Responsabilité civile du médecin - Le déroulement de la procédure civile
Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé.
Les faits
En novembre 2000, une patiente de 51 ans consulte pour la première fois un médecin généraliste pour une "angine". Constatant des lésions blanchâtres muqueuses et une adénopathie cervicale, le médecin prescrit une échographie ; le compte rendu précise : "adénopathie inflammatoire jugulo carotidienne gauche isolée". Le médecin prescrit alors à sa patiente un traitement antibiotique et un bilan biologique.
Le médecin revoit la patiente plusieurs fois jusqu'en juillet 2001 (une à deux fois par mois, à son domicile). L'état de la patiente s'améliore, sans disparition complète des symptômes ; le médecin change les traitements et prescrit différents antibiotiques, anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéroïdiens. On ne retrouve pas de dossier médical mentionnant ces diverses consultations.
En juin 2001, la patiente, présentant une grande fatigue et ne mangeant plus, consulte un oto-rhino-laryngologue ; suspectant une lésion du pilier antérieur de l'amygdale, ce dernier l'adresse au centre hospitalier afin qu'un bilan soit réalisé. Le chirurgien explique, dans le courrier qu'il adresse à l'ORL, que la patiente a choisi de reprendre un traitement "d'épreuve" antifongique et antibiotique "sur les conseils de son médecin", et que le bilan n'a ainsi pas pu être réalisé. La patiente ne reverra jamais le chirurgien ni l'ORL.
Le médecin généraliste expliquera par la suite qu'après avoir discuté avec la patiente et l'avoir informée des risques hémorragiques liés à la réalisation de la biopsie proposée, il l'a conviée à réfléchir afin de savoir si elle devait réaliser cet examen.
Un diagnostic de carcinome épidermoïde T3 de la région sous amygdalienne sera posé quatre mois plus tard ; la patiente subira une radiothérapie suivie d'une chimiothérapie ; elle décédera en mai 2002 d'un choc septique au cours d'une séance de chimiothérapie.
La procédure
Le mari de la patiente décédée et ses enfants majeurs ont engagé une procédure contre le médecin généraliste.
Un expert a été nommé dans cette affaire ; il retient :
une prise en charge inadaptée de la patiente étant donné l'intoxication tabagique et éthylique présentée par cette dernière ;
une persistance de la symptomatologie ;
l'absence de diagnostic précis ;
la mise en évidence d'une adénopathie.
Selon l'expert, devant ces éléments, l'éventualité d'une tumeur maligne des voies aérodigestives supérieures aurait dû être soulevée par le médecin généraliste qui aurait dû, pour avis, orienter sa patiente vers un ORL.
Par ailleurs, l'expert retient que le médecin généraliste a délivré à sa patiente un conseil incorrect suite à la proposition de biopsie et inapproprié à son état clinique, ce qui a entraîné "un important retard dans le diagnostic du cancer qui a conduit au décès de la patiente" (retard de près d'un an).
Suivant les conclusions expertales, les magistrats ont condamné le médecin généraliste à verser 37 000 Â aux ayants droit de la patiente décédée en réparation de leur préjudice moral. Ils estiment que le retard diagnostique fautif du médecin a fait perdre à la patiente une chance de survie de 50 %.
Ce que dit la loi
Dans le cadre de l'élaboration d'un diagnostic, l'article R. 4127-33 du Code de la santé publique (article 33 du Code de déontologie médicale) précise que : "Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés".
L'article L. 1111-2 du même Code impose au médecin d'informer son patient "sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus".
Les conseils
En cas de persistance des symptômes dans le temps et d'inefficacité des différents traitements prescrits, le médecin doit adresser son patient à un confrère spécialiste.
Il est indispensable de colliger dans le dossier médical du patient, pour chaque consultation, les différents symptômes présentés par le patient, les hypothèses de diagnostic envisagées, les examens sollicités pour confirmer l'hypothèse, les résultats de ces examens et les traitements prescrits. Il convient également d'indiquer dans le dossier le ou les spécialistes consultés, leur(s) avis... Ces éléments pourront constituer, en cas de litige ultérieur éventuel, des preuves que le médecin a mis en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour poser le bon diagnostic.
Enfin, en cas d'alternatives thérapeutiques (actes ou traitements) dans le cadre d'une pathologie, le médecin doit informer le patient des avantages et inconvénients de chacune afin de l'aider à prendre sa décision, et ensuite l'orienter vers la meilleure option thérapeutique. Il est indispensable de conserver une trace écrite de ces conseils délivrés dans le dossier médical du patient.
08.12 UVD 09 F 1760 IN
Emmanuelle BUISSON, Juriste en Droit de la Santé.
Les faits
En novembre 2000, une patiente de 51 ans consulte pour la première fois un médecin généraliste pour une "angine". Constatant des lésions blanchâtres muqueuses et une adénopathie cervicale, le médecin prescrit une échographie ; le compte rendu précise : "adénopathie inflammatoire jugulo carotidienne gauche isolée". Le médecin prescrit alors à sa patiente un traitement antibiotique et un bilan biologique.
Le médecin revoit la patiente plusieurs fois jusqu'en juillet 2001 (une à deux fois par mois, à son domicile). L'état de la patiente s'améliore, sans disparition complète des symptômes ; le médecin change les traitements et prescrit différents antibiotiques, anti-inflammatoires stéroïdiens et non stéroïdiens. On ne retrouve pas de dossier médical mentionnant ces diverses consultations.
En juin 2001, la patiente, présentant une grande fatigue et ne mangeant plus, consulte un oto-rhino-laryngologue ; suspectant une lésion du pilier antérieur de l'amygdale, ce dernier l'adresse au centre hospitalier afin qu'un bilan soit réalisé. Le chirurgien explique, dans le courrier qu'il adresse à l'ORL, que la patiente a choisi de reprendre un traitement "d'épreuve" antifongique et antibiotique "sur les conseils de son médecin", et que le bilan n'a ainsi pas pu être réalisé. La patiente ne reverra jamais le chirurgien ni l'ORL.
Le médecin généraliste expliquera par la suite qu'après avoir discuté avec la patiente et l'avoir informée des risques hémorragiques liés à la réalisation de la biopsie proposée, il l'a conviée à réfléchir afin de savoir si elle devait réaliser cet examen.
Un diagnostic de carcinome épidermoïde T3 de la région sous amygdalienne sera posé quatre mois plus tard ; la patiente subira une radiothérapie suivie d'une chimiothérapie ; elle décédera en mai 2002 d'un choc septique au cours d'une séance de chimiothérapie.
La procédure
Le mari de la patiente décédée et ses enfants majeurs ont engagé une procédure contre le médecin généraliste.
Un expert a été nommé dans cette affaire ; il retient :
une prise en charge inadaptée de la patiente étant donné l'intoxication tabagique et éthylique présentée par cette dernière ;
une persistance de la symptomatologie ;
l'absence de diagnostic précis ;
la mise en évidence d'une adénopathie.
Selon l'expert, devant ces éléments, l'éventualité d'une tumeur maligne des voies aérodigestives supérieures aurait dû être soulevée par le médecin généraliste qui aurait dû, pour avis, orienter sa patiente vers un ORL.
Par ailleurs, l'expert retient que le médecin généraliste a délivré à sa patiente un conseil incorrect suite à la proposition de biopsie et inapproprié à son état clinique, ce qui a entraîné "un important retard dans le diagnostic du cancer qui a conduit au décès de la patiente" (retard de près d'un an).
Suivant les conclusions expertales, les magistrats ont condamné le médecin généraliste à verser 37 000 Â aux ayants droit de la patiente décédée en réparation de leur préjudice moral. Ils estiment que le retard diagnostique fautif du médecin a fait perdre à la patiente une chance de survie de 50 %.
Ce que dit la loi
Dans le cadre de l'élaboration d'un diagnostic, l'article R. 4127-33 du Code de la santé publique (article 33 du Code de déontologie médicale) précise que : "Le médecin doit toujours élaborer son diagnostic avec le plus grand soin, en y consacrant le temps nécessaire, en s'aidant dans toute la mesure du possible des méthodes scientifiques les mieux adaptées et, s'il y a lieu, de concours appropriés".
L'article L. 1111-2 du même Code impose au médecin d'informer son patient "sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus".
Les conseils
En cas de persistance des symptômes dans le temps et d'inefficacité des différents traitements prescrits, le médecin doit adresser son patient à un confrère spécialiste.
Il est indispensable de colliger dans le dossier médical du patient, pour chaque consultation, les différents symptômes présentés par le patient, les hypothèses de diagnostic envisagées, les examens sollicités pour confirmer l'hypothèse, les résultats de ces examens et les traitements prescrits. Il convient également d'indiquer dans le dossier le ou les spécialistes consultés, leur(s) avis... Ces éléments pourront constituer, en cas de litige ultérieur éventuel, des preuves que le médecin a mis en oeuvre tous les moyens à sa disposition pour poser le bon diagnostic.
Enfin, en cas d'alternatives thérapeutiques (actes ou traitements) dans le cadre d'une pathologie, le médecin doit informer le patient des avantages et inconvénients de chacune afin de l'aider à prendre sa décision, et ensuite l'orienter vers la meilleure option thérapeutique. Il est indispensable de conserver une trace écrite de ces conseils délivrés dans le dossier médical du patient.
08.12 UVD 09 F 1760 IN
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