostic précoce est primordial en la matière.
Le praticien doit questionner le patient pour obtenir plus d'informations sur la zone impaludée visitée, sur les symptômes présentés...
Si le diagnostic de paludisme est confirmé, il convient de prescrire le traitement adapté dans les plus brefs délais, voire de faire hospitaliser le patient lorsque c'est nécessaire.
Enfin, il convient de conserver dans le dossier médical du patient une trace écrite des informations et conseils délivrés avant un tel voyage, du traitement préventif prescrit, des symptômes présentés, des questions posées au patient et des réponses que ce dernier y aura apportées, et de la démarche diagnostique (examens prescrits, résultats...) et thérapeutique.
01.14 UVD 10 F 2023 IN
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